(Par JACQUES KÜHNI)
A Davos, on s’inquiète du fossé qui sépare les riches des pauvres. L’écart se creuse inexorablement et les patrons, qui n’envisagent pas de vivre dans le brouillard et la solitude des îles anglo-normandes, se font un petit souci pour la proximité de leurs confortables logis avec les taudis des hordes de mal-logés, mal-nourris, mal-éduqués, mal-soignés et futurs mal-embouchés. Ni le Front national, ni la social-démocratie néolibérale ne sont durablement crédibles quand ils promettent des lendemains meilleurs. L’effort de voir et de chercher à comprendre finira par donner une rupture qui ne sera pas qu’épistémologique. L’entre-soi de la station grisonne, bardé de vigiles et de soldats, peut être trompeur pour quelques-uns, pendant un petit moment.
Cela a déjà été dit ici, à plusieurs reprises, la violence des riches attise les braises sociales et l’outrance des privilèges rend leur impunité insupportable. Si l’injustice devient une évidence, c’en est fini de toute possibilité de vivre ensemble.
Les puissants continuent à parler de la responsabilité sociale de leurs entreprises, en opinant obsessionnellement à l’autorégulation de leurs fortunes validées par leur indiscutable supériorité morale et intellectuelle.
En 2011 le rapport annuel de France Télécom précisait que : « la direction s’engageait à favoriser un dialogue social de qualité » et d’ajouter que l’organisation de « tchats » dirigeants-employés contribuait à une excellente convivialité.
La même année, cette entreprise a dû faire face à une vague de suicides impressionnante et sa responsabilité dans le pourrissement des rapports professionnels a été largement documentée.
D’autres bijoux du capitalisme contemporain se targuent d’un bilan carbone exceptionnel ou de chartes éthiques avant-gardistes, tout en lessivant leurs ouvriers précarisés. Leur rhétorique labellisée contourne les contradictions, comme les azurants optiques font croire à la propreté.
La difficulté est de ne pas laisser dire en silence, parce que ces propos lénifiants ne sont pas seulement soporifiques, ils tuent petit à petit toute capacité critique en « inéluctabilisant » le pire.
Je ne sais si quelqu’un croit encore au projet de moralisation du capital. La logique confiscatoire du libéralisme, justifiée par les arguments usés d’ « à chacun selon son mérite », fait quotidiennement la preuve de ses mensonges.
Pour une fois le Valais est un précurseur, le Conseil d’Etat le clame haut et fort : ce collège n’est pas une personne morale. Et c’est ainsi que l’évasion fiscale est une marque distinctive de finesse et que seuls les ploucs payent des impôts. La franchise du pouvoir transforme allègrement le pékin en dindon de la farce. La droite est définitivement décomplexée.