C’est le New York Times du 26 mai qui l’annonce avec fracas : des officiels de haut rang de la FIFA ont fait l’objet d’arrestations et sont susceptibles d’extradition aux Etats-Unis. Les autorités suisses ont procédé à l’arrestation d’officiels de haut rang de la FIFA en vue d’une extradition aux Etats-Unis pour corruption.
Au moment même où se rassemblaient les dirigeants de la FIFA pour leur assemblée générale annuelle, qui doit désigner le successeur à Sepp Blatter (le Viégeois est largement favori), une dizaine de policiers suisses se sont rendus dans un célébre cinq étoiles, le Baur au Lac Hôtel, qui offre une belle vue sur le Lac de Zürich et sur les Alpes. Les fonctionnaires fédéraux se sont rendus à la réception pour obtenir les clefs de certaines chambres.
Les arrestations ont eu lieu dans le calme. Les menottes ne paraissent pas avoir été utilisées. Un officiel de la FIFA, Eduardo Li du Costa Roca, a été sorti de l’Hôtel par une porte de côté, ayant été autorité d’emporter avec lui des bagages personnels auréolés du sigle et des logos de la FIFA.
Les soupçons de corruption couvrent largement des faits s’étant déroulés durant les deux dernières décades, incluant les opérations liées à l’octroi des deux dernières coupes du monde (Qatar et Russie) ainsi qu’à la problématique des droits TV et des contrats publicitaires, selon les indications données par trois enquêteurs aux correspondants du New York Times. Les charges incluent du racket, de la fraude et du blanchiment d’argent. Les fonctionnaires chargés de l’opération ont fait référence à leurs cibles qualifiées de puissants membres du comité de la FIFA dotés d’énormes pouvoirs et réalisant leurs affaires dans le plus grand secret.
On peut dire que cette vaste opération policière est une menace significative pour Sepp Blatter, reconnue comme la personne ayant le plus d’influence au monde dans la sphère sportive, qui n’est pas concerné par ces opérations policières. L’élection pour sa succession est prévue pour ce vendredi.
Les procureurs planifient des inculpations contre plus de dix personnes, dont certaines ne sont pas à Zürich. Les personnes concernées sont de haut rang : Jeffrey Webb, vice-président du comité exécutif; l’Urugayen Eugenio Figueredo, qui était encore récemment président de la fédération sud-américaine de football; Jack Warner, qui a été accusé de maintes violations à l’éthique et qui était un ancien membre du comité exécutif de la FIFA.
Les fonctionnaires ont fait référence à une corruption institutionnalisée existant depuis des années. Toutes les activités de la FIFA paraissent concernées par ces actes illicites.
A ce stade, ni le département de la justice des Etats-Unis, ni le FBI, ni la FIFA n’ont fait de commentaires.
Cette affaire est la plus importante prise en charge par Madame Loretta Lynch, l’attorney general.
Les réserves financières de la FIFA s’élèvent à 1,5 milliard de dollars, faisant de cette fédération mondiale sportive, défiscalisée en Suisse, un immense conglomérat dans le champ sportif et commercial. Dans le passé, la FIFA a été confrontée à des soupçons de corruption sans en subir encore des préjudices procéduraux significatifs.
Les méthodes utilisées par le département de justice américain dans le cas d’espèce sont les mêmes que celles utilisées en matière de terrorisme.
Les traités internationaux signés entre la Suisse et les Etats-Unis n’autorisent pas d’extradition systématique en matière de fraude fiscale, les autorités suisses pouvant les refuser. En revanche, dans le champ de la criminalité économique ordinaire, le traité autorise les extraditions de la Suisse vers les Etats-Unis d’Amérique.
Il est clair que cette affaire n’embellit pas la réputation de Sepp Blatter, devant lequel depuis des années les politiciens, les stars du football, les institutions et les associations mondiales s’agenouillaient.
Les critiques portées contre la FIFA avaient trait au manque de transparence, en relation notamment avec les rémunérations octroyées aux uns et aux autres et en lien avec la problématique de l’allocation des ressources qui s’élève, selon la FIFA ell-même, à quelque 5 à 7 milliards de dollars pour la période 2011-2014. Les décisions politiques de la FIFA sont souvent prises sans concertation, sans débat ni explication. La consultante Alexandre Wrage a qualifié cette méthode de gouvernance de byzantine et d’impénétrable.
Les investigations semblent porter principalement sur les pratiques de la CONCACAF, l’une des six confédérations membres de la FIFA, à laquelle appartiennent notamment les Etats-Unis et le Mexique, ainsi que les Iles Barbades. La CONCACAF fut dirigée de 1990 à 2011 par Jack Warner qui a été notamment accusé d’avoir tirer des profits de la vente des billets lors de la Coupe du monde 2006. Warner a démissionné de la FIFA au moment lorsque des faits avérés ont surgi quant à une exploitation illicite des votes lors de la désignation en 2010 du président de la FIFA. Un rapport de la CONCACAF de 2013 a également établi qu’il avait reçu des dizaines de millions de fonds non autorisés (ici).
La démission de Jack Warner de la FIFA, selon les propres règles internes de cette organisation, a eu pour effet la suppression des investigations en cours en matière de respect des règles de l’éthique. On affirma alors que la présomption d’innocence devait être maintenue.
L’attribution des Coupes du monde à la Russie en 2018 et au Qatar en 2022 a donné lieu à maintes enquêtes journalistiques qui tendaient à démontrer l’existence de pots-de-vin massifs dans la recherche des voix nécessaires à l’attribution.
Il faut aussi rappeler qu’un ancien procureur des Etats-Unis, Michael Garcia, avait été mandaté par la FIFA pour établir un rapport. Son enquête dura deux ans et son rapport n’a jamais été publié dans son intégralité. Cette enquête conduite par le procureur Loretta Lyncha peut déboucher sur une demande de commission rogatoire tendant à la délivrance par la FIFA de ce rapport que l’on dit explosif. Mais la FIFA avait décidé que tout était en règle.
Peut-être n’est-il pas inadéquat aujourd’hui de rappeler certains articles parus à L’1Dex sur la FIFA et son président:
- http://1dex.ch/2015/01/la-fifa-ce-pays-dun-jeu-sans-corruption/
- http://1dex.ch/2013/06/la-fifa-et-le-miracle-fiscal-de-la-suisse-3/
- http://1dex.ch/2013/10/les-60-ans-du-diplome-de-commerce-de-sepp-blatter/
- http://1dex.ch/2014/09/sepp-blatter-presume-innocent-loubliez-jamais/
- http://1dex.ch/2014/06/football-fifa-drogue-dure/
- http://1dex.ch/2014/05/qatar-sepp-france/
- http://1dex.ch/2014/04/fifa-qatar-valais-chasse-au-chacal-puant-commence/
- http://1dex.ch/2013/11/sepp-blatter-linnocent-irresponsable/
- http://1dex.ch/2013/10/sepp-blatter-un-saint-entre-esclavagisme-et-dictature/
- http://1dex.ch/2013/09/la-petite-erreur-de-sepp-blatter/
- http://1dex.ch/2014/06/sepp-blatter-veut-poursuivre-mission/
- http://1dex.ch/2013/06/blatter-et-romario-le-renard-et-le-renardeau-des-surfaces-politiques-7/
- http://1dex.ch/2013/10/la-coupe-du-monde-2022-au-qatar-les-chantiers-de-la-honte/
- http://1dex.ch/2014/06/fifa-tension/
Le Valais des affaires est aujourd’hui devenu une star mondiale. Sepp Blatter, le Viégeois, n’y est pas pour rien.
Même s’il est naturellement innocent.
Référence et traduction libre : New York Times du 26 mai 2015