Sepp Blatter est valaisan. Il est donc magnifique. Magnifique dans sa dialectique : « Ce n’est pas la FIFA qui a confié l’organisation des prochains championnats du monde au Brésil, c’est le Brésil qui nous l’a demandé ». C’est pas beau ça, il suffit de demander et la FIFA dit simplement : « oui, vous pouvez organiser la prochaine Coupe du Monde ». Nos amis Quatari ont compris le truc, ils savent demander, ils peuvent donc recevoir. Et puisque ce n’est pas la FIFA qui a choisi le Brésil, c’est bel et bien la faute du Brésil si la rue, à Rio de Janeiro (300’000 personnes), à Sao Paolo (110’000 personnes), à Vitoria (110’000 personnes), à Recife (50’000), à Goiana, à Cuiabá, à Manaus (30’000 personnes dans chacune des villes) est si mécontente des politiques. La colère sociale gronde et les milliards dépensés pour la Coupe du Monde 2014 ont écoeuré le peuple citoyen brésilien.
Mais Sepp est heureux, les « emmerdes » ne sont pas pour lui, à Dilma Rousseff de les gérer, lui il peut se pavaner et préparer les chants de louanges qui lui feront croire que la FIFA c’est la réunion des peuples et que le mécontentement du peuple des favelas n’est pas de sa responsabilité mais de celle des politiques qui ne savent pas gérer le pays, qui augmentent les transports publics de manière irréfléchie et qui s’écrèment parmi pour mieux sourire en 2014 aux caméras du monde entier.
La FIFA est pure, saine, démocratique, dynamique et éthique. On dit même que sa pureté est inscrite dans les complaisances fiscales que lui fait la Confédération helvétique. Mais surtout ne pas croire, en ces temps de douce transparence budgétaire, qu’il y aurait des facilités indues octroyées à cet organisme prônant les vertus du sport.
Au Brésil, à fin de réduction des déficits, le pouvoir exécutif a décidé d’augmenter de sept centimes d’euro le ticket du bus. Les manifestants deviennent alors philosophes et créent des slogans qui – peut-être – resteront dans l’histoire. L’un d’entre eux (cf. Le Monde du 22 juin 2013) a épaté : « Les professeurs ont autant de valeur que Neymar ». Ce crédit apporté au savoir, à l’enseignement, à la formation, que l’on ose comparer au sport-roi du Brésil, est la marque d’un peuple qui devine que l’avenir est moins dans la religion du ballon rond, même victorieux, que dans l’aide apportée aux plus pauvres par ceux-là mêmes que les politiques devraient mettre en valeur. Tous ces gens dans les rues de Rio ou de Sao Paulo ont compris que « la vie est trop confortable pour nos politiciens et pas assez pour le peuple ».
Neymar s’en ira demain vers Barcelone, ses potes resteront chez eux, les supporters fêteront peut-être l’année prochaine un titre de champion du monde, sous un contrôle policier et militaire massif, mais on pressent déjà, sans trop savoir quel sera le déroulement de l’histoire, que les citoyens des favelas, les cariocas de Rio et les démunis d’ailleurs imposeront au pouvoir un autre jeu que celui dicté par la corruption, la gangrène sociale ou l’abandon des principes de solidarité et de transparence.
Oh oui, « les professeurs ont autant de valeur que Neymar ». Le Brésil et Blatter le savent bien. Mais qui veut vraiment changer les règles du jeu ?