« Le lien affectif entre la mère et l’enfant n’est pas particulièrement fort en raison de son absence de moyens financiers » (cf. « La triste histoire de A. » par Françoise Jacquemmettaz). Donc la mère doit être emprisonnée, mise de force dans un avion et renvoyée dans son pays natal, le Kosovo. Et son enfant reste avec le père, dont elle est séparée. C’est pas beau la profonde sainteté de nos institutions et l’amour filial intense liant le père à l’enfant ?!
Je fais un petit mouvement de côté et je m’interroge : cette phrase, cet argument, cette logique, cette folie, n’est pas celle de la loi, ni d’une administration, mais celle d’un fonctionnaire clairement identifiable, d’un juriste consciencieux, d’un gratte-papiers que nous salarions tous pour qu’il dise le droit avec ses mots. Mais ces mots sont des saletés, des vomissures, de la bouillie haineuse, qui ne sont pas les miennes, qui ne sont pas celles du pays que j’aime, qui ne sont pas celles du droit, ni de la justice de chez nous. Ni de la justice de nulle part.
Avoir osé un tel argument, avoir signé un tel jugement, avoir accepté de participer à un tel crime institutionnel, est d’abord le fait d’un homme, d’un esprit, d’une personne. L’âme de cet humain doit être bien mal en point, bien meurtrie, bien décomposée, bien vilaine pour avoir osé déduire du manque d’argent une perte affective et une explication à la nécessité légale d’expulser la mère et de l’écarter de l’enfant. Et cet homme, ce fonctionnaire, ce néant humain de la compassion récidivera demain, les jours suivants, le mois prochain et à jamais, soit à ce moment où quelque brave ignorant le désignera peut-être pour devenir juge fédéral tant il aura oeuvré pour le bien public. Ce méchant de la justice des hommes doit être banni de sa fonction. Ne rien faire, c’est cautionner un acte formellement et matériellement inadmissible, admettre que l’on puisse impunément commettre l’inqualifiable sans avoir d’une quelconque manière à répondre de ses actes. Qui peut l’admettre ?
A moins que l’on estime que cette erreur, cette faute, cette lâcheté, cette ordure, ce crime, ne soit simplement consubstantiel à ce régime constitutionnel qui est le nôtre, à notre égoïsme innommable, à ce capitalisme immoral et infect que nous approuvons à chaque moment de notre vie sans songer à ne rien changer.
L’expulsion de Leonarda a fait se lever la France de gauche, celle de Madame A. devrait faire éclater une vraie révolution de la question de l’immigration.
A moins de penser que notre communauté, notre village, notre cité, notre district, notre canton, notre pays, nous-mêmes ne sommes que la démonstration d’une escroquerie morale sans nom.
François Hollande a voulu rapatrier Leonarda sans sa famille. Oskar Freysinger et dame Sommaruga pourront-ils accepter qu’un enfant de 3 ans vive en Suisse sans sa mère expulsée au Kosovo ?
Craignons ensemble leur réponse.
Et notre indécent et haineux silence.