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La salle d'audience qui comporte une centaine de places assises est bondée. Le public tente de suivre les débats jusque dans les couloirs.
Anne Stambach, député LFI de Toulouse, est debout sur le pas de la porte, restée ouverte. Elle est arrivée en retard car elle assistait à la prise de parole organisé par les opposants sur le parvis de la gare Matabiau, à une centaine de mètres du tribunal. La député écologiste Christine Arrighi, arrivée plus tôt, s'est installée au deuxième rang. La première rangée de siège est réservé aux avocats. Thomas Brail aussi a pris ses précautions. Le fondateur du GNSA est descendu du platane où il a passé la nuit avec cinq autres « écureuils » Il prend des photos avant le début de l'audience, aussitôt publiées sur sa page Facebook. Deux « écureuils » sont restés perchés dans les arbres à l'extérieur lorsque l'audience débute.
La magistrate désignée par le tribunal pour présider l'audience ouvre les débats à 9h10. Elle précise au public qu'il est interdit de prendre des photos et d'enregistrer les débats. Des affichettes rappellent ces consignes à une assistance réputée peu familière avec les usages d'un procès. Beaucoup d'opposants suivent les échanges penchés sur leurs smartphones et ordinateurs. Les avocats, une douzaine au total, sont également venus avec leur PC portables qui crépitent discrètement. Certains enfilent leur robes noires dans la salle. Les plus engagés des militants ont rangé des masques d'écureuils dans leurs poches en entrant dans la salle d'audience.
Il faut une vingtaine de minutes à Marie Odile Meunier-Garnier, assistée de deux magistrates, pour résumer l'empilement des procédures et des requêtes à l'encontre de l'A69 (Verfeil-Castres, 53 kms) concédé à Atosca, mais aussi de l'élargissement de l'A680 (Verfeil-Castelmaurou, 9 kms) exploité par Vinci. La tribune des magistrates est 100% féminine, en comptant la greffière et la rapporteuse publique.
Mona Rousseau expose en 30 minutes les raisons pour lesquelles elle ne trouve toujours pas de « raison impératif d'intérêt public majeur » (RIIPM) au chantier. La rapporteuse publique avait fait sensation lors de la première audience en préconisant un arrêt du chantier au nom de cette fameuse RIIPM, supérieure en droit à la déclaration d'utilité publique délivré à l'A69.
Oui, l'A69 est bien d'intérêt public, même le Conseil d'Etat l'a reconnu. Mais l'intérêt de cette autoroute n'est ni « impératif », ni « majeur » résume-t-elle. La magistrate estime notamment que le gain approximatif de temps sur le trajet (20 minutes environ) s'accompagne d'une dégradation (10 minutes) du temps de parcours sur l'actuelle RN 126 (qui devrait être rétrocédée au département). Cela risque d'aggraver les conditions de circulation à Soual et Puylaurens en renvoyant les camions qui ne prendront plus les actuelle déviations, intégrées à l'A69. Report de trafic estimé : 80% des PL et 60% des VL
Défenseuse attitrée de France Nature Environnement (FNE) à Toulouse, Me Terrasse a plaidé durant une trentaine de minutes. Sa prestation est chaudement applaudie dans la salle, qui lance même quelques « bravos » peu habituels dans une telle enceinte. L'avocate considère que la réduction de 30% du prix du péage sur une trentaine de kilomètres à l'entrée/sortie de Castres annoncée en dernière minute par les préfets du Tarn et de Haute-Garonne est « une mascarade ». « L'Etat sait parfaitement que personne ne prendra une autoroute à 17€ aller-retour » !
Elle s'évertue enfin à démontrer qu'il n'est pas trop tard pour arrêter le chantier. Les travaux accuseraient du retard par rapport au calendrier prévisionnel, font régulièrement valoir les opposants. Le concessionnaire Atosca assure toutefois que l'A69 sera bien mise en service d'ici la fin de l'année. L'autoroute n'est même pas encore goudronnée, souligne Alice Terrasse. « Les centrales à bitume n'ont pas encore démarré ». Ces deux usines mobiles seront les prochains points de fixation des opposants, après leur vaine tentative d'empêcher l'abattage des arbres le long de l'itinéraire.
Le représentant du préfet du Tarn conteste les chiffres de la rapporteuse publique. Selon Maxime Yasser-Abdoulhoussen, le report de trafic de l'actuelle RN 126 vers la future autoroute serait de 70% pour les voitures (VL) et même 90% pour les camions (PL). « C'est important pour les habitants de Cuq Toulza ou Soual » , actuellement traversés par la RN 126, assure le haut fonctionnaire. Il promet une réduction du bruit et une baisse des accidents aux habitants de ces deux communes.
La présidente du tribunal veut néanmoins s'assurer que ce spécialiste de l'économie des Transports, nommé spécialement à Castres pour suivre l'avancée de l'A69, est bien aussi mandaté par le préfet de Haute-Garonne. Le détail peut apparaître purement formel, mais il est fondamental car le département traîne les pieds pour laisser passer le chantier à Verfeil. En cause, la déviation de cette commune, financée par le conseil départemental pour éviter le passage du trafic au centre de la commune, qui devra être démolie pour faire passer l'autoroute.
Plus généralement, M Abdoulhoussen défend « non pas une infrastructure, mais un projet d'aménagement du territoire » pour le sud du Tarn. « Refuser l'autoroute, c'est interdire le droit au développement de Castres-Mazamet », affirme-t-il. Le fonctionnaire prend l'exemple de l'hôpital de Castres-Mazamet, qui aurait du mal à recruter des internes en raison d'une mauvaise connexion avec Toulouse et le peu de perspective d'emplois des conjoints : seulement 400 emplois créées sur la dernière décennie, bien loin des performances des bassins de vie d'Albi ou de Gaillac-Lavaur, branchées sur l'A68, l'autoroute (gratuite) qui relie Toulouse à la préfecture du Tarn.
Selon le représentant de l'Etat, la négociation autour de la réduction du prix du péage avait été lancée « dès 2024 ». Elle n'avait pas pu aboutir plus tôt en raison des élections et des changements de gouvernement successifs. L'avocat du concessionnaire, ATOSCA, fait valoir que le prix du péage est « important, mais accessoire ». Son homologue de Guintoli, l'entreprise de BTP chargée du chantier et co-actionnaire d'Atosca, prévient de son coté : « on ne pourra pas éteindre la lumière en sortant ». Comprendre qu'il faudra bien sécuriser le chantier pendant l'appel que l'entreprise ne manquera pas de déposer si le tribunal décide de suivre l'avis de sa collègue Mona Rousseau.
Marie Odile Meunier-Garnier, indique qu'elle rendra son délibéré le 27 février.
Fin de l'audience à 12h15.
À la sortie du tribunal, les dernier « écureuils » ont fini de ranger leur matériel et plient bagages.