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Billet de blog 24 novembre 2013

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La Suisse de la productivité fiscale et bancaire tremble

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Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.

Nous, Suisses, nous sommes – dans le champ de la défiscalisation bancaire – les cousins du Liban, de Panama, du Liberia ou de Brunei. Nous ne répondons tout simplement pas aux normes internationales en matière de transparence et d’échange d’informations fiscales édictées par le Forum mondial sur la fiscalité organisé sous l’égide de l’OCDE. En d’autres mots : nous sommes des brigands dont les établissements financiers ne veulent pas récolter les informations personnelles de leurs clients ni les partager avec le fisc de leur pays ou d’un pays partenaire. A l’exemple du Luxembourg, nous faisons les poches de nos voisins pour accroître la qualité et la quantité de nos ressources financières. Nous sommes les Somaliens du piratage financier lié à la défiscalisation ou à l’optimisation fiscale.

Tout cela était connu, rien ne se passe, donc rien de plus inconfortable ne va nous tomber sur la tête. On a passé le cap le plus dur. A nous maintenant de savoir avec intelligence et brio convaincre nos clients de la qualité de nos services financiers. On respire. Mais est-on vraiment certain qu’une nouvelle catastrophe ne va pas engendrer un nouveau et magistral coup de sac ?

Ce qui se trame dans les coulisses de cette chose financière n’est pas pour rassurer. Une nouvelle directive, sur la « coopération administrative », est en cours de négociation et devrait entrer en vigueur courant 2015. Elle devrait imposer l’échange automatique à tous les pays membres et en élargir la portée. En effet, la « directive épargne » ne concerne que les intérêts dégagés sur les comptes en banque. Or, selon les calculs de Gabriel Zucman, les deux tiers des fortunes occultes détenues par les riches Européens sont investies en actions ou dans des fonds d’investissement, qui versent des dividendes. Mais pour l’heure, le texte de la nouvelle directive ne porte que sur cinq catégories de revenus et de capital (revenus professionnels, jetons de présence, produits d’assurance-vie, pensions, propriété et revenus de biens immobiliers). Il ne concerne toujours pas les dividendes versés par les fonds d’investissement si chers au Luxembourg. On comprend pourquoi Jean-Claude Juncker a affirmé en avril, comme l’a confirmé Mediapart hier, que « les lumières ne vont pas s’éteindre » sous peu dans les banques du Grand-Duché. Ni dans celles de la Suisse si proche en cœur et en esprit avec ce Luxembourg si peu enclin à vouloir se débarrasser de tout cet argent.

Les banquiers qui nous entourent savent que leur réussite insolente était largement en lien et en osmose avec le désir de nos voisins d’éviter pour eux et leurs proches une inamicale et excessive spoliation fiscale (qui résulte pourtant de normes légales adoptées par les institutions démocratiques de l’Etat !). On allait donc cueillir avec le sourire de connivence tous ces fonds si laborieusement épargnés à fin d’optimisation fiscale (je rappelle ici que cette optimisation est en fait un travestissement organisé par des as fiscalistes destiné à éviter que la loi fiscale ne s’applique à eux avec trop de rigueur). Ce sourire pourrait disparaître à brève échéance. Mais, jamais en panne d’arguments, nos banquiers préférés invoqueront la qualité des services bancaires déployés, la qualité des prestations informatiques, la qualité et l’entregent de leurs intermédiaires. On ose imaginer que ces banquiers sauront convaincre leurs anciens clients que la maîtrise fiscale, appuyée par des études d’avocats spécialisés, leur permettra de continuer à jouer aux petits nigauds avec leur administration fiscale nationale. Il en irait, dit-on, de l’avenir du Produit Intérieur Brut de la Suisse.

On devine une partie tendue, incertaine, dans laquelle brilleront plus les tricheurs et les joueurs de poker que les fonctionnaires au formalisme dogmatique trop statique. S’il fallait miser une simple hausse salariale de l’employé le moins payé de cette Suisse qui gagne, il n’est pas sûr que je parierai sur l’OCDE, tant les cervelets acérés de nos banquiers ont été brillants dans le passé pour nous blouser. Pour quelle raison ne mettraient-ils pas tout leur savoir-faire à contrecarrer ces galeux qui veulent une meilleure transparence fiscale et bancaire.

La Suisse de la productivité fiscale et bancaire tremble. La cause de la fièvre est connue. Il n’est pas certain que l’antibiotique salvateur ait été à ce jour découvert.

Post Scriptum : A lire Mediapart, « Le Luxembourg est officiellement désigné comme un paradis fiscal »

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