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Billet de blog 20 mai 2014

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Jérôme Kerviel, entre le Diable judiciaire, le Lucifer papal et le Satan médiatique

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Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.

Jérôme Kerviel, même tendant la main au Pape et organisant sa conversion à travers une marche forcée télévisuelle, n’est pas devenu un Saint, ni un Robin des Bois de la Finance, encore moins un Zorro de la vérité.

Les faits n’ont pas à être oubliés, même si la finance internationale, le monde des traders, les dirigeants des grandes organisations internationales, sont parfois des filous de haut vol, des escrocs, des bandits et des fossoyeurs du bien-vivre ensemble.

Quels sont ces faits ?

  1. en sa qualité de trader, Jérôme Kerviel, et pas un autre, a pris sur les marché près de 50 milliards d’euros d’engagements sans contrepartie en janvier 2008.
  2. Jérôme Kerviel, et pas un autre, a établi plus de 900 opérations fictives.
  3. Jérôme Kerviel, et pas un autre, a fabriqué des mails à en-tête falsifiés de la Deutsche Bank ou de JP Morgan.
  4. Jérôme Kerviel, et pas Saint-Paul, a inventé de toutes pièces un donneur d’ordre quand les premières alertes se sont déclenchées sur ses opérations, les siennes pas celles de son cousin, ni de son neveu, ni de son aïeul.
  5. Jérôme Kerviel, après une enquête minutieuse menée sous la conduite de l’expérimenté Renaud Van Ruymebeke, a été renvoyé devant le tribunal pour abus de confiance, faux et usage de faux, et introduction de données informatiques frauduleuses.
  6. Jérôme Kerviel, quoique défendu par le cabinet de droit pénal des affaires le plus puissant de Paris, celui de feu Olivier Metzner, a été déclaré coupable et a été condamné à trois ans de prison.

Que des dysfonctionnements gravissimes ont pu se produire à l’intérieur de l’établissement bancaire pour lequel travaillait Jérôme Kerviel ne saurait avoir pour effet de restreindre incommensurablement la responsabilité individuelle – pas collective – de Jérôme Kerviel, de lui, pas d’un autre.

Le fait que ce manipulateur hors norme ait pu donner la main au Pape François, le fait qu’il ait fait gober à je ne sais quel catholique niais qu’il était sur la voie de la rédemption et de la repentance, le fait que sa conversion est examinée à la loupe par les médias, le fait que d’aucuns considèrent qu’il est devenu par une simple marche de Rome à Menton un parfait repenti, le fait qu’il porte une belle barbe et un sac à dos de prophète, le fait qu’il ose demander une immunité pour dieu sait qui à Hollande, prénommé François, le fait qu’il peut se prévaloir d’une bénédiction papale à presque fleur de peau, sont-ils des arguments pour transformer le justiciable Kerviel en une erreur judiciaire crasse révélant une corruption intime de l’institution judiciaire ?

Jérôme Kerviel n’est en réalité qu’un prestidigitateur maniant le déni avec une virtuosité médiatique accentuée par la naïveté des médias les plus importants. Ce déni systématique de toute responsabilité, ce refus d’admettre une responsabilité personnelle qui n’est pas minime, cette incapacité à remettre en question ses propres actes, doivent conduire à un jugement bien différent de celui que ce saint homme voudrait qu’on lui attribue. Saint Jérôme n’est pas encore à béatifier.

Si Jérôme Kerviel n’est ni le Diable, ni Lucifer, ni Satan, il n’est assurément ni saint, ni vertueux, ni divin. En l’état, c’est un homme condamné qui doit exécuter une peine proportionnée à la gravité d’actes analysés avec impartialité par des acteurs judiciaires qui ont des compétences et une expérience que bien des accusés de chez nous auraient souhaité avant d’être embastillés.

Si Jérôme Kerviel est sur la voie de la repentance, la réussite de son projet de vie passera inéluctablement - comme au Monopoly – par la case « Prison ». A trop avoir voulu jouer avec son destin financier, Jérôme Kerviel a pu devenir, croit-il, un Goliath médiatique. Mais qui donc voudrait le jalouser ?

Post Scriptum en forme de référence unique: ce texte est largement inspiré par l’article intitulé « Jérôme Kerviel, Goliath médiatique », paru dans Le Monde du mardi 20 mai 2014 sous l’excellente plume de Pascale Robert-Diard.

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