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Billet de blog 22 juin 2024

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À Carcassonne, le soldat Poutou saute sur « le facho du coin »

Qui a (vraiment) peur d'un ouvrier trotskiste de la banlieue de Bordeaux parachuté dans l'ex « Midi Rouge » ?

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Illustration 1
© Stéphane Thépot

Son train est arrivé en retard. C'est à pied que Philippe Poutou traverse le canal du Midi pour  rejoindre ses supporters depuis la gare, goguenard. Sourire en coin sous sa casquette, le candidat surprise du Nouveau Front Populaire improvise un discours devant la petite foule bigarrée qui l'attend depuis plus d'une heure sous les platanes du square André Chénier de Carcassonne. L'ancien ouvrier de l'usine Ford de Blanquefort, dans la banlieue de Bordeaux, se présente en serial looser : « j'ai été trois fois candidat à l'Elysée, j'ai perdu à chaque fois... » « On va gagner », lui répond une centaine de voix audoises portée par le vent d'Autan. Le leader du NPA se fixe un objectif plus réaliste. « On va enlever un point au facho du coin » !

Venue de Toulouse où elle milite à la CGT, sa suppléante veille à entretenir l'espoir. « On sera au deuxième tour », assure Pauline Salingue. L'éducatrice spécialisée du CHU de la ville rose confie avoir trouvé une location pour rester sur place durant toute la durée de la campagne. Les militants locaux distribuent tracts et consignes pour cette mission commando de moins de 15 jours, conçue comme une véritable opération militaire. « Oui, c'est un parachutage, mais plus pacifique que ceux du 3ème RPima », plaisante Philippe Poutou en forme de clin d'oeil au régiment stationné à Carcassonne.

L'organisation, au NPA, on sait faire. Deux barnums ont été dressés sous les platanes, où chacun est invité à laisser ses coordonnées téléphoniques. Une boucle Telegram va être lancée pour coordonner les opérations dans toute la circonscription, en plus du local de campagne ouvert dans l'urgence.  Son adresse, rue de la Liberté, devient même « boulevard » dans la bouche de Pauline Salingue, remontée à bloc. «  Le nouveau front populaire, c'est pas seulement les états-majors des organisations, c'est nous tous », s'époumone la suppléante de Poutou pour chauffer l'assistance en attendant l'arrivée du leader débonnaire.

Les différentes composantes de l'alliance électorale se succèdent au micro pour ce mini meeting improvisé en plein air. « Dans l'Aude, on a l'extrême-droite la plus bête de France » dit un militant écologiste en référence aux insultes déversées sur Marine Tondelier lors de sa visite contre un projet de golf finalement retoqué par la préfecture. Les trois sièges de l'ancien "Midi Rouge" ont basculé lors des dernières élections. Dans leur élément, les députés sortants du parti de Marine Le Pen se sont même sentis autorisés à rabrouer le journaliste de L'Indépendant qui persiste à les classer à l'extrême-droite. 

Philippe Poutou, lui, assume crânement son étiquette de « gauchiste » qui sert de repoussoir à ses adversaires. Une partie du PS local a déclenché un tir de barrage contre son débarquement à Carcassonne, appelant à soutenir la candidature d'un élu PRG, déjà candidat dissident en 2022 dans une autre circonscription du département. En réponse, les organisations du nouveau Front Populaire ont dégainé un communiqué commun exigeant son retrait. Présente discrètement dans la foule, une élue socialiste du département qui a signé le communiqué préfère ne pas s'emparer du micro. C'est l'ancien suppléant (PCF) de la candidate (PS) présentée par la NUPES en 2022 qui s'y colle. « Le danger, c'est le RN. C'est un parti raciste » alerte Denis Renard.

Le soldat bordelais du NPA préfère ne pas se mêler aux batailles qui font rage au sein du PS et de la gauche locale. Il ironise sur l'élargissement du Nouveau Front Populaire au niveau national, qui présente un éventail encore plus étendu que feu-la NUPES. « De Hollande à Poutou, il y a de la marge. On n'a pas tous les mêmes idées, mais on est tous là pour empêcher le RN de s'emparer du pouvoir et assurer la chute de Macron ». 

Pendant que Poutou multiplie les selfies avec de vieux militants, des lycéennes excitées et quelques jeunes tatoués et bardés de piercings, un autre rendez-vous est fixé dès le lendemain matin sur le marché de Lézignan. Cet ancien bastion du PS a été perdu pour une poignée de voix aux dernières élections municipales.

A Carcassonne, le camps Macron a ressorti l'ancien député-maire socialiste du formol pour tenter de reprendre la circonscription perdue en 2022. Derrière cette campagne éclair se profile déjà d'autres scrutins. Le RN aussi fait "front" à sa façon en tissant des liens avec la droite locale pour faire basculer Carcassonne et Lézignan en 2026.

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