Bernard Hinault, le blaireau, est majestueux. Vainqueur de cinq Tour de France, en ces temps où le cycliste était un modèle de vertu, un sain compétiteur et un franc sportif, salarié du Tour de France qui a fait de lui cet envié et ce défenseur des causes perdues, le champion du passé se fait avocat de la Grande Boucle : « On veut tuer le Tour de France ». Et moi, Bernard Hinault, qui connais la chose, qui dis la vérité, qui veux être le sauveur de ce nouveau monde rebaptisé à l’eau plate et au petit lait, je vous lance : « Arrêtez de se foutre de notre gueule ! ». Le Sénat de la France, les journalistes, les autres sportifs, les dénonciateurs, ne sont que des tueurs du cyclisme. Ils veulent la mort de ce sport et oublient de balayer chez les autres. Oui, le cyclisme n’a pas fait tout juste, mais aujourd’hui il n’est pas pire que les autres sports. Allez le demander à Richard Gasquet, qui embrasse une jolie fille et qui fait croire au monde entier que la coke n’était pas à des fins de meilleur rendement sportif. Et que l’on arrête cette chasse aux sorcières, que cette voracité et cette férocité cessent. Que l’on laisse simplement les cyclistes pédaler, les supporters applaudir et les journalistes s’ébahir. Moi, Bernard Hinault, j’ai dit. Alors taisez-vous.
Dans la mauvaise crasse et le désir salvateur d’une amnistie pour tous, Bernard Hinault fait fort. Très fort.
Que n’aurait-il été ce même défenseur de la santé du vélo s’il avait été journaliste, représentant marketing ou homme de publicité dans les années 1990 ! Qui peut croire sérieusement que ce blaireau eût voulu alors des sanctions exemplaires contre les tricheurs de ces années-là. N’eût-il pas avec une vraisemblance confinant à la certitude adopter le même discours à cette époque si la qualité des analyses eût pu déceler la variation illégale et illicite du taux d’hématocrite dans le sang ?
Bernard Hinault et Christian Prudhomme, directeur du Tour, ont vécu, vivent et vivront du cyclisme. Ils ont ici très exactement la même position juridique et de fait que tous les traders financiers du monde bancaire qui admettent les fautes passées de leurs congénères mais qui veulent qu’on les laisse libres d’agir en ce bas monde d’aujourd’hui pour pouvoir faire fructifier d’immenses ressources financières à leur profit direct. Quelques petits ajustements de façade suffiront. Et que le cirque recommence ! Tel est le destin de ces tricheurs invétérés qui ont prouvé par le passé leur capacité de mensonges, de trucages et de dérobades. Et ceux-là mêmes qui connaissent la décrépitude de leur champ de compétence voudraient qu’on les croie à nouveau, qu’on les élève au rang de sauveurs du cyclisme ou de la finance, et qu’on les laisse, pour le grand bien de tous, diriger leur sport ou leur banque sans avoir à rendre compte de leurs pratiques, de leurs actes et de leurs nouvelles tricheries.
Révéler le passé peut avoir des effets sur le futur, pour un monde meilleur. Combattre la véracité du passé n’est pas un acte assassin, Monsieur Hinault, c’est un acte de responsabilité pour demain. Le nier, c’est vouloir à jamais que ces pratiques sombres tombent dans l’oubli. Quel meilleur moment pour lutter contre l’ignorance que ces jours qui précèdent le départ du Tour de France.
Etre blaireau et salarié du Tour de France, être directeur de la Grande Boucle, être journaliste sportif à L’Equipe ou ailleurs, ne sont pas des qualités suffisantes pour convaincre de l’impartialité du discours et de l’absence de tout conflit d’intérêts dans ce débat sans cesse resurgissant.
Le Tour de France de la dope, de la farce, de la triche et des images tronquées peut commencer.
Le décor a été bien planté.