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Billet de blog 4 juillet 2024

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Tirs de "LBD" autorisés (et contestés) contre l'ours M129 dans les Pyrénées

Des animalistes contestent une nouvelle fois l'autorisation d'effarouchement d'un ours jugé trop familier en Ariège. Le préfet a toutefois reçu la bénédiction de l'association historique qui a lancé la réintroduction des plantigrades dans les Pyrénées

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Illustration 1
l'ours dans les Pyrénées, un danger ou en danger ? © Stéphane Thépot

L'ours M129 n'a pas été baptisé. Né en 2022, ce jeune plantigrade est jugé trop familier depuis qu'il s'est émancipé en quittant les pas de sa mère. « C'est un peu comme un ado, il est un peu inconscient, insouciant et n'a pas une grande expérience » explique Alain Reynès. Le directeur de l'association Adet-pays de l'Ours a été convié à une cellule de crise le 12 juin à la préfecture de Foix pour examiner le cas de ce "sauvageon" à quatre pattes. L'animal a été aperçu à plusieurs reprises en mai dernier en lisière du village d'Auzat où il s'est aventuré pour piller des ruches. L'amateur de miel est revenu sur les lieux de son forfait alors qu'une équipe de l'Office français de la Biodiversité (OFB) était sur place pour procéder au constat avec le propriétaire des ruches, un habitant de Toulouse qui possède une résidence secondaire dans le hameau. La scène a été filmée par un éleveur du village qui fait paître ses moutons dans le pré, et aussitôt diffusée sur les réseaux sociaux.

Pour les opposants aux plantigrades, très virulents en Ariège, le comportement de ce prédateur qui n'a pas hésité à revenir en plein jour est une nouvelle démonstration que l'insécurité plane sur la montagne, y compris aux abords des habitations. Ils réclament une « régulation » du nombre d'ours, dont la population croit régulièrement depuis la réintroduction de trois animaux importés de Slovénie à la fin du siècle dernier dans le département voisin de la Haute-Garonne. « Si l'Etat ne veut pas parler de régulation, il y aura des morts » redoute Christine Téqui, la présidente (PS) du conseil départemental. Depuis son bureau d'Arbas (Haute-Garonne), le directeur de l'ADET s'efforce de tempérer cette vision alarmiste. Alain Reynes concède que les agents de l'OFB ont eu « quelque mal » à repousser l'ours trop gourmand, mais tient à souligner qu'il ne s'est jamais montré « agressif » envers les humains présents. A ses yeux, il s'agit d'un cas particulier à régler sans en tirer de généralités.

La position de cet avocat de la cause des ours dans les Pyrénées mérite d'être soulignée. Pour la première fois, l'ADET approuve publiquement la décision du préfet de l'Ariège, qui a signé un arrêté permettant l'effarouchement du plantigrade dans le cadre du protocole « ours à problème ». Le texte paraphé le 13 juin par le représentant de l'Etat, Simon Bertoux, prévoit des mesures de « conditionnement aversif » par les agents de l'OFB pendant cinq mois « sur tout individu présentant les caractéristiques de l'ours M129 ». En clair, les policiers de l'environnement ont le droit de tirer des munitions assourdissantes ou des balles en caoutchouc pour repousser l'animal, considéré comme un délinquant. Les fameux LBD (lanceurs de balles de défense) seront-ils aussi autorisés dans les Pyrénées ? 

Les précédents arrêtés d'effarouchement pris par la préfecture de l'Ariège pour éloigner les ours des troupeaux en estive ont jusqu'à présent tous été contestés par les associations de protection des animaux. Avec succès. Lors de l'été 2022, Hélène Touy, avocate et figure de proue du parti animaliste, a remporté un véritable bras de fer juridique à répétition contre la précédente préfète de l'Ariège devant le tribunal administratif de Toulouse. Les magistrats toulousains s'étaient montrés sensibles à l'argument la défenseuse de tous les animaux, à plumes ou à poil, s'inquiétant des risques de séparation des femelles accompagnés d'oursons, et même de possibles avortement en cas de tirs de défense. Même avec des munitions non létales. Muriel Arnal, la présidente-fondatrice de l'association qui avait contesté les précédents arrêtés préfectoraux, indique qu'elle s'opposera à nouveau aux balles en caoutchouc visant M129. L'affaire doit être examinée jeudi 4 juillet devant le tribunal. One Voice a profité de l'occasion pour baptiser le jeune ours.

L'ADET ne suit pas cette position maximaliste des défenseurs inconditionnels de la cause animale. « Il est de l’intérêt de tous que M129 retrouve un comportement plus discret et moins familier envers les humains », considère l'association dans un communiqué signé avec d'autres organisations engagées dans la défense des plantigrades. Alain Reynès veut croire que le comportement trop familier de ce subadulte, déjà repéré à plusieurs reprises errant sur des routes coté espagnol, peut être corrigé sans le capturer ni l'éliminer. Les agents chargés du suivi des ours en Catalogne ont déjà fait usage de mesures d'effarouchement. Coté français, les agents de l'OFB se sont contentés jusqu'à présent d'utiliser des « dispositifs lumineux et sonores » pour éloigner les ours rodant trop près des troupeaux. Sans jamais faire usage de « LBD ».

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