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Billet de blog 25 mai 2013

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Le voile des sans-papiers

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Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.

On peut être plébiscité, on peut être adulé, on peut être vitupéré, on peut être Saviésan, on peut être Conseiller d’Etat, on peut être poète, on peut être comédien, on peut être polyglotte, on peut être de la droite extrême, on peut être patriote, on peut être ennemi des clans mafieux ou financiers, on peut être amoureux, on peut être esthète et athlète, on peut être catogané et endimanché, on peut être stratège et metteur en scène, on peut être tout ça et plus encore, et on peut être aussi péteur de plombs et récidiviste. 

Avoir invité un fasciste hollandais à Savièse, puis avoir houspillé le président de la commune, aurait pu avoir incité ses ennemis politiques à plus de flair lors de la campagne électorale. Mais la droite conservatrice et inerte a préféré le silence assumé sur ce passé décoloré. On ne tue pas un pur-sang parce que ses selles sentent une fois trop fort. On doit aussi savoir dans ces moments où l’odorat nous titille les narines se moucher dans un édredon déjà poussiéreux. 

Et puis, un jour, un soir, au début d’un mandat ou au terme d’une journée trop arrosée ou d’une semaine échevelée, on peut déjanter et faire croire au Valais ulcéré que les enfants sans papier pourraient être simplement déscolarisés. Puisqu’on n’est pas un abruti de la pensée, – quoique même les plus méritants des intellectuels les plus aguerris, de gauche, de droite, du centre et de nulle part, et même d’au-delà de l’anarchie la plus extrême, peuvent dévoiler des faces si obscures que leurs meilleurs amis en sont tous déconfits -, on a pu, avec malice luciférienne, savoir par avance le bruit que ce pétage de plomb célestement annoncé dans les bras joyeux de Jean-François Lovey par Darius Rochebin à une heure de grande écoute allait déchaîner les colts, les revolvers et les kalachnikovs, provoquer des réactions enchaînées et enchanter les bistrotiers.

Et tout cela à deux semaines d’une intronisation festive à Saint-Germain où le Valais réuni et béni voudra communier avec ce premier citoyen élu, où Maurice Tornay devra s’exprimer au nom de la collégialité oeucuménique et clanique, où le maire des lieux – socialiste - sera lui aussi en chaire et en os et où le fêté aura encore le dernier mot.

Alors paraît-il moins futile de ne pas ignorer ce moment de grâce évaporée et de dire quelques évidences qui sont les miennes et que j’espère ceux que j’apprécie, intellectuels et manuels, professeurs ou écrivains, plombiers ou charcutiers, nobles ou clandestins, partageront avec eux-mêmes :

1. Ce n’est pas ridiculiser la loi que d’offrir à tous les enfants des sans-papiers, furent-ils dix, vingt ou cent, une scolarité dans nos écoles. C’est au contraire l’appliquer.  

2. L’enseignant, fut-il aujourd’hui sous le sceau du BFS, n’est pas un policier. Il est un maître du savoir qui ose le dispenser à tous les infortunés.

3. Le professeur n’est pas un artiste de l’illégalité. S’il a le souci de l’autorité, il a aussi le courage de dire non dès l’instant où le chef est dépourvu de la loi du bon sens et de l’équité.

4. La clandestinité n’est pas une vie. Elle ne doit être ni éternelle, ni momentanée. Elle peut être régularisée. Des sans-papiers peuvent aussi devenir un jour des citoyens éclairés. Leur donner un peu de lumière par des lettres ou des chiffres est un devoir pour le maître de classe.

5. L’illégalité n’est pas dans l’acte d’enseigner; elle est ancrée dans cette volonté de désintégrer l’institution en lui faisant croire que des employés de l’Etat devraient songer à devenir des délateurs des plus pauvres et des plus ignorés.

6. La justice n’est pas dans la feinte invocation du respect de la loi; elle est dans son application concrète avec le souci de la dignité de nos textes les plus fondamentaux que sont la Constitution fédérale et la Convention internationale sur les droits de l’enfant.

7. La violence n’est pas dans les mots de ceux qui, par trop d’élan de cœur, peuvent avoir été excédés par celui qui ne sera jamais leur guide; elle est ancrée dans ce désir non point de troubler la cité, lieu du débat démocratique, mais dans cette jouissance mortifère de désarticuler jusqu’aux fondements les plus essentiels de notre humanité. S’opposer par solidarité - dans la légalité ou dans l’illégalité – à cette pulsion mortelle et incoercible appartient à notre métier d’homme.

Et le rêve, en ce matin déjà rempli de cris d’oiseaux, serait que tous les enfants de chez nous, demain ou plus tard, se rendent à l’école et embrassent sans ce voile d’inespérance leurs camarades apeurés et sans-papiers et remercient leur maître ou leur professeur d’avoir su désobéir à cette parole d’inhumanité.

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