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Billet de blog 13 novembre 2024

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Pas d'armistice pour les « écureuils » sur le tracé de la LGV au nord de Toulouse

Après le chantier de l'autoroute A69, les émules du GNSA de Thomas Brail ont vainement tenté de s'opposer à la coupe de 150 arbres à Saint-Jory. Durant le week-end du 11 novembre, la SNCF a aussi coupé la circulation des trains jusqu'à Montauban pour une " opération coup de poing "

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Illustration 1
Seuls quelques acacias ont échappé au déboisement du canal par la SNCF à Saint-Jory © Stéphane Thépot

Pas question de laisser une nouvelle ZAD s'installer à Saint-Jory (Haute-Garonne). Les gendarmes sont intervenus dans cette commune pavillonnaire au nord de Toulouse pour déloger des « écureuils » perchés dans des arbres, entre le canal latéral à la Garonne et la voie ferrée Toulouse-Bordeaux. Un premier militant a été évacué samedi soir. Surnommé « Mapuche », c'est un récidiviste. Ce photographe-baroudeur du Groupe National de Sauvegarde des Arbres (GNSA) s'était déjà installé au printemps dans un bosquet du Tarn pour tenter de s'opposer au chantier de l'A69, la future autoroute entre Toulouse et Castres. D'origine turque, le militant qui se définit comme « libertaire » n'a pas été mis en examen ni placé en garde à vue. Soufrant d'hypertension artérielle, il a été recueilli par un membre toulousain du GNSA.

Depuis l'évacuation des derniers opposants sur le tracé de l'A69 en septembre dernier, le chantier de la future LGV entre Toulouse et Bordeaux est la nouvelle cible des dissidents de tous poils. Le GNSA de l'arboriste-grimpeur tarnais Thomas Brail a installé un campement dès la fin août entre Saint-Jory et Castelnau-d'Estrefonds. Ces activistes à la mode Robin des Bois sont le bras armé des associations et des partis politiques qui contestent le coût financier et environnemental d'une nouvelle ligne ferroviaire longeant la Garonne pour relier Toulouse à la gare Montparnasse. Soit plus de 10 milliards pour gagner une heure de trajet à l'horizon 2032. Une banderole tendue entre deux platanes résume leur argumentation : « TER j'adore, LGV dehors ». La présidente de région Carole Delga (PS) et le maire de Toulouse Jean-Luc Moudenc (ex-LR) ont beau expliquer, à l'unisson du préfet, qu'il ne faut pas opposer les TGV aux « trains du quotidien », les Amis de La Terre n'en démordent pas : « les ingénieurs de SNCF n'ont pas étudié d'alternative » dénonce Jean-Olivier. Le président de l'antenne locale des Amis de La Terre reprend ainsi le même argumentaire que contre l'A69.

Les travaux de construction d'une nouvelle ligne à grande vitesse de 170 kms sur la rive gauche de la Garonne n'ont pas encore été vraiment lancés. Le chantier doit se focaliser d'abord sur la sortie sud de Bordeaux et l'entrée Nord de Toulouse, où la nouvelle ligne se branchera sur les voies existantes. A Saint-Jory, qui avait jadis donné son nom à la gare de triage de Toulouse, l'enjeu est d'aménager deux nouvelles voies afin que les trains rapides ne soient pas ralentis par le trafic déjà intense des convois de marchandises, des trains régionaux et des futur « RER » promis par Emmanuel Macron. Mais avant de faire sauter ce « nœud ferroviaire » considéré comme la priorité technique (et financière), il faut déjà raser toute la végétation plantée sur le mince talus entre les lignes de la SNCF et le canal latéral à la Garonne.

Des platanes « non alignés » ?

Il y avait au moins 150 arbres de part et d'autre de l'écluse de Saint-Jory, selon le recensement des Amis de la Terre qui a déposé un recours contre l'arrêté préfectoral autorisant les abattages. Jean Olivier épouse l'argumentaire du GNSA, qui défend tout particulièrement les arbres d'alignement. Thomas Brail avait en effet commencé par enfourcher le cheval de bataille de la gersoise Chantal Fauché, qui s'est longtemps mobilisée sur le plan national contre la mort programmée des platanes au bord des routes. Une autre association s'est constituée nationalement pour défendre la beauté esthétique des allées arborées au nom du patrimoine. Mais pas au point de défier la SNCF ou la gendarmerie en rejouant Tarzan au nord de Toulouse.

Le tribunal administratif de Toulouse a rejeté les recours des opposants à deux reprises. Une première fois le 18 septembre, pour confirmer la conformité du déboisement en regard de la réglementation environnementale. Re-belote en référé à la veille du week-end avec pas moins de trois arrêtés, dont un autorisant l'expulsion des "écureuils" et autres zadistes présumés qui occupaient l'ancien boulodrome de Saint-Jory, à deux pas de l'écluse et trois de la gare. Il y avait urgence : la SNCF a suspendu la circulation de tous les trains entre Toulouse et Montauban durant une bonne partie du week-end pour effectuer les travaux de bûcheronnage en toute sécurité. En interne, la SNCF parle d'une « opération coup de poing ».

La préfecture a tout de même in fine admis partiellement le bien-fondé de la requête des Amis de la Terre à l'audience : le représentant de l'Etat a signé au dernier moment un arrêté modificatif pour six arbres, reconnus comme formant bel et bien un « alignement ». « Le préfet nous a donné raison. Son texte ne nous a été transmis que vendredi 10h45, 45 minutes avant l'audience », rapporte Jean Olivier. Le maire (PS) de Saint-Jory a écrit de son coté au préfet pour demander la grâce de cinq platanes. Sans oublier le grand chêne centenaire qui étendait son ombre à proximité de l'ancien boulodrome, auquel les habitants de la commune sont très attachés. Victor Denouvion, également élu départemental, précise toutefois qu'il demeure favorable à la LGV. Contrairement au député LFI Hadrien Clouet, venu vendredi sur place pour souffler sur les braises d'un « grand projet inutile ».

Lors de la reprise du trafic ferroviaire, lundi après-midi, seuls quelques acacias malingres étaient encore debout entre le boulodrome et l'écluse de Saint-Jory. Les arbres ont été rasés sur plusieurs centaines de mètres sur la rive droite. A leur place, un mur anti-bruit sera érigé pour protéger les oreilles des riverains de la circulation intensive des trains sur cette future « quatre voies » ferroviaire. Les zadistes se sont repliés plus au nord, du coté de Castelnau d'Estretefonds. Des loutres pourraient avoir recolonisé cette dernière enclave sauvage, à la confluence de l'Hers et de la Garonne. Le campement de fortune des opposants a été baptisé "La Guinguette vaillante".

version longue et actualisée d'un article pour Le Point

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