Romario de Souza Faria était un renard des surfaces. Né dans les favelas, Romario, surnommé « le petit », fut le principal artisan du renouveau du Brésil en 1994 lors de la Coupe du Monde aux Etats-Unis qu’il remporta avec les « aureverde »après 24 ans d’attente. Sous les ordres de Johann Cruyff, il brilla en Catalogne au FC Barcelone. Du temps de sa gloire sportive, son tempérament ne passa pas inaperçu : ses conflits avec Bebeto, Zico, Vanderelei Luxemburgo et Scolari firent les choux gras de la presse. Le gars n’appartient pas aux commodes, ni aux mollassons. Il est plutôt du genre à ne pas s’en laisser compter.
Aujourd’hui Romario est devenu député, homme politique et soutien affirmé aux manifestants du Brésil. Rares sont les sportifs de ce niveau à s’élever dans le monde politique. Et Romario, membre de la majorité, le fait avec son style et son indépendance caractéristiques. Le Monde du 28 juin 2013 publie l’un de ses articles : « La population doit tirer profit du Mondial ». L’ancien leader de la Seleçao, si « prompt à se défaire du marquage et capable de se créer d’improbables espaces dans la surface de réparation », a conservé ces mêmes caractéristiques en politique. Personne ne le fera taire et il saura deviner avant les autres les espaces qui lui permettront de briller.
Avec le peuple, avec les gens des favelas qu’il connaît mieux que quiconque, Romario veut lutter contre la corruption et le gaspillage de l’argent public. Il veut un renforcement de la justice. Il désire que les crédits publics essentiels soient attribués à l’éducation, à la santé et à la sécurité. Et puis, suivant en cela la majorité des citoyens brésiliens, il critique avec force les milliards dépensés pour l’organisation de la Coupe du Monde 2014. Il rappelle que l’Afrique du Sud a dépensé quatre fois plus que le Brésil pour le même événement sportif (trois fois plus que l’Allemagne en 2006 et le Japon en 2002). Et il ne digère pas le fait que « la FIFA annonce un bénéfice de 4 milliards de reals libres d’impôts grâce à ce Mondial 2014. Cet excès de profits faciles contraste avec l’absence totale de legs effectifs, comme celui de la mobilité urbaine ». Il lui est insupportable que « seule la FIFA engrange des bénéfices » et observe légitimement que « c’est aussi pour cela que la population descend, à juste titre, dans la rue pour protester ».
Sepp Blatter, lui, a toujours préféré parler allemand avec Hoeness, délinquant fiscal et réfugié économique en Suisse, accessoirement président du Bayern Münich. Il est alors en terrain connu, celui dans lequel se couvent les privilèges financiers accordés aux puissants. Qu’une ancienne star du football, tel Romario de Souza Faria, puisse quémander une juste rétribution pour le peuple brésilien doit irriter au plus haut point l’enfant de Viège et de Sierre. Mais ce n’est pas une raclette offerte en Valais à l’attaquant brésilien qui pourra annuler le discours protestataire et légitime du peuple brésilien.
Ici, chez nous, en Suisse, on saura préserver nos intérêts et laisser le soin à la FIFA, hors de toutes taxes, d’emmagasiner les bénéfices opaques qui seront réalisés lors de la prochaine Coupe du Monde 2014 dans les coffres-forts de nos banques les plus éthiques.
Que le ticket de métro puisse augmenter à Rio ou à Sao Paulo ne va guère inquiéter Sepp Blatter : il se déplace en limousine, se sachant – de certitude absolue - bien plus renard des surfaces financières que ce Romario, joueur politique de troisième ligue régionale dont les paroles, même écrites dans Le Monde, ne feront pas vaciller l’enfant de Visp.
A renard, renard et demi. Dicton haut-valaisan. Ici chez nous en Valais.