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Billet de blog 31 janvier 2014

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Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.

(Par BEATRICE RIAND)

J’ai 50 ans, j’ai mille ans … j’ai le dos courbé depuis des siècles, et un seul fardeau : mon époux.

C’est un mariage forcé, voyez-vous, même pas un mariage de raison, non : un mariage imposé. Je n’ai pas eu le choix : j’ai tenté de m’y opposer quand j’avais 16 ans, puis 17. En vain.

On m’a amputée, puis on m’a brisée les reins.

Je me suis tue quelques années, puis j’ai tenté une nouvelle fois de briser mes chaînes, à l’aurore de mes 20 ans. Je m’y suis rompue le cou. Battue à mort.

Je me suis relevée, à 24 ans j’ai tenté de m’enfuir encore : mais mon époux s’est trouvé des chiens féroces …  des bergers allemands, des molosses italiens. Je me suis vidée de mon sang.  On m’a enchaînée. Bâillonnée.

Ce fut une longue nuit que les quatre décennies suivantes … une nuit sans fin. On m’a interdite de parole, de pensée. On m’a torturée. Fusillée.  On m’a enlevé toute autonomie.

L’étau s’est relâché depuis, j’ai reconstruit. Je me suis reconstruite. Peu à peu. Un pas après l’autre. J’ai réappris à marcher. A parler. A exister un peu. Mais pas assez encore. Je veux plus encore.

J’ai 50 ans, j’ai mille ans … et des enfants. Ils ne sont pas libres, pas plus que moi, toujours soumise à des règles, des lois, des valeurs,  des principes qui ne sont pas les miens, et dans lesquels je ne me reconnais pas. J’ai des enfants  taillables et corvéables à merci. Des enfants que je ne peux élever dans une société qu’ils auraient choisie, voulue, rêvée, bâtie. Des enfants que mon époux refuse aujourd’hui d’éduquer dans leur langue maternelle, parce qu’il me nie tout droit à la différence. J’ai des enfants qui voient leur mère humiliée, insultée, dépréciée. Salie sur les réseaux sociaux.

Mon époux … celui qui exige de moi une fidélité sans failles, me trompe sans vergogne aucune. Me propose des accords qu’il renie ensuite. M’empêche de travailler mieux, de gagner plus. Mon époux, s’il ne me respecte pas, si je lui fais horreur, si je le dégoûte, montre moins de délicatesse quand il s’agit pour lui de prélever la dîme. Il me laisse avec à peine de quoi me nourrir, me vêtir, me loger, me soigner. Et je m’endette pour lui, et je cours à ma perte avec lui.

Lui, toujours si hautain, si rigide, si persuadé que la seule force me contraindra au silence. Encore. Lui, qui dit m’aimer, mais ne l’a jamais montré, mais ne sait que répéter que je lui appartiens. Que les textes le prouvent, que notre contrat ne saurait se rompre.

Je vous le dis, j’ai 50 ans, j’ai mille ans, je suis en milieu de vie. Je veux choisir la fin du chemin, et  je ne veux plus de lui à mes côtés.

Ne croyez pas que je lui souhaite du mal : à ceux qui m’accuseraient de le laisser dans une situation financière difficile, je ne peux que répondre que je me suis montrée solidaire. Que je le serai encore. Que je prendrai en charge une partie de sa dette. Mais j’ai des enfants … j’ai des enfants que je veux sortir de la faim pour certains, alors que lui bâtit des aéroports que nul ne fréquente. Je veux des routes, des écoles, des hôpitaux, alors que lui autorise le vol, le pillage, la corruption organisée.

C’est mon combat, je ne vous demande pas de m’aider mais de me soutenir. Je vous demande de ne pas fermer les yeux. Je vous demande de m’entendre.

Je veux une histoire qui soit mienne, différente de la sienne. Je veux que les morts soient enterrés, et non qu’ils pourrissent dans des fosses anonymes. Je ne veux plus de leurs tortionnaires sur ma terre.

Je ne veux plus du mépris, du mensonge, de la parole non tenue. De la servitude. Je veux vivre ma culture, et  parler ma langue,  parce qu’elle est mienne et me constitue. Je veux une vie libre, parce que je l’attends depuis très longtemps. Qu’elle arrive, et que je ne veux pas la manquer.

Je veux voter le 9 novembre 2014. Et il me l’interdit.

Sachez-le.

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