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Billet de blog 30 octobre 2014

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Catalogne, 9 N : J - 9 ... nouvelle interdiction en vue !

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Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.

(Par BEATRICE RIAND)

Le bloc souverainiste catalan, à savoir CiU, ERC, ICV-EUiA et la CUP, en collaboration avec l’Assemblée Nationale Catalane, prépare un document qui constitue une véritable dénonciation politique du gouvernement espagnol, qui a interdit la consultation du 9 novembre (et contraint l’exécutif à la transformer en une participation citoyenne). Ce texte sera signé par les citoyens catalans, qui voteront le 9 novembre, et ensuite transmis à l’Assemblée Générale des Nations Unies, au Parlement européen, à la Commission européenne et au Conseil de l’Europe.

Mais très vraisemblablement, le texte sera modifié dans les jours qui viennent … en effet, l’Etat central espagnol qui, dans un premier temps, a raillé la participation citoyenne voulue par Artur Mas, prend désormais très au sérieux cette nouvelle version du 9 novembre.

Et la réaction n’a pas tardé : aujourd’hui même, la Commission Permanente du Conseil d’Etat, organe consultatif du gouvernement espagnol,  a approuvé à l’unanimité un avis favorable à l’interdiction de la participation citoyenne  organisée en Catalogne.

Demain matin, cet avis favorable sera transmis au Conseil des Ministres, qui pourra dès lors autoriser Mariano Rajoy à saisir le Tribunal Constitutionnel, afin d’interdire cette consultation alternative car anti-constitutionnelle, ceci dans le cadre de mesures à caractère urgent.

Francesc Homs, conseiller de la Présidence et porte-parole du gouvernement catalan, comme Artur Mas, ne désarment pas : le processus continue, et le peuple catalan pourra se rendre aux urnes, comme prévu. Ils ne semblent pas surpris par la décision du Conseil d’Etat, et attendent avec sérénité la décision du Tribunal Constitutionnel. « Pourront-ils contester les 40’000 volontaires ? », interroge le Président Mas, qui souligne par ailleurs que la logistique pour le 9 novembre est fin prête, et que le gouvernement catalan ne reculera pas.

Mais Mariano Rajoy ne reculera pas non plus, et le Tribunal Constitutionnel, qui se réunit en session ordinaire les 4, 5 et 6 novembre, se saisira de ce cas dès lundi.

Quels sont les arguments juridiques avancés par le gouvernement espagnol ?

En premier lieu, Artur Mas commettrait une « fraude à la loi » : en effet, si la forme  n’est pas sous le coup d’une suspension, le fond reste anticonstitutionnel. En résumé, la participation citoyenne est autorisée, pour autant qu’elle ne porte pas sur un sujet tel que l’indépendance de la Catalogne.

De plus, par le biais notamment de campagnes informatives,  le gouvernement catalan et les fonctionnaires participeraient aux préparatifs du 9 novembre, ce  qui constituerait une « fraude à la loi », puisque le Tribunal Constitutionnel a interdit la consultation précédente, et que cette nouvelle consultation alternative aurait un  «  résultat final  équivalent à celui que le Tribunal Constitutionnel a suspendu ».

Enfin, cette nouvelle version du 9 novembre, comme la première, implique qu’il y ait des urnes, et des bulletins de vote.

Et qu’en pense Santiago Vidal, juge catalan ?

Magistrat officiant à Barcelone, professeur de droit et de criminologie à l’Université autonome de Barcelone, membre du mouvement « Juges pour la démocratie », Santiago Vidal est une personnalité médiatisée notamment suite à ses sentences progressistes.

Se refusant notamment à condamner les objecteurs de conscience, ou encore se positionnant clairement contre la discrimination raciale et la corruption, il s’est illustré ces dernières années dans la défense de l’utilisation du catalan dans les salles d’audience. Et par son refus absolu de porter une cravate !

Santiago Vidal a manifesté publiquement son soutien à l’indépendance de la Catalogne : il est l’un des 23 magistrats à avoir signé un manifeste en faveur de la consultation du 9 novembre, en arguant de sa parfaite constitutionnalité.

Depuis quelques mois, espionné, filmé à son insu,  il est sous la menace d’une interdiction d’exercer par le Conseil Général du Pouvoir Judiciaire espagnol car durant son temps libre, et sur sa propre initiative, il a constitué un groupe de juristes et de juges qui élaborent les bases d’une future Constitution catalane.

Santiago Vidal poursuit sereinement cette tâche, qu’il considère comme étant « sans relation avec (sa) fonction juridictionnelle », et ce afin de défendre ce qu’il considère comme étant un droit fondamental, à savoir celui de la libre expression de ses opinions.

« Ils peuvent me prendre mon travail, mais pas ma dignité »

Dans une interview accordée aujourd’hui à VilaWeb, il s’exprime sans ambiguïté aucune : « Le travail du juge est un service public à la société. Et cela veut dire questionner les lois ».

En ce qui concerne plus précisément le nouveau 9 novembre, il estime qu’il sera très difficile de justifier son interdiction en termes légaux : « En tant que juriste, je ne peux comprendre concrètement ce que veut interdire le Conseil des Ministres. On peut interdire des actes administratifs, des lois, mais non pas un processus participatif à caractère volontaire. Il est certain que la Generalitat s’est impliquée, mais elle n’a pas donné d’ordre exécutif à qui que ce soit. Il n’y a donc aucune résolution de caractère juridique qui puisse être interdite ».

En ce qui concerne le concept de « fraude à la loi », le juge précise qu’il s’agit là d’ « un concept juridique indéterminé ». Pour lui, une « fraude à la loi », dans un contrat privé, par exemple, serait de dire qu’il s’agit là d’un contrat de loyer quand en réalité, si on lit toutes les clauses, on conclurait qu’il s’agit d’un contrat d’achat-vente. « Il s’agit là d’une fraude à la loi, parce qu’il y a un acte juridique frauduleux. Or, dans ce cas, il n’y en a pas. La votation est un acte citoyen, et non pas administratif. Il ne peut y avoir ici de fraude à la loi puisqu’il n’y a aucune résolution de quelque type que ce soit de la part de la Generalitat ».

Lorsque le journaliste lui rappelle que la Generalitat s’est impliquée dans cette nouvelle consultation, à travers par exemple un numéro d’information, une liste des points de votation, le juge rappelle que ces actes ne constituent pas pour autant des « actes exécutifs », et que le Tribunal Constitutionnel avait jugé un cas similaire en Extrémadure en 2008, en estimant que des actes de soutien n’étaient pas des actes administratifs. Et que par conséquent ils ne pouvaient être interdits.

Le futur proche nous dira si le TC accepte encore une fois d’être instrumentalisé sur le plan politique, ou s’il tient à conserver, sur le plan international, un minimum de respect quant à l’impartialité qu’il se devrait de toujours observer.

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