
Agrandissement : Illustration 1

Des bouteilles d'eau de source vendues sous la marque « Fiée des Lois » et « Premier prix » ont été retirées des rayons d'Intermarché. En raison d'une contamination au pesticide, résume La Nouvelle République. Le quotidien régional est le premier à révéler que l'usine du groupe Agromousquetaires à Prahecq (Deux Sèvres) a stoppé sa production le 14 février. Le directeur adjoint de l'ARS Nouvelle Aquitaine en poste dans le département précise au journal local qu'un métabolite du Chlorothalonil a été détecté en septembre 2023 dans la nappe souterraine qui alimente l'usine depuis 1992. « Cette molécule d’un fongicide pourtant interdit d’utilisation depuis 2020 a été retrouvée massivement lors de campagnes exploratoires de l’Anses », explique La Nouvelle République. « Mais l’eau reste potable, il n’y a pas de problèmes de santé », assure une autre responsable locale de l'ARS.
L'eau est polluée, buvez du vin !
L'article s'inquiète surtout pour les risques de chômage partiel des 150 salariés de l'usine, « l'un des plus gros employeurs du secteur ». A 15 km de Niort, l'usine d'embouteillage de Prahecq (2.000 habitants) figure parmi les cinq plus importantes de France. Son activité principale est le conditionnement du vin, en bouteilles ou en « bag in box » (BIB) qui représente 90% de son chiffre d'affaire. L'usine produisait 100 millions de litre d'eau par an en 2023, selon son directeur. L'usine ne produirait en réalité que 45 millions de bouteilles d'eau, selon La République du Centre. Elles n'ont ont été retirées de la vente que par « principe de précaution et en responsabilité », selon cet autre titre voisin de la presse régionale relayant un communiqué d'Intermarché. « Le retrait est une mesure de précaution », confirme la directrice déléguée de l'ARS dans les Deux-Sèvres à Ouest France. Elvire Aronica explique que le Chlorothalonil « est imprégné dans les sols et dans les sources superficielles (…) Auparavant, la présence de ces produits dans l'eau n'était pas mesurée ».
Dérogations attendues en août pour l'eau du robinet
La détection de ce métabolite d'un fongicide de la famille des organochlorés dans la nappe de Prahecq pose problème à la fois aux vendeurs d'eau en bouteille et aux syndicats d'adduction d'eau potable. « Ce n’est pas la première fois que l’on parle de Chlorothalonil puisqu’il a déjà été retrouvé dans l’eau du robinet distribuée dans le Grand Poitiers, mais aussi à La Rochelle, ce qui avait poussé la municipalité à fermer sa quinzaine de points de captage d’eau », souligne la radio locale Alouette FM. Dans un deuxième article, la Nouvelle République révèle que 50 à 75% des ressources d'eau potable des Deux Sèvres dépasseraient la « limite de qualité » (0,1 microgramme par litre) fixée par « les autorités sanitaires ». Mais aucune analyse n’aurait montré un dépassement du seuil de potabilité (0,3 microgrammes par litre). Selon le quotidien régional, les dix syndicats des eaux concernés devraient déposer des demandes de dérogations d'ici le mois d'avril. « Les arrêtés préfectoraux de dérogation seront pris début août 2024 », annonce d'ors et déjà le directeur adjoint de la délégation des Deux-Sèvres de l’ARS au quotidien régional. Députée des Deux-Sèvres et présidente de Génération Ecologie, Delphine Batho en profite pour dénoncer la « mise en pause » du plan Ecophyto annoncée par le Premier ministre, signale la télévision régionale.
Les bulles de Perrier « purifiées » ?
Le retrait des bouteilles d'eau de source d'Intermarché intervient après la mise en cause de Nestlé et Cristalline, souligne LSA. Le magazine spécialisé dans la grande distribution évoque « une série noire ». Une enquête commune de Radio France et du Monde s'était penché fin janvier sur les techniques de filtration et de « purification » utilisées dans les usines d'embouteillages des producteurs d'eau de sources et eaux minérales. « Les ressources aquifères exploitées par Nestlé sont régulièrement contaminées microbiologiquement, notamment par des bactéries de type Escherichia Coli. Des traces de polluants chimiques, comme des métabolites de pesticides, ont également été découvertes dans l’eau de Perrier », résume Marie Duplin de la cellule Investigation de Radio France. Que Choisir s'inquiète d'un possible « chantage à l'emploi » : « le groupe Nestlé demande un assouplissement de la réglementation, faute de quoi l’exploitation de certains de ses sites en France (dans les Vosges et dans le Gard) pourrait être abandonnée, rapporte le magazine de défense des consommateurs. L'association Foodwatch a décidé de poursuivre le groupe Nestlé en justice en dépit du "mea culpa" du groupe suisse, annonce Les Echos. Le groupe reconnait dans le quotidien économique avoir utilisé des filtres à charbon actifs et des traitements UV pour maintenir « la sécurité alimentaire » de ses produits mais aussi pour préserver ses intérêts économiques et l'emploi sur ses sites d'embouteillages.
Tempête « dans un verre d'eau »... ou des bassines ?
« Une tempête dans un verre d'eau », estime Le Point qui s'employait dès avril 2023 à rassurer ses lecteurs à propos du Chlorothalonil et ses métabolites. « La substance fait partie de la catégorie 2B, « peut-être cancérigène », vaste fourre-tout de près de 300 substances, présentes dans les détergents de pressing, les fumées de soudure, les légumes conservés dans le vinaigre et les feuilles d'aloe vera », énumèrent Géraldine Woessner et Erwan Seznec. Pour en revenir aux Deux-Sèvres et à Intermarché, « le problème, il est pour l’exploitant qui exploite une eau de source. Si elle est traitée elle ne peut plus être appelée eau de source », expose Elvire Aronica de l'ARS à Ouest France. « Au-delà de ces problèmes de qualité, la question de la quantité pourra se poser dans un département peu riche en réserves souterraines en proie à une « guerre de l’eau » autour des usages de la ressource », conclue La Nouvelle République.
Le quotidien local ne manque pas de souligner que la nappe souterraine se situe « à plus de cent mètres sous terre à Prahecq » Elle aurait été trouvée après la sécheresse historique de 1976. Il aura fallu moins de quarante ans pour « remplacer l’eau des nappes infra, âgées de 2.000 ans environ, par les infiltrations d’eaux de surface polluées », souligne dans La Nouvelle République une association locale qui œuvre depuis plus de trente ans pour la défense de l’eau dans les Deux-Sèvres.
Revue de presse actualisée d'un article pour la mission Agrobiosciences de l'Inrae