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Billet de blog 30 septembre 2014

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Mal ... Maliano Lajoy said no, no, no !

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Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.

(Par BEATRICE RIAND)

Des révolutions de velours

A Hong-Kong, des milliers de militants de la « Révolution des parapluies » défient le pouvoir central chinois.

A Barcelone, le 11 septembre 2014, ils étaient un million huit cent mille pour dessiner une senyera géante, le drapeau national.

Ils sont calmes. Allègres. Ne montrent aucune agressivité.

Mais Pékin considère que ces manifestations sont « illégales », et ordonne à la population de se disperser.

Mais Madrid considère que la consultation du 9 novembre est « illégale », et ordonne à la population catalane de se taire.

Au XXIe siècle, ces manifestants ont l’outrecuidance de vouloir voter, et de le faire savoir pacifiquement.

Que tremble l’ennemi !

La Chine prévient les pays occidentaux qu’elle ne tolèrera aucune ingérence dans ses « affaires intérieures ». L’Espagne, quant à elle, considère le processus indépendantiste catalan comme une « affaire interne ».

Pas de dialogue, mais de la brutalité. Dans les mots, dans les armes.

Circulez, il n’y a rien à voir … tout va très bien, Madame la Marquise ! Bientôt ils seront dispersés, bientôt ils se tairont. Vous n’avez rien vu, rien entendu. Ils n’existent pas, ils n’existent plus.

On s’indigne face à l’intransigeance chinoise, car ici, n’est-ce pas, on connaît ses méthodes. On se tait face à l’intransigeance espagnole, car ici, n’est-ce pas, on ignore ses méthodes.

Comme l’Espagne refuse à la Catalogne le droit d’organiser un référendum, cette dernière s’est dotée d’une nouvelle loi, une loi de consultation non référendaire. Le Parlement catalan a approuvé cette loi. Le Président Mas signe donc, samedi dernier, le décret de convocation à la consultation.

Et lundi, mais qu’ils sont rapides ces Ibères, lundi déjà, le gouvernement espagnol formule deux recours de 94 pages, plus les annexes, qu’il remet le jour même au Tribunal Constitutionnel.

Et lundi, mais qu’ils sont rapides ces Ibères, lundi soir, déjà, le Tribunal Constitutionnel se réunit en session extraordinaire (pour la toute première fois de son histoire) et statue sur l’admissibilité des recours : en une heure et dix minutes (selon VilaWeb), les juges lisent une centaine de pages, examinent attentivement toutes les annexes, réfléchissent, analysent, débattent et prennent leur décision à l’unanimité : les recours sont admissibles, la loi de consultation ainsi que le décret de convocation sont immédiatement suspendus.

Le Tribunal Constitutionnel commencera donc rapidement, très rapidement, ses délibérations, puisque l’effet suspensif est de cinq mois, mais que la consultation est prévue dans moins de six semaines. Nul doute que la sentence tombera avant la date fatidique du 9 novembre.

Que dire de l’indépendance de ce tribunal lorsque l’on constate sa célérité, célérité par ailleurs dont il est fort peu coutumier ? Qu’il est politisé ? Aux bottes de Madrid ?

Mais non, que diantre, nous sommes en Espagne, un pays démocratique, un pays européen ! Un pays qui hier s’indignait du traitement que la Chine inflige à sa population de Hong-Kong.

Que le président de ce tribunal ait été affilié au Partido Popular pendant qu’il était magistrat (alors que l’article 127 de la Constitution l’interdit) ne signifie rien et surtout pas que la loi s’applique pour les uns mais pas pour les autres … et qu’il ne se récuse pas, malgré les demandes du gouvernement catalan qui estime qu’un juge qui écrit un livre, « Parva memoria », dans lequel il critique « l’onanisme de la politique catalane », pourrait souffrir d’un manque de partialité s’il devait se positionner sur la question de la consultation, ne signifie en aucun cas que ce monsieur ne fera pas preuve d’une parfaite neutralité politique dans l’examen du cas qui lui est soumis …

Que le conservateur Santiago Martinez-Vares ait signé des résolutions judiciaires contre l’immersion linguistique en Catalogne ne doit pas nous faire croire qu’il est de fait opposé systématiquement à tout ce qui émane de cette région …

Que le très conservateur Enrique Lopez se déclare publiquement défenseur acharné de l’unité et de l’indivisibilité de l’Espagne ne doit pas plus nous alarmer sur sa très probable équanimité …

Que sur 12 juges, 7 soient conservateurs (en faveur du Partido Popular) et 5 soient progressistes (en faveur du Parti socialiste espagnol), deux partis opposés publiquement au processus catalan, ne signifient en aucun cas qu’ils ne jugeront pas en toute conscience et en toute liberté …

Non, ne doutons pas : nous sommes en Espagne, et non pas en Chine. Nous sommes dans un pays européen, et non pas dans une dictature qui impose brutalement sa loi et ne tient aucun compte de la volonté exprimée par le peuple.

Oui, le travail du Tribunal Constitutionnel consiste à veiller sur le respect de la Constitution. Il est bien le garant des lois, et non pas celui de l’unité territoriale.

Oui, la loi est première. Elle est le socle, elle est la divine parole.

La loi incarnée par la sacro-sainte Constitution espagnole, votée après quatre décennies d’une dictature sanglante.

Une Constitution espagnole qui date de 1978, donc.

1978 … alors qu’Artur Mas, le 129e Président de la Catalogne, travaille dans un Palais de la Generalitat construit au début du XVe siècle pour abriter le gouvernement catalan.

1978 … alors que le premier président de la Generalitat, par ailleurs évêque de Girone, Berenguer de Cruïlles, nommé par les Cortes catalanes, a pris ses fonctions en 1359.

L’Espagne s’appuie sur la légalité d’une Constitution qui n’a pas encore 40 ans pour refuser au peuple catalan le droit de se déterminer sur son futur politique.

La Catalogne assied sa légitimité sur une terre vieille de mille ans, des institutions séculaires. Et une souveraineté qui lui a été ravie par les armes, et qu’elle souhaite récupérer, enfin, par les urnes.

A 19 heures, ce soir, les Catalans manifesteront devant les mairies afin de protester contre l’injustice crasse dont ils sont victimes.

Dieu qu’ils ont raison …

Post Scriptum de L’1Dex : le comité de rédaction précise que l’idée du bruit des avions dans ce clip appartient à Béatrice Riand.

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