Stéphane Thépot (avatar)

Stéphane Thépot

journaliste

Abonné·e de Mediapart

35 Billets

0 Édition

Billet de blog 28 février 2025

Stéphane Thépot (avatar)

Stéphane Thépot

journaliste

Abonné·e de Mediapart

Christophe Cassou : « Il y aura un avant, et un après A69 »

L'arrêt du chantier de l'autoroute de Castres par le tribunal administratif de Toulouse est "une victoire historique" pour les opposants. Ce jugement ravive la mémoire de Rémi Fraisse, mort il y a dix ans sur le projet avorté du barrage de Sivens. L'Etat fait appel pour tenter de relancer les travaux au plus vite.

Stéphane Thépot (avatar)

Stéphane Thépot

journaliste

Abonné·e de Mediapart

Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.

Illustration 1
© Stéphane Thépot

Ambiance festive de troisième mi-temps au Winger, brasserie du quartier de la gare Matabiau où les opposants à l'A69 ont pris l'habitude de se réunir après les audiences du tribunal administratif de Toulouse, à deux pas de là. Alice Terrasse a pris place sur la banquette de l'arrière salle, entourée des porte-paroles des différentes associations et collectifs qui luttent depuis des années contre ce vieux projet qui remonte au siècle dernier. « Les arguments des pro autoroute ont été balayés », explique l'avocate historique de France Nature Environnement pour résumer les 24 pages du jugement rendu public à la mi-journée. Les noms des élus politiques locaux favorables à l'A69, de droite comme de gauche, sont copieusement hués par la foule qui s'entasse dans ce petit bar servant aussi de repère aux militants de LFI et du Nouveau Front Populaire lors des soirées électorales.

Thomas Digard, porte-parole du collectif La Voie Est Libre, affiche un grand sourire mais exprime aussi une certaine lassitude. « Ce n'est pas normal d'attendre deux ans dans une démocratie ». Ce solide chef d'entreprise barbu a une pensée « pour toutes les personnes en souffrance », expropriées depuis que l'A69 avait été déclarée "d'utilité publique". A ses cotés, Thomas Brail rend hommage à ses camarades "écureuils" qui ont grimpé dans les arbres pour tenter d'arrêter les bulldozers. « Il ne faut pas avoir peur de la police ou des tribunaux, nos seuls juges ce sont nos enfants », lance le grimpeur-arboriste de Mazamet. « Amnistie, amnistie », répond le choeur bariolé des opposants qui se pressent dans la salle où il est impossible de circuler, tant la foule est compacte

Certains arborent des chasubles de chantier vert fluo, d'autres sont venus avec des gamins en bas âge en cette période de vacances scolaires. Une jeune militante précise que 130 poursuites ont été diligentées à l'encontre des activistes qui se sont engagés physiquement dans la lutte. Deux "écureuils" de la principale ZAD érigée sur l'itinéraire doivent comparaître le 12 mars devant le tribunal de Castres. « Merci de les soutenir », ajoute la jeune femme qui préfère rester anonyme et lance un appel aux dons. Elle représente le « collectif anti-répression de l'A69 » qui gravite dans le milieu des « autonomes », en première ligne au plus fort de la lutte sur le terrain.

Pour le président des Amis de la Terre Midi-Pyrénées, désormais mobilisé contre le chantier de la future LGV Bordeaux-Toulouse avec quelques "écureuils", il est temps maintenant de passer à la contre-attaque. « On a gagné sur le plan administratif, on va chercher des responsabilités sur le plan pénal », annonce Jean Olivier. Ce militant chevronné souligne que trois plaintes ont été déposées contre les promoteurs de l'autoroute, assimilés dans les tracts les plus engagés des opposants à une « mafia69 ». Plus prosaïquement, la représentante des collectifs contre les deux centrales à bitumes qui devaient commencer à fonctionner au mois de mars se déclare soulagée. Mais le chantier est-il bien « annulé » ou juste « suspendu », s'interroge cette habitante de Puylaurens (Tarn) ?

Alice Terrasse reprend le micro pour préciser la situation sur le plan juridique, encore confuse dans beaucoup d'esprits. L'autoroute a bien été déclarée « illégale » avec « effet immédiat », mais la préfecture du Tarn annonce qu'elle fait appel du jugement du tribunal et a déposé une demande de « sursis à exécution » pour tenter de faire reprendre le chantier au plus vite. A la sortie du bar, Christophe Cassou se déclare à la fois « soulagé » et « en colère » : les militants et les scientifiques opposés au projet ont subi « une campagne de dénigrement, de mensonges et de désinformation », déplore le climatologue du CNRS. L'ancien rapporteur du GIEC a rejoint en fin de journée le petit rassemblement improvisé pour fêter la victoire sur la place du Capitole. Visiblement ému, il a lu un court texte très applaudi par quelques centaines de militants réunis en cercle face à l'hôtel de ville. « Il y aura un avant et un après A69 », assure Christophe Cassou.

La satisfaction des opposants est d'autant plus forte qu'un autre tribunal, à Strasbourg, a finalement donné raison dans la matinée au père de Rémi Fraisse, jeune naturaliste tué par une grenade offensive sur le chantier du barrage de Sivens. Plus de dix après cet épisode tragique qui a frappé les esprits dans le Tarn et bien au-delà, le juriste toulousain Julien Bétaille se risque à établir un parallèle sur le fond et la forme en droit au micro d'Ici Occitanie : « dans les deux cas, toutes les procédures d'urgence déposées par les opposants au projet ont été rejetées par le juge. Et au bout du compte, le juge annule l'autorisation, alors même que la plupart des dommages sont déjà réalisés sur le terrain ». De son coté, le quotidien régional ouvre ses colonnes aux réactions de tous les partisans de l'A69 qui dénoncent « un gâchis », depuis Carole Delga jusqu'à Bernard Carayon en passant par le patron des Laboratoires Fabre et celui de la Dépêche du Midi.

Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.