Sur la Catalane, entre Montpellier et Nîmes, j'écoutais la radio. Et j'ai cru comprendre qu'à Trappes un policier avait voulu procéder il y a quelques jours à un contrôle d'identité d'une femme complètement voilée. Et cet acte étatique exécuté par un agent de la fonction publique avait provoqué un vif mécontentement, qassorti d'assauts de jeunes contre la police, et enfin une incarcération de quatre d'une bande de deux cents.
La dispute devint écrite, publique et médiatique. Le ministre Vals s'en vint sur les lieux pour le semblant de la sécurité nationale.
Quelle position adopter dans ce remue-banlieues à la sauce éminemment non-laïque ?
On va imaginer que cette femme n'était pas une terroriste mais une citoyenne pas incroyante sachant qu'elle ne respectait pas la loi républicaine. De même, son mari, citoyen non modèle, fâché contre une pratique policière légale, n'est peut-être pas un saint de vertu civique.
On va imaginer un policier non raciste voulant sur la place publique, dans un quartier peu laïque, que la loi soit respectée et pratiquer un contrôle licite d'identité dans un lieu d'incivilités quotidiennes.
Alors quoi ?
Le citoyen français lambda en a marre que l'étranger ignore les usages d'ici. Le politique, sous la pression nationaliste, a choisi une voie légale qu'il savait devoir entraîner des insolences de la part de certains croyants. Un policier, témérère ou non, a osé un contrôle d'identité d'une personne au visage inconnu mais dont rien, excepté ce voile intégral, ne disait qu'elle eût eu pu être une délinquante. Mais bon, il paraît que sous le voile peuvent se cacher d'immondes terroristes. Alors faut y aller. Faut rien craindre. Faut oser lever le voile.
Lever le voile et respecter la loi, c'est aussi dire que certains banquiers portent la cravate, qu'ils ont un visage et qu'ils n'ont à l'évidence pas respecté le droit sans guère être inquiétés pour leurs actes criminels, ni par les policiers, ni par les juges.
Lever le voile, c'est dire que les brigands des quartiers de banlieues semblent être craints par les forces policières pas moins que les brigands de la finance et du trading.
On veut médiatiser Trappes et ses inadmissibles atteintes au droit et ignorer les voiles que les hommes de la finance jettent chaque jour sur leurs pratiques de trading, de produits dérivés et de commissions occultes sous forme souvent de salaires faramineux octroyés.
Faire semblant de vouloir respecter le droit à Trappes et feindre de vouloir contrôler la finance tout en renonçant à taxer les transactions financières, c'est tout un art dont peuvent s'enorgueillir les funambules de la politique sans âme.
A ceux-ci je veux bien leur accorder qu'il est plus facile de simuler la fermeté à Trappes que le respect de la loi au sein d'un conseil d'administration cloisonné du CAC40.
L'incroyant laïque que je suis n'aime ni le voile intégral de la femme musulmane, ni le voile intégral de la finance bancaire. Il devine aussi qu'une justice et une police qui feraient du combat contre le nikab un tissu sociétal de volonté d'ignorance des actes de criminalité en col blanc est vouée à l'irrespect et à l'injustice.
La religion de la finance est aussi exécrable que celle des intégristes les plus intolérants.
Lever un voile à Trappes, ce n'est pas encore une politique. C'est tout au plus un attrape-nigauds.