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Amandine Sanvisens a-t-elle seulement vu le dernier film de Pierre Richard ? Cette activiste animaliste poursuit d'un « zèle imbécile » bien connu des Brassensophiles l'acteur-réalisateur qui a repris la caméra à 91 ans pour filmer ses chers étangs des lidos audois . Le tort du vénérable cinéaste-vigneron, qui passe chaque été dans son domaine viticole du massif de La Clape ? Avoir eu l'idée saugrenue d'ajouter un ours à toute une « faune » d'habitants pittoresques que l'on croirait échappés d'une bande dessinée. Le plantigrade est « emprisonné à vie et n'a même été payé », dénonce la fondatrice de l'association PAZ (Projet Animaux Zoopolis) dans La Dépêche du Midi.
Après Narbonne, Carcassonne et Perpignan, la militante de 38 ans a retrouvé sa ville natale. Elle manifestait à Toulouse avec une poignée de membres de son association devant le cinéma qui organisait à son tour une projection en avant-première. Pour Amandine Sanvisens, le dresseur spécialisé venu de l'Aveyron avec son ours-vedette qui figure à l'affiche du film ne serait qu'un vil esclavagiste. « J'aime pas les cages », démine Pierre Richard devant les spectateurs de la plus grande salle du Pathé Wilson. L'acteur atteste de la tendre complicité qui unissait pendant le tournage l'imposant plantigrade à Jean-Philippe Romain. Boris Cyrulnik pourrait lui aussi en témoigner. Le médiatique pédopsychiatre a croisé le dresseur et son ours débonnaire pour les besoins d'une vidéo produite par le Muséum de Toulouse. Aperçu dans de nombreux films, l'ours baptisé Shadow est une véritable bête de scène :800 kilos de poils et de muscles, de quoi rendre chèvre Gérard Depardieu !
Une ourse du Tibet échappée de la « réserve africaine » de Sigean
Appuyé sur une canne, le grand blond devenu un petit vieillard à barbe blanche ne se soucie pas vraiment du caillou PAZ glissé dans ses baskets. Face à cette esquisse d'un #Metoo animal, Pierre Richard confie que l'idée de glisser un plantigrade dans son film lui a été suggéré par l'évasion d'une ourse du Tibet qui avait pris la poudre d'escampette de la « réserve africaine » voisine de Sigean. Le scénario, fantaisiste à souhait, narre comment le vieux sage un peu lunaire qu'il incarne à l'écran va aider un jeune autiste (excellent Timy-Joy Barbot) à empêcher la maréchaussée de capturer l'ours fugitif. Le plantigrade ne joue en réalité qu'un rôle annexe et purement métaphorique dans cette histoire jubilatoire mêlant un boucher fan de Johnny Hallyday et d'un garagiste voleur de voitures (Gustave de Kervern, fidèle à lui même mais infidèle à Benoît Délépine, qui présentera un film de même facture au Fifigrot de Toulouse). On nage à la croisée du cinéma de Jean-Pierre Mocky et d'une chanson de Georges Brassens.
Mais le cinéaste, qui règle ses comptes au passage avec son milieu familial de riches industriels ruinés du nord de la France et sa nostalgie romantique pour Che Guevarra, aggrave son cas sans le savoir. Pierre-Richard Defays (son véritable patronyme à l'état civil) a choisi de jouer un pauvre pêcheur réfugié dans sa cabane. Mauvaise pioche : après avoir fait campagne pour interdire les animaux dans les cirques, le groupuscule d'Amandine Sanvisens se focalise désormais contre les pêcheurs du dimanche. Elle réclame l'interdiction de la pêche au vif... mais ne dit rien des vers de terre et des asticots. Cette fois, on se croirait dans un mauvais remake d'une chanson de Francis Cabrel. Cela n'a pas empêché les 400 spectateurs toulousains de réserver une standing ovation à Pierre Richard, qui s'est offert le luxe souriant de filmer son propre enterrement.