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Billet de blog 29 juin 2013

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Edward Snowden, un héros, un traître, un homme

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Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.

Edward Snowden, héros, traître, homme, n’est-il pas essentiellement un prophète de la désobéissance civile ?

Edward Snowden a choisi, en face de lui-même, en face de sa conscience, en son intime, de dévoiler au monde les pratiques américaines dans le champ de la surveillance et de l’interception massives des communications téléphoniques et informatiques, ainsi que dans celui des actes d’espionnage à travers internet. Au cœur de la décision d’Edward Snowden se cache la certitude qui est la sienne : la croyance fondamentale au droit au savoir, à l’information, des citoyens. John Cusack, membre de la Freedom of the Press Foundation y voit là très précisément une éthique de la désobéissance civile.

Edward Snowden l’affirme : « Ma seule motivation est d’informer le public de ce qui est fait en leur nom et de ce qui est fait contre eux » (interview accordée au Guardian). 

Du point de vue de l’autorité étatique, Edward Snowden a commis un crime. De son point de vue, et de celui de beaucoup d’autres, du mien à tout le moins, il s’est sacrifié pour un plus grand bien parce qu’il a la certitude que les gens ont le droit de savoir ce que le gouvernement fait en leur nom. Et peu importe que sa révélation soit légale ou non, il a constaté que ce que faisait le gouvernement américain était un crime contre les citoyens et contre leurs droits. Voilà ce que John Cusack a nommé « The Snowden Principle » (le Principe de Snowden).

Dès l’instant où sont évoquées les révélations de Edward Snowden, leur ampleur, surgissent chez les autorités, sans que les faits soient même analysés, une évidence : le Principe de Snowden est inacceptable et ne saurait être toléré.

Pour expliquer l’acte surhumain posé par Edward Snowden, on invoque même la maladie mentale comme pouvant révéler chez ces parias quelque chose menant jusqu’à la destruction de leur nom propre. Le droit de savoir du public est synonyme de trahison. De la plus haute des trahison, une trahison contre l’Etat.

Mais comme le professeur de droit Jonathan Turley l’a rappelé, un mensonge dit par tout un chacun n’est pas la vérité. Les Républicains et les Démocrates, dans un but bipartisan, se sont unis contre le besoin de savoir du public, contre le besoin de connaître dans le détail cette surveillance massive dont les citoyens ont fait l’objet. Et contre le besoin de redéfinir le champ de la vie privée de manière plus adéquate.

La nomenklatura américaine étatique, journalistes et politiques réunis, a vomi de différentes manières sa haine de Edward Snowden. Mike Brzezinski (MSNBC) a suggéré que le scoop du Guardian n’était pas celui d’un journaliste et que Snowden n’était pas un donneur d’alerte (whistelblower). Jeffrey Toobin, du New Yorker, a dit que Snowden était un narcissique grandiose qui ne méritait que d’aller en prison. David Brooks, du New York Times, a accusé Snowden – et pas le Gouvernement - de trahir la Constitution et de trahir l’intimité même de l’Amérique. Michael Grunwald, du TIME, semble suggérer que ceux qui sont contre les programmes de surveillance décidés par la NSA désirent une Amérique moins soucieuse de sécurité. Richard Cohen, du Washington Post, semble même soutenir que le travail d’un journaliste est de conserver les secrets du gouvernement et non pas de les commenter.

Certains ne craignent pas même de torturer leur propre logique pour s’opposer au Principe de Snowden.

Les réactions gouvernementales et politiques ont été encore pire. Des sénateurs ont traité Snowden de traître, des autorités ont soutenu que son cas relevait de l’espionnage.

Or l’une des questions fondamentales dans une démocratie peut être formulée ainsi : le pays a-t-il une presse indépendante et libre pouvant communiquer sur les crimes du gouvernement et servir le droit du public à l’information et au savoir ?

Comment peut-on invoquer la commission d’un acte criminel dès l’instant où il s’agit d’un abus manifeste de pouvoir. Et selon certains analystes de la chose politique américaine, il n’y a jamais eu dans l’histoire de l’Amérique un cas de fuite plus importante que celle organisée par Edward Snowden, pas même celle des fuites du Pentagone (Pentagon Papers).

Le Principe de Snowden est un principe fondamental favorisant un public informé et engagé. Les citoyens n’ont pas à ignorer ce débat public décisif pour la vie démocratique. Que l’on soit pour ou contre une politique massive de surveillance importe peu; il convient simplement que le débat puisse avoir lieu. Aujourd’hui, avec les informations transmises par Edward Snowden, le débat peut commencer.

Si cette politique de surveillance est correcte, alors rien n’empêche que l’on puisse débattre de la chose en pleine lumière. Si nous pensons que le débat pour la transparence a lieu d’être, alors nous avons le droit de l’exiger. La position de Snowden était la suivante : « nous ne pouvons pas attendre que quelqu’un d’autre agisse ».

Des groupements importants de citoyens à travers le monde se sont coalisés pour s’opposer aux campagnes de surveillance voulues par la NSA.

De plus en plus de personnes découvrent ces abus; les critiques augmentent; le débat s’étend. Est en jeu la protection des droits fondamentaux. La question liée au Principe de Snowden ne sera pas évacuée. Les citoyens n’accepteront plus longtemps que le seul mot de « terreur » soit suffisant pour justifier et excuser des pratiques hors-la-loi et une extension illimitée des pouvoirs de l’Etat. Et l’on peut se demander pourquoi tant de personnes dans le gouvernement et dans la presse, et parmi les intellectuels, sont effrayés de ce droit à l’information devant être octroyée aux citoyens. Pourquoi tous ces gens sont-ils si effrayés d’une presse libre et du droit de savoir devant être accordé au peuple ?

C’est l’obligation du gouvernemet d’assurer la sécurité dans le pays tout en protégeant la constitution. Suggérer que c’est l’un ou l’autre est simplement faux (« It’s the government’s obligation to keep us safe while protecting our constitution . To suggest it’s one or the other is simply wrong »).

Le Professeur Turley a bien saisi l’important de l’alerte transmise par Edward Snowden : Lors d’une conférence de presse, le président Obama a répété les appels des sirènes de toutes les figures de l’autoritarisme à travers l’histoire : le gouvernement promet une meilleure protection aux citoyens à condition que ceux-ci abandonnent leur intimité. Peut-être est-ce le temps pour cela. Benjamin Franklin a avertié que ceux qui renoncent à l’essentiel de leur liberté pour acquérir une petite sécurité temporaire me méritent ni liberté ni sécurité.

Edward Snowden n’est ni un héros, ni un traître; c’est un homme dont les valeurs intimes, qu’il entend faire partager avec une majorité de citoyens, ont nécessité le dévoilement  et la révélation de pratiques infâmes à l’intérieur d’une agence chargée de la sécurité des citoyens.

Edward Snowden a tout mon respect.

Post Scriptum : cet article est la traduction libre et accentuée d’un article de John Cusack intitulé « The Snowden Principle ». Traduction, parce que les idées majeurs sont incluses dans l’article de l’auteur. Libre et accentuée parce que j’y joint des opinions personnelles nées de la lecture attentive de cette position argumentée d’un membre de la Freedom of Press Foundation.

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