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A la veille du premier tour, Le Monde revient sur le sondage du CEVIPOF réalisé en avril en prévision du scrutin européen déjà évoqué dans ces colonnes. Laurence Girard en propose une lecture sociologique détonante qui distingue plusieurs « blocs » : des « altermondialistes » heureux qui votent pour la gauche ou l'écologie même si leurs revenus sont faibles et des « libéraux proeuropéens » tout aussi satisfaits et plus âgés sur de grandes exploitations qui votent pour la droite et le centre. Entre ces deux autres extrémités du spectre politique, deux autres catégories voteraient à l'extrême droite selon l'étude co-dirigée par François Purseigle et Pierre-Henri Bono : des jeunes insatisfaits et sous-diplômés installés sur de petites surfaces et des « conservateurs » installés sur 200 à 300 ha "qui ont joué avec le marché, mais se sentent aujourd’hui floués par la mondialisation".
« Si je vote pour mes idées, je vote RN, si je vote pour mon métier, je vote Macron »
Euronews a cherché à illustrer cette étude en posant sa caméra dans un village de Touraine de 300 habitants où la liste Bardella a obtenu 25% des suffrages et Marion Maréchal 7,5%, et qui compte encore une dizaine d'agriculteurs. « Le vote rural n'est pas le vote paysan », tient à préciser la chaîne de télévision européenne. « Si je vote pour mes idées, je vote RN. Mais si je veux défendre mon métier, je vote pour elle », dit un adhérent des Jeunes agriculteurs qui a voté Bardella lors du scrutin européen, mais hésite encore à reconduire la député sortante, macroniste. « Le gouvernement actuel nous a suivi dans nos revendications », apprécie le jeune homme qui a pris la suite de son père sur une exploitation de 270 hectares tout en gérant une entreprise de travaux agricoles.
L'un de ses voisins n'a pas voté lors du scrutin européen, trop occupé par le travail sur ses 150 ha, selon Euronews, et ne semble pas plus mobilisé pour ce nouveau scrutin. Un couple d'agriculteurs en agriculture bio, mais hostiles au « non labour », complète le tableau : « la peur du RN ne fait pas avancer », lance la chef d'exploitation qui ne votera pas écolo car elle les trouvent « trop dogmatiques »
Un ministre de l'agriculture « identitaire » et raciste prêt à une cogestion avec la Coordination rurale ?
Passant des électeurs aux élus... et aux battus, le groupe de presse Réussir passe en revue les résultats du premier tour : l'ancien éleveur et député macroniste de la Creuse Jean-Baptiste Moreau « rate son retour » (17%) mais son voisin et député communiste sortant du Puy-de-Dôme André Chassaigne se qualifie (37%) en devançant de quelques voix la candidate du RN, souligne le groupe de presse agricole. Se livrant au même exercice, Ouest France met en avant la qualification de l'ex-eurodéputé écologiste Benoît Biteau qui devance la député sortante (Modem) en Charente-Maritime et les scores très élevés des viticulteurs et députés sortants (RN) Christophe Barthès et Grégoire de Fournas dans l'Aude et la Gironde. En dépit d'une saillie raciste à l'Assemblée, le député girondin est « pressenti comme potentiel ministre de l'agriculture », souligne le quotidien régional breton d'obédience chrétien-démocrate.
Cela ne semble guère affecter la présidente de la Coordination Rurale, davantage préoccupée par une simple majorité relative du RN à l'issue du second tour qui ferait courir le risque d'une France « ingouvernable ». Véronique Le Floc'h se félicite au micro de RMC du « recentrage » du RN qui "a voulu se rapprocher du RPR et essaie de parler à plus de monde ». L'agricultrice du Finistère semble même faire des offres de service sur France 3 Bretagne dans le la cadre d'une « cogestion » élargie à son syndicat en se déclarant disposée à "travailler avec tout le monde"