Stéphane Zygart

Enseignant-chercheur en philosophie et histoire des sciences

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Billet de blog 27 mai 2025

Stéphane Zygart

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Droit, régulation, ou liberté ? L’aide à mourir comme problème public

Le projet de loi sur la fin de vie repose sur l’alliance de savoirs révisables (sur la mort et la souffrance) et de la liberté (individuelle), dans un cadre défini par consensus. Il suit une logique libérale. Mais la fragilité des expertises et de la liberté de choix supposerait de tous autres repères pour établir une aide à mourir, dont le principe n’est pas à rejeter totalement.

Stéphane Zygart

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Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.

Réfléchir aux problèmes actuellement posés par la fin de vie, c’est se confronter à une danse macabre d’un nouveau genre, mais peut-être guère différente, au fond, de celles du Moyen-Âge, où se croisent des personnes en souffrance et des experts souvent désemparés. Les vieillards y côtoient les enfants, les personnes paralysées celles qui sont atteintes de troubles psychiques, celles atteintes de maladies dégénératives, celles porteuses d’un handicap, avec des médecins et des psychiatres de toutes les spécialités, des représentants et des militants de tous bords, des sociologues, des philosophes, des anthropologues, des juristes, etc.

Face à cela, les gouvernements s’efforcent de légiférer. En France, à la suite d’un processus entamé fin 2022, un projet de loi est actuellement examiné, identique, en ce qui concerne la fin de vie, à celui qui avait été proposé en 2024, avant la dissolution de l’Assemblée Nationale1. Il vise à autoriser, sous certaines conditions, une « aide à mourir ». Celle-ci consiste à « recourir à une substance létale » que l’on « s’administre » (suicide assisté) ou que l’on se fait « administrer par un médecin ou un infirmier » (euthanasie), suivant l’article 2 du projet de loi. Ce droit serait ouvert à toute personne majeure « atteinte d’une affection grave et incurable, qui engage le pronostic vital, en phase avancée ou terminale », « présent[ant] une souffrance physique ou psychologique liée à cette affection, qui est soit réfractaire aux traitements, soit insupportable selon la personne lorsqu’elle a choisi de ne pas recevoir ou d’arrêter de recevoir un traitement ». Il pourrait être exercé par toute personne majeure, à condition d’ « être apte à manifester sa volonté de façon libre et éclairée » (article 4) et sous réserve que la « maladie [n’]altère [pas] gravement le discernement (article 6).

En reposant sur une logique politique et juridique suivie depuis de nombreuses années au sujet des soins en France et ailleurs, sur laquelle il faudra d’abord revenir, ce projet de loi cherche la bonne combinaison entre la multiplicité dramatique des situations et la généralité rigoureuse requise par une loi, d’autant plus nécessaire lorsque celle-ci porte sur des sujets aussi graves que la fin de vie. Il établit cette combinaison en s’appuyant d’une part sur des critères objectifs donnant droit à une aide à mourir et que valident des experts au cas par cas, d’autre part sur la liberté de choix des individus, dont d’autres experts s’assurent de la réalité. Un domaine objectif étant défini par expertise - les personnes souffrantes en fin de vie -, le choix individuel peut s’y exercer une fois l’existence de la liberté vérifiée, suivant des possibilités de choix définies par consensus sociopolitique. Suivant un raisonnement libéral classique, l’alliance de savoirs révisables (sur la maladie, la mort, la liberté et la souffrance) et de l’exercice de la liberté (individuelle) dans un cadre défini par consensus est adoptée comme la meilleure solution aux multiples situations de nos fins de vie.

La simplicité de certaines lois en fait parfois la qualité. On peut toutefois penser que ce n’est pas le cas ici, et que la fragilité, tant des expertises que de la liberté de choix, supposerait de tout autres repères pour établir une aide à mourir, dont le principe n’est pas à rejeter totalement.

1 Deux problèmes de norme politique : de santé publique et de libertés

Deux objections sont plus particulièrement à soulever, afin de bien cerner les problèmes qui se posent. Premièrement, une logique de réajustement permanent des critères d’admissibilité de l’aide à mourir et à l’aide à mourir est ouverte par ce projet de loi, suivant nos savoirs, conceptions et capacités face à la maladie, à la souffrance et à la mort. Les critères pourront se transformer relativement à ce que deviennent l’insupportable, les phases avancées des maladies ou les maladies incurables. On peut trouver cette possibilité à la fois scientifique et démocratique. Il faut cependant se demander à quelles variables d’ajustement pourrait alors être adossé un tel usage médico-social du suicide assisté ou de l’euthanasie. Un grand nombre d’euthanasies devrait-il en limiter l’accès et pourquoi ? Un trop petit nombre devrait-il au contraire amener des campagnes d’information, voire de promotion, de l’euthanasie ? Comment serait fixé ce nombre ? Sur quelles variables faudrait-il agir ?

Deuxièmement, la liberté de pouvoir disposer de sa vie et de sa mort semble justifier le droit de pouvoir choisir l’euthanasie ou le suicide assisté, tout comme on peut choisir librement le suicide, et cela quoi qu’il en soit des problèmes de seuils épidémiologiques ou démographiques que le nombre de recours à une aide à mourir pourrait soulever. Sur ce point, la différence des principes qui fondent d’un coté une liberté au suicide, depuis longtemps dépénalisé (en 1793), et qui fondent, d’un autre côté, un devoir d’assistance aux personnes suicidaires, doit être soulignée et établie avec précision. L’impuissance sociale face à la souffrance et à la mort légitime l’aide à mourir ; mais cette impuissance n’implique pas que l’on doive laisser se produire sans rien faire les suicides solitaires. Pourquoi ? Que signifie l’empêchement social et légal des suicides et l’acceptation, elle aussi sociale et légale, des aides à mourir ? Comment justifier à la fois la légalité des suicides, l’obligation de porter assistance aux suicidaires et les aides à mourir ?

La première objection soulève la question de l’usage des aides à mourir au sein de nos systèmes de santé : si la mort devient assimilable à un soin, comment fixer la norme d’usage de ce soin ? La seconde objection interroge la possibilité de fonder dans la liberté individuelle une liberté à mourir volontairement : si la liberté au suicide justifie le droit à l’aide à mourir, doit-il et peut-il y avoir une règle donnant accès à ce droit et laquelle ?

Les problèmes sont politiques plus qu’éthiques, et même logiques plus que de valeur. Ils ne concernent pas que certains cas rares, mais tous les soins, et pas que la médecine, mais les rapports entre les libertés. Il ne s’agit donc pas de dénoncer des intentions eugénistes hypothétiques derrière ce type de projet de loi, ni de seulement craindre des effets néfastes pour les systèmes de santé et de protection sociale2. Même si la France ne fait que suivre l’exemple de dispositifs déjà éprouvés dans bien d’autres pays comme la Belgique, la Suisse, le Canada ou le Pays-Bas Il s’agit de déceler, logiquement, l’absence totale de norme possible, que l’on prenne comme point de repère l’idée de soin, ou que l’on prenne celui de la liberté. La désorientation risque d’être permanente et sans remède, sans que le bon sens, la recherche de consensus démocratique, la vigilance, la bienveillance ou quoi que ce soit d’autre permette d’y mettre fin.

Énoncer les difficultés posées par la définition des normes à suivre pour l’ajustement médico-social des recours aux aides à mourir, ainsi que les difficultés posées par la définition des normes qui limitent les libertés individuelles en matière de suicide, permet d’éclairer toute réflexion juridique sur l’euthanasie et le suicide assisté, les critères de leur autorisation, la place et la part qu’y a la liberté. A partir de là, quelques pistes peuvent être proposées pour modifier la loi actuellement en vigueur sur la fin de vie - la loi dite Claeys Leonetti -, en en conservant beaucoup des principes directeurs, tout en en changeant considérablement la portée pour permettre l’aide à mourir et pas seulement les limitations et arrêts de traitement, et pour ne plus conditionner cette aide au seul critère de la mort imminente. Commençons par revenir brièvement sur les principes généraux du projet de loi actuel.

2 L’alliance entre expertises et libres choix : une logique juridique générale appliquée à la fin de vie

La logique suivie par celui-ci est très loin d’être exceptionnelle, même s’il semble que son objet soit tout à fait singulier. L’amélioration progressive des savoirs experts et l’apprentissage collectif d’une nouvelle liberté à aider ou à être aidé à mourir en sont sans doute un des moteurs et un des espoirs, de telle sorte que toute une série d’aménagements, de précisions et de gardes-fous y sont attendus et anticipés, destinés à être produits au fur et à mesure des cas. Ce projet de loi suit, en ce sens, tout un ensemble de lois et de travaux antérieurs, à l’œuvre dans d’autres domaines médicaux et médico-sociaux, en matière de handicap et de psychiatrie par exemple.

À s’en tenir à son objet propre, la loi proposée paraît évidente, claire et juste. Pourquoi refuser à une personne, atteinte en toute certitude d’une pathologie incurable qui la fait souffrir sans soulagement possible, le droit de mourir, de telle sorte qu’elle n’ait pas à attendre une mort que les techniques médicales contemporaines ne cessent de pouvoir retarder, et qu’elle n’ait pas non plus à se suicider dans la clandestinité et l’isolement - à moins de mettre en danger toute personne qui aurait été avertie ? Plus largement, s’expriment ici des principes éthiques, politiques et juridiques qui travaillent en profondeur beaucoup de pays et de sociétés, où la reconnaissance d’une aide à mourir témoigne d’un aboutissement et non pas d’une innovation précaire. La liberté des personnes, relativement à leurs maladies, aux traitements possibles et à leurs vies s’y trouve reconnue, suivant des idées qui sont, notamment, déjà celles de la loi dite Kouchner en 2002, qui avait imposé comme règle générale le consentement libre et éclairé des patients à tout acte médical3.

De là, bien des difficultés qui pourraient s’opposer à l’établissement d’une aide à mourir ne semblent pas du tout décisives, et pourraient être surmontées par un affinement des expertises, des contrôles et des discussions collectives, à partir de tout un ensemble d’acquis.

Soit par exemple les personnes atteintes de souffrances psychiques. Deux questions se posent : est-on certain de l’incurabilité de leurs troubles, de telle sorte que leur mort puisse se présenter une des meilleures solutions ? Est-on assuré de l’absence d’incidence de ces troubles sur leur capacité de discernement, alors qu’elles voudraient mourir ? Ces questions sont certes délicates et ne reçoivent pas de réponses tout à fait complètes. Mais elles n’ont rien d’inédit. La nature de l’incurable, de ce que l’on peut en faire, faire avec lui ou malgré lui, la conscientisation et la responsabilisation sont, depuis au moins vingt ans en France, au cœur des recherches et des discussions sur le handicap psychique, sur le but des soins (suivi, rétablissement ou guérison), sur les droits que les handicaps font parfois perdre (avec les tutelles ou les curatelles), ou qui persistent (comme la responsabilité civile et pénale, le droit de vote), ou encore d’acquérir par divers accompagnements et procédés éducatifs4. Au sujet d’un droit à l’aide à mourir, ces travaux ne seraient donc qu’à poursuivre, en lien avec les personnes handicapées, même si certaines d’entr’elles sont fermement opposées au projet de loi. Le Comité National Consultatif des Personnes Handicapées soutient ainsi les grandes lignes du projet de loi5, ainsi que l’Association des Paralysés de France, l’UNAFAM ou l’UNAPEI6, mais d’autres collectifs s’y opposent, comme le Comité Lutte et Handicaps pour l’Égalité et l’Émancipation7 ou les Dévalideuses8. L’expérience de pays comme la Belgique et les Pays-bas, qui ont depuis deux décennies au moins étendu sous conditions les dispositifs d’euthanasie ou de suicide assisté aux personnes en souffrance psychique, ou de pays comme le Canada, qui ont refermé cette possibilité après l’avoir ouverte, pourraient également servir à l’affinement progressif des normes françaises.

L’accompagnement à l’exercice des droits est une piste qui pourrait en particulier être appliquée à d’autres cas difficiles, comme celui des personnes mineures. Celles-ci, à la différence des personnes atteintes de souffrances psychiques, sont pour l’instant exclues du projet de loi français sur l’aide à mourir. Mais comment et pourquoi refuser à une personne de 17, 15 ou 13 ans une telle aide, sous prétexte d’une limite d’âge, alors que cette aide pour s’établir aura levé des obstacles bien plus grands et bien moins arbitraires, comme celui de l’interdit de la mise à mort d’autrui ?9. Une éducation à ce qu’est la mort, un droit, la liberté, ainsi qu’une analyse fine du discernement des mineurs au sujet de leur souffrance, de leur rapport à leurs parents, à différentes autorités, pourrait être un moyen de s’assurer de leur choix, libre et éclairé, de mourir, à défaut peut-être de leur consentement ou de leur assentiment. Même si la possibilité même d’une euthanasie ouverte aux mineurs ne fait actuellement l’objet d’aucun consensus, des recherches plus ou moins actuelles pourraient être employées en ce sens10.

On peut certes s’interroger sur la solidité, présente et à venir, de ces ancrages du projet de loi dans l’expertise, en particulier psychologique et psychiatrique, et dans des techniques d’apprentissage qui pourraient éventuellement en être tirées. Mais, avant d’y revenir, c’est la dynamique même de ce genre d’articulation entre maladie, soin, souffrance et mort, sous l’égide de la connaissance que nous en aurions et de notre liberté qu’il faut questionner.

3 Un problème de norme épidémiologique : de la mort comme limite des soins à la mort comme soin parmi d’autres

Sur cette dynamique, un débat actuel est particulièrement éclairant. Celui-ci est provoqué par les données chiffrées dont on dispose désormais sur le suicide assisté et sur l’euthanasie, à partir des pays qui les ont autorisés depuis parfois plusieurs décennies - comme la Belgique, le Canada, la Suisse ou les Pays-Bas. Une augmentation nette et régulière du nombre d’euthanasies peut être observée dans toutes ces contrées. Certains en ont tiré argument pour critiquer ces législations, qui produiraient systématiquement une « pente glissante »11. Autoriser l’euthanasie pousserait de plus en plus de gens à y recourir, en exposant progressivement à cette possibilité des personnes de plus en plus vulnérables (dont les mineurs et les personnes handicapées, psychiques ou autres), et en amenant les systèmes de santé à négliger certains soins, notamment à cause de leur coût (dont les soins aux personnes handicapées ou âgées)12. Les chiffres sont sans doute de trop faible amplitude et établis sur des durées trop courtes pour étayer pleinement, à eux seuls, ces conclusions.

Cependant, dans le débat qu’ils ont provoqué, une idée fait particulièrement problème, idée qui est la suivante : l’augmentation du nombre d’euthanasies ne serait pas alarmante, car elle serait l’effet d’un ajustement à interpréter à partir de données épidémiologiques, démographiques et de l’information donnée aux citoyens sur les aides à mourir. Citons un peu longuement cette idée, telle qu’exprimée par Giovanna Marsico, Directrice du Centre National des Soins Palliatifs et de la Fin de Vie (CNSPFV) :

« La première démonstration de la pente glissante fait référence à l’augmentation de la population ayant recours à cette pratique, car dans tous les pays concernés, le pourcentage de décès sur demande a augmenté depuis l’année de sa mise en place. Une telle argumentation est à interpréter dans le contexte de l’augmentation de l’espérance de vie, le vieillissement des baby-boomers, la chronicisation des maladies et les innovations scientifiques qui confrontent une partie de la population à des enjeux de fin de vie complexes pouvant se traduire en une demande plus importante d’AMM. Parallèlement, la sensibilisation des professionnels et de la société aux droits des patients peut largement contribuer à une augmentation de ces demandes.»13

Le cœur du propos est statistique. Il repose sur la faiblesse du nombre d’euthanasies relativement au nombre de décès, et sur la mise en rapport du premier nombre avec des données épidémiologiques et médicales. Le nombre d’euthanasies est de la sorte considérée comme une donnée, elle-même effet de la rencontre entre l’état sanitaire d’une population et les moyens médicaux dont elle dispose - qui peuvent guérir, être impuissants ou encore faire souffrir, et ainsi rendre souhaitable l’exercice d’un droit à mourir.

On doit d’abord se poser la question de savoir quoi faire et comment de ce type de calcul : y a-t-il un pourcentage d’euthanasies dans la mortalité générale qui impliquerait de s’en alarmer, et lequel ? Quels chiffres convient-il de modifier, et en jouant sur quelles variables ? Celui de l’occurrence des maladies, de la disponibilité des techniques de soin, du nombre d’euthanasies ou du nombre de campagnes de promotion ou de prévention à leur sujet ? Ces interrogations sont la reformulation, à partir de chiffres, d’une partie des débats sur les valeurs respectives des aides à mourir, des thérapies, des soins d’accompagnement ou des soins palliatifs. Elles expriment une divergence au sujet de valeurs - une pente que l’on descend en glissant n’est pas une pente que l’on monte et n’est pas non plus la simple ouverture d’un espace de possibles.

Qu’il y ait un débat, bien réel, sur des valeurs ou des valorisations ne doit pas faire aboutir trop vite à la philosophie métaphysique, éthique ou politique. Car les valeurs et les chiffres sont ici bel et bien liés, et sans indépendance : valoriser, c’est faire augmenter, la hausse exprime la plus haute valeur de ce qui augmente. Dès lors, savoir à partir de quoi juger ces chiffres et plus encore, comment et à quoi les ajuster est une question cruciale, et tout à fait pragmatique. Quantifier les recours à l’aide à mourir, est-ce en faire une variable médico-sociale parmi d’autres, c’est-à-dire un soin parmi d’autres, comme peut l’être aujourd’hui la prise d’anxiolytiques ou de paracétamol ? Référer cette quantification à d’autres variables, cela implique-t-il qu’on recourt trop ou pas assez aux aides à mourir relativement au nombre de cancers en phase avancée ou terminale, en distinguant éventuellement entre les types de cancers ?

Sans qu’il y ait besoin de pente ou de tendance globale, on peut percevoir le caractère pour le moins acrobatique qu’il y aurait à augmenter ou à baisser les dépenses sur le traitement des cancers en phase terminale en fonction du nombre de malades qui auraient recours à une aide à mourir. La mise en balance des thérapies (palliatives ou autres) et des aides à mourir est cependant tout à fait possible, y compris du point de vue des investissements économiques - rien ne l’empêche dans le projet de loi actuel. On peut craindre que les arbitrages ne puissent alors être que très arbitraires, et au moins enracinés dans des choix diffus, éthiques, politiques et économiques, où la santé et la souffrance ne seraient pas les seuls enjeux. Cet éloignement possible des interventions sur la santé des êtres humains de la seule considération de leur santé, en y substituant ou en y ajoutant la question de leur maintien ou non dans l’existence à partir de multiples variables doit éveiller de grandes craintes. Non, encore une fois, en supposant de mauvaises intentions, présentes ou futures, des législateurs ou des peuples, mais étant données les possibilités qui s’ouvrent ainsi sans aucune solution satisfaisante pour s’y orienter.

Pour le dire autrement : si l’aide à mourir devient, ne serait-ce que par le biais des méthodes de chiffrage, un soin parmi d’autres appartenant aux techniques médicales, bien malin qui pourra fixer des limites hautes ou basses à la fréquence désirable de son utilisation, et cela pour des raisons profondément logiques qu’aucune discussion éthique ou politique ne pourra lever. Pour cette raison, il semble nécessaire de conserver aux dispositifs de suicide assisté ou d’aide à mourir leur statut d’échec médical, et de rechercher constamment la baisse de leur taux de recours, dans la mesure où personne ne peut savoir comment juger de l’utilité et donc de la régulation des aides à mourir si celles-ci ne sont pas considérées comme des pis-allers et une pratique indésirable. On voit mal comment arbitrer politiquement entre la possibilité de maintenir en vie ou et mettre à mort (ou de laisser mourir, c’est la même chose de ce point de vue) si, au nom de l’appartenance au domaine du soin de toutes ces possibilités, on efface la différence de polarité qui les traverse, entre lutte pour la vie (qui échoue cas après cas, ce dont il faut à chaque fois tirer les conséquences) et possibilité de la mort (qui peut s’envisager pour une multitude de motifs). A un repère de l’échec qui fixe la valeur et la place de la mort dans les soins, on substituerait une infinité de calculs possibles.

Un tel point de vue, construit seulement à partir de ce qu’impliquerait une conception épidémiologique des recours à l’aide à mourir, n’ignore-t-il pas, cependant, la liberté qui s’y exprime et qui en demande, tout à fait consciemment, la possibilité ?

4 Liberté de suicide et aide à mourir : quelles normes pour le droit à être accompagné ?

Au sujet de la liberté individuelle à mourir, il faut d’abord remarquer que les approches contemporaines de la fin de vie, dans la mesure où elles se soucient d’une manière ou d’une autre de chiffres, affaiblissent beaucoup la portée de ce qui serait une liberté individuelle absolue de recourir à un suicide assisté ou à une euthanasie. Pourquoi s’inquiéter des chiffres - et donc de quoi que ce soit de collectif - si la clé de voûte du droit à mourir est la liberté de chacun ? On peut trouver incohérent qu’un droit fondamental soit accordé sur une base aussi essentielle que le libre-arbitre, puis que l’usage ce ce droit soit ensuite évalué à des fins de régulation.

L’idée de la liberté comme absolue s’en trouve, au minimum, considérablement fragilisée. Il est certes devenu courant d’évaluer les réformes politiques de cette façon en examinant leurs effets pour, sur cette base, les amender14. Giovanna Marsico le rappelle d’ailleurs : ce n’est pas seulement que les indicateurs sur l’aide à mourir ne sont pas inquiétants, c’est aussi qu’ils reposent sur des discussions et des décisions démocratiques qui témoignent d’un accord, d’une confiance sociale qui peuvent être modifiés, jusqu’à leur retrait15.

En raisonnant ainsi, on ne sort toutefois pas d’une approche du droit par ajustements successifs, par le moyen de boucles de rétroaction entre les lois, les données épidémiologiques et les recours aux aides à mourir. L’absoluité de la liberté comme fondement des choix appropriés en ressort très ébréchée. D’une liberté s’exerçant sur des objets définis par expertise dans le cadre de règles consensuelles, on en arrive à un gouvernement des libertés par réajustement permanent où la norme de réajustement, comme on vient de le voir, est chimérique. Lorsqu’il est fait mention de la liberté dans les dispositifs d’aide à mourir, les ancrages de celle-ci et, plus encore, la signification même du terme de « liberté » doivent donc être scrutés avec énormément d’attention.

Tout d’abord, bien qu’il soit fragile, le principe de la liberté individuelle placé au fondement de tout recours à l’euthanasie ou au suicide assisté paraît indispensable. Il permet d’exiger l’expression individuelle de la volonté pour déclencher ces dispositifs, et il empêche ainsi leur automaticité, c’est-à-dire un basculement dans un eugénisme abject et imbécile.

Mais, face à la fragilité de cette liberté, sinon métaphysique, du moins dans les usages, les dispositions prévues par le projet de loi français étonnent. Les capacités de discernement des personnes ne semblent pas devoir être systématiquement vérifiées, sinon en cas de doute sur les effets psychiques ou mentaux des pathologies dont elles peuvent être atteintes16. Ce type de contrôle, non de l’existence positive de capacités de discernement qu’il faudrait établir à chaque fois, mais de la non-inexistence de ces capacités malgré la présence de causes identifiables qui pourraient les perturber, peut être salué comme une défense des libertés individuelles face aux normes psychiatriques ou psychologiques. Mais la légèreté procédurale des contrôles fait tout de même problème.

Par exemple, en matière d’internement ou de soins psychiatriques sous contrainte, l’avis d’un juge ainsi que des évaluations multiples sont requis, formulés par différents professionnels de santé, à des intervalles de temps définis, et devant parfois être absolument non contradictoires pour que la contrainte soit justifiable17. On s’efforce de concilier la nécessité des contrôles et l’incertitude des expertises. Rien de tel pour les aides à mourir, où si le principe des contrôles est posé, ceux-ci sont que très peu formalisés, soumis à vérification ou contestation, et tout cela sans que l’avis d’un juge soit nécessaire pour valider la procédure. On peut s’interroger sur les raisons pour lesquelles l’aide à mourir inquiète moins, en termes de protection des libertés, que l’internement psychiatrique privatif de liberté. Certes, la confrontation à une mort à venir peut ne pas remettre en question directement la liberté, qui n’aurait donc pas à être contrôlée autant qu’elle l’est lors des internements psychiatriques, où sa pleine possession est systématiquement et immédiatement incertaine. La mort prive pourtant incontestablement de liberté, et définitivement, à la différence d’éventuelles thérapies sous contrainte, qui peuvent être levées. L’irrémédiable est un contrepoids de taille à l’a priori de la lucidité qui justifierait de contrôler moins les aides à mourir que les internements.

Si les dangers pour l’exercice de la liberté sont tout aussi importants dans l’exercice de la psychiatrie que dans celui des aides à mourir, le caractère plus lâche des contrôles s’explique peut-être par la difficulté plus grande qu’il y aurait à les mener dans le second cas : notre liberté face à la mort semble tout de même incontestablement singulière. Nous la faisons jouer à partir d’une multitude d’idées dont il est impossible de faire le tour et, en même temps, à partir d’une méconnaissance que nous ne pouvons pas combler à son sujet. Il faut cependant distinguer sur ce plan, pour juger de l’exercice possible de nos libertés, l’ignorance du vécu de la mort et ce que nous pouvons savoir de ce qui précède comme de ce qui suit la mort. Car, de l’une aux deux autres, les questions se déplacent : de la fragilité de la liberté individuelle ainsi que des expertises à son sujet, on passe à d’autres enjeux, y compris juridiques, car la liberté d’autrui doit être prise en compte.

D’abord, du vécu de la mort en elle-même, comme il est dit depuis des millénaires à des fins de soulagement, d’édification ou de terreur, nous ne savons rien et nous ne pouvons rien en savoir. Il ne nous est pas transmissible (survivre n’est pas mourir) et nous ne pouvons en faire l’expérience qu’une fois. Cela limite fortement les prises de notre liberté sur la mort, sans qu’une éducation ou un accompagnement à celle-ci ne soit en réalité possible : on ne peut rien corriger en la matière par essais et erreurs, au fur et à mesure d’expérimentations que l’on pourrait répéter18.

Il en va tout à fait autrement pour l’avant et l’après mort, que nous pouvons connaître, au moins par la transmission des vécus d’autrui en ce qui concerne l’avant, et par l’effet des décès sur les vivants pour ce qui touche à l’après. Là, autrui et des expériences aussi répétables que partageables apparaissent. Mais cela ne veut pas dire que nos connaissances soient beaucoup plus assurées.

Quant à ce qui précède la mort, les souffrances, même celles précédées par l’agonie peuvent être fort variables d’une personne à l’autre, suivant les subjectivités, suivant aussi les douleurs différentes qu’une même pathologie peut causer chez les individus. L’imminence même de la mort, et a fortiori le caractère « avancé » d’une maladie dont il est fait mention dans le projet de loi, ne peuvent être définis qu’avec de grandes incertitudes et inexactitudes - cela vient d’être rappelé, début mai 2025, par la Haute Autorité de Santé19. Sur ces points, vouloir faire reposer la loi sur des expertises que l’on voudrait objectives est, une fois de plus, une illusion. A cela s’ajoute qu’un imaginaire de la mort, faute de pouvoir bien la maîtriser et la connaître, sans doute indispensable mais nécessairement traversé d’irréalité, participe à nos idées à son sujet, y compris dans nos projets de loi, ce qui rend périlleuse l’entreprise de prétendre embrasser tous les cas de figure dans une même forme juridique. La maladie d’Alzheimer, par exemple, est incurable et source de souffrances ; elle correspond ainsi aux critères prévus d’accessibilité à l’aide à mourir. Mais les effets de cette pathologie, que l’on détecte pourtant tardivement relativement aux processus biologiques qui la causent, peuvent s’étaler sur 10 ou 20 ans après les diagnostics20. Comment fixer dans ces conditions ce qui serait la phase avancée ou terminale de la maladie ? Dès le diagnostic, lors de l’apparition de démences, de problèmes de mémoire, d’autonomie, au bout de quelles durées de ces symptômes ou problèmes ?

S’il y a des difficultés à fixer des standards pour ce qui précède la mort dans les fins de vie, il y en a aussi pour appréhender et codifier juridiquement tout ce qui s’ensuit de la mort de quelqu’un. Comme on l’a déjà dit, un décès ne se corrige pas, pas plus que les actes qui ont pu y mener. Pour les vivants qui restent, les erreurs, les regrets et les doutes à son sujet ont donc un poids bien plus grands qu’ailleurs. D’un point de vue plus large, l’ensemble des conséquences d’un décès couvre un spectre qui va du droit (assurance vie, héritage, retraite…) à la psychologie (compréhension, séparation, abandon…). Légiférer sur la fin de vie, et tout particulièrement sur la liberté en la matière, doit donc impérativement prendre en compte deux libertés et non pas une seule : celle de qui veut mourir, et celle des autres, dont l’entourage.

Les normes qui gouvernent ces rapports entre libertés face à la mort volontaire se saisissent peut-être le plus solidement là où ils paraissent les plus ténus, à partir de la liberté au suicide. Celle-ci est fondé dans le droit qu’à chaque personne de disposer d’elle-même et de ses actes, tant qu’elle ne nuit pas à autrui. C’est la séparation des individus des uns des autres et le cloisonnement de certains de leurs actes qui dépénalise le suicide, comme en France. Pourtant, des règles existent à son sujet, qui définissent des impératifs entre les uns et les autres, et que les dispositifs de suicide assisté révèlent en toute clarté.

Ces règles tiennent à la défense systématique des vies humaines, mais aussi à la lucidité des personnes sur leurs actes. Il faut porter secours aux suicidaires, au titre de l’assistance aux personnes en danger21, parce qu’il faut sauver leur vie, mais aussi parce que, secondairement, on n’est pas assuré qu’ils aient la conscience de ce qu’ils font. C’est sur ces deux bases par exemple qu’en France, les transfusions sanguines sont administrées aux témoins de Jehovah même s’ils ont explicitement indiqué leur refus, à condition que leur vie soit en danger et qu’ils soient inconscients22.

La mise en œuvre des suicides assistés suspend la première norme - sur la vie -, mais pas la seconde - sur la conscience: on doit s’assurer de la lucidité des intentions, dans tous les pays qui les autorisent. S’ajoute une troisième norme. Comme les suicides assistés impliquent l’acte et non pas seulement l’observation d’un tiers, les rapports entre les personnes sont contrôlés : aucun jeu d’intérêt ne doit exister, sauf une volonté d’aider ou d’être aidé à mettre fin à ses jours23. On n’a pas le droit de pousser au suicide assisté, pas plus qu’au suicide. La crainte des manipulations amène ici un contrôle extérieur, ce qui peut paraître de bon sens. Mais ce contrôle a une signification cruciale. Il signifie que toute relation contractuelle, tout accord entre personnes, n’est pas automatiquement légal, de telle sorte que sont empêchés les contrats fondés sur des rapports de force ou de domination qu’ils ne feraient que redoubler, et aggraver24. Pas plus que la liberté individuelle de chacun, le jeu des libertés individuelles n’est spontanément garanti.

A ce jeu de normes - liberté individuelle, désintéressement des relations -, s’en ajoute une quatrième dans toutes les législations, celle de l’existence d’une pathologie médicalement constatée chez les personnes désireuses de se suicider, même si les critères de définition de ce pathologique sont parfois très lâches. On peut se demander pourquoi, en principe, du pathologique doit être présent. Pourquoi la seule volonté de se suicider ne légitime pas qu’on se fasse aider pour le faire, si l’accord passé avec l’aidant est lucide et contrôlé ? Les raisons en sont, sans doute, irréductibles à une prudence mal placée. Elles tiennent au caractère fondamentalement politique de tout suicide assisté, qu’il est donc impossible de faire reposer sur les seules libertés individuelles, à moins de renoncer à toute idée de communauté politique, et donc de tout droit. On peut bien sûr l’envisager, mais l’idée même d’un projet de loi serait alors caduque.

Pourquoi penser cela, qu’en est-il exactement ? On peut vouloir se suicider en présence d’autres et grâce à eux pour des raisons matérielles, car on n’est pas capable de le faire sans assistance, pour des raisons d’adoucissement de sa fin de vie également, qui sont parmi les plus fortes invoquées en faveur des aides à mourir. Être accompagné permet de ne pas à avoir à ajouter à l’épreuve de se séparer de la vie celle de devoir préalablement se séparer des autres, pour se cacher. On peut toutefois donner une multitude d’autres raisons : affirmer et donner à voir une liberté d’action, contester l’ordre du monde ou l’ordre social, se venger ou reconnaître ses torts, etc. La sociologie, l’ethnologie ou la psychiatrie documentent de nombreux cas de figure, sans épuiser leurs mystères25.

Le point clé est que rien n’oblige à ce qu’un suicide, assisté ou pas, soit l’effet d’une contrainte : par hypothèse, il peut s’agir d’un acte positif de liberté.

Cette éventualité ne pose aucun problème particulier pour les suicides solitaires ou leurs tentatives. La variété de leurs motifs ne change pas leur valeur légale ou leur incidence politique. Qu’un acte positif de liberté soit lié à un suicide assisté est en revanche gros d’un paradoxe qui le situe en dehors de tout ordre social, politique ou juridique. Les dispositifs d’aide à mourir sont en effet porteurs d’une systématicité sociale, au moins en germe, dont sont au moins dépositaires ceux qui y participent à titre d’aidants : si les uns le font de certaines façons, en admettant certains motifs les uns vis-à-vis des autres, alors ces motifs sont socialement légitimes, répétables, et peuvent faire l’objet d’une institutionnalisation, jusqu’à la routine. Dès lors, tout suicide assisté qui serait l’affirmation, sans autres motifs, d’une liberté à prendre en dehors du monde ou de la société, ou contre le monde et la société en les quittant, reposerait sur l’idée qu’aucune modification de ces derniers n’est possible qui soit satisfaisante ; et supposerait en même temps qu’il faille institutionnaliser et fixer les procédures d’un droit au suicide, contre l’impossibilité même de changer quoi que ce soit. Mais que signifierait donc institutionnaliser une forme de contestation ou de refus se justifiant par l’impossibilité d’un quelconque changement dans telles sociétés ou dans ce monde ? L’acte de se suicider au seul nom de sa liberté peut être une critique radicale, on peut la supposer vraie et la reconnaître, la prendre en compte et essayer de changer les choses à cause d’elle (du point de vue de la portée critique, l’exil serait du même ordre). Mais il s’agit de dynamite pour l’ordre social, et seulement de dynamite, même si on peut la juger efficace ou significative. Ce type d’acte ne peut être formalisé juridiquement sans contradiction, ce que supposerait pourtant l’institutionnalisation du suicide assisté sur la seule base des libertés.

Alors qu’on y fait souvent référence pour le caractère politique des suicides, l’Antiquité grecque ne suivait pas d’autre logique. Les suicides publics dont il est fait mention visaient à contester totalement l’ordre établi, jusqu’à la croyance en la politique et en la société - suicides dont les histoires sur la vie des philosophes cyniques sont l’exemple type26.

Il semble en tous cas illusoire de vouloir faire reposer les aides à mourir sur la simple liberté de conscience des personnes. Bien que celle-ci soit un principe indispensable pour se protéger de toute règle automatique, il est difficile de s’assurer de sa force, en elle-même et par rapport à autrui. Des contrôles experts, mais aussi des lois sont ainsi nécessaires, qui ne peuvent reconnaître la seule existence de la liberté comme fondement d’un droit à mourir, à moins de nier toute valeur au droit lui-même. Quelque chose d’autre doit justifier qu’on vienne en aide pour mourir. Ce quelque chose d’autre est toujours le pathologique, dans toutes les législations existantes, qui vient précisément exclure que ces aides puissent être demandées par un acte de pure liberté27.

De la même manière que considérer les aides à mourir comme un soin semble désorienter systématiquement toute norme d’organisation des systèmes de santé publique, et qu’il faut pour ses raisons considérer ces aides comme la conséquence d’un échec des soins, légiférer sur la fin de vie à partir de la liberté ne semble pouvoir se faire que si la liberté de vouloir mourir repose sur une limitation de la liberté par du pathologique, à moins de se passer du droit. Qu’est-ce que ce pathologique peut ou doit donc être pour justifier l’euthanasie ou le suicide assisté ?

5 L’incurable et l’insupportable, du relatif au relationnel : comment s’accorder sur une limite des soins ?

Sur la nature de ce pathologique, il ne paraît guère utile de s’étendre. Il suffit qu’il consiste en une souffrance incurable pour justifier, évidemment, que l’on désire mourir. Encore faut-il, au vu des pièges, des manipulations, des illusions du jeu entre les libertés s’assurer de cette souffrance et de son incurabilité. On n’avance alors pas du tout, et on se trouve pris dans un cercle vicieux qui va de la nécessité des libertés à leur contrôle, passe par l’incertitude des contrôles experts et revient aux libertés qui s’en trouvent ainsi empêchées ou quasi-empêchées. Ce genre de cercle socio-politique et juridique entre la liberté et la sécurité est assez courant, mais il semble impossible de le défaire autant que face aux fins de vie. Comme la vulnérabilité est à son maximum, les protections se doivent d’être également maximales, alors que la demande peut être d’exposer la vulnérabilité à la mort faute de pouvoir la protéger de la souffrance.

Comment s’assurer de la réalité d’une souffrance incurable, et que l’aide fournie par autrui n’est pas l’effet d’une trahison ou une fatigue ? A cette interrogation, la réponse souvent donnée est éthique. Le savoir d’une personne sur une autre, à la fois objectivant (on sait ce qu’il en est de la pathologie, on sait ce qu’il en est des pratiques soignantes) et enraciné subjectivement (rien n’est tenu comme étant exagéré ou minoré par l’autre), en un mot la confiance entre deux personnes, justifie l’aide à mourir. Chaque époque porte dans ses archives des témoignages de ce type d’accord entre individus - par exemple entre collègues médecins ou entre compagnons d’armes28. Mais leur exemplarité en souligne aussi l’extrême singularité, qui ne peut pas permettre d’énoncer une règle juridique générale à moins de trouver, aussi, une prise définitionnelle sur cette singularité… Et les contrôles de s’imposer, par conséquent, à nouveau, dès que l’on s’écarte des exemples éthiques, valables parce que passés et n’assurant de rien au sujet de l’avenir.

La dyade médecin-malade ne permet pas d’éviter les problèmes posés par les contrôles, leur fiabilité et leurs rapports à la liberté des malades ni, simultanément, de formuler des règles générales solides, là où l’essentiel réside dans l’entente singulière entre personnes.

Toutefois, la recherche de règles communes n’a pas seulement pour but de protéger les gens, alors qu’une aide à mourir est, pour tous, irrémédiable, et qu’une prudence excessive semble alors empêcher, plus ou moins volontairement, par pusillanimité ou pudibonderie, toute mise en œuvre de ces aides. Elle a aussi pour but de produire quelque chose qui vaut pour tout le monde, et qui soit une garantie d’égalité de traitement. Les enjeux ne sont pas que de sécurité ou de protection, l’égalité en est un aussi - tout en étant une condition indispensable à toute protection29. Et de ce point de vue, ce n’est pas seulement la variation des relations intersubjectives qu’il faut craindre, c’est aussi l’absence d’une norme collective claire et stable, dans l’espace et dans le temps. Il serait inadmissible que le droit en matière d’aide à mourir varie au gré de politiques de santé publique systématiquement révisables et réajustées, de la liberté des médecins par rapport à leurs malades ou inversement, au gré des jugements et des rencontres.

Comme on l’a déjà dit, contre cela, le seul moyen d’éviter de telles variations, inégales, injustes et productrices d’un droit précaire, est de faire des aides à mourir non pas un soin, mais une limite du soin. Pourquoi ? Parce que si la souffrance justifie ces aides, celle-là dépend dans sa présence, sa durée et son intensité des moyens de soin existant contre elle et de leur disponibilité. Toute souffrance se définit en relation avec ses soins possibles ; il n’y a pas de souffrance incurable sans impuissance ou absence des moyens de la soigner. S’assurer alors, en l’exigeant, des limites de ces moyens, est tout autant une garantie d’égalité d’accès aux soins pour chaque patient, qu’une garantie que les aides à mourir ne seront pas conditionnées par des considérations politiques flottantes, au cadrage indéfini.

Une question plus claire et apparemment plus médicale peut, sur cette base être posée, qui semble pouvoir relier politique et clinique, et être pour elles un guide partagé : comment poser une limite des soins face à une souffrance, de telle sorte qu’un droit à demander la mort s’ouvre à partir de là ?

Aussi claire qu’on puisse la trouver, cette question semble, tout aussi clairement, rouvrir toutes les portes du paternalisme médical et de l’acharnement thérapeutique. Faudra-t-il donc tester tous les soins, constater leur échec et faire de l’obstination une règle pour établir ce genre de limites ? Pour lever ces craintes légitimes, il convient préalablement de réfléchir à deux choses, au sujet des notions de limite et de soin.

La première est qu’une limite comporte toujours deux côtés, et par l’un de ses côtés, quelque chose qui se poursuit après elle. Un soin ou les soins peuvent atteindre leurs limites, celles-ci n’empêchent pas une suite : d’autres soins, qui peuvent lui-même prendre une pluralité de formes, palliatives ou autres, sont possibles. Ces suites, et c’est le point important, ne sont pas nécessairement médicales, pas plus qu’elles ne sont nécessairement un soin. Elles ouvrent à chaque fois qu’elles sont redessinées à une mise en balance entre le médical et le non médical, le vie au sens biologique et la vie au sens existentiel : alors qu’une thérapeutique ne fonctionne plus, faut-il en choisir une plus agressive ou moins agressive, et comment convient-il de rééquilibrer les traitements avec l’envie de voir ses proches ou de continuer une activité professionnelle ?

Considérer les limites du soin pour y conditionner l’accès aux aides à mourir, c’est pointer les limites de la médecine et que celles-ci se dessinent à partir de plusieurs côtés. C’est pourquoi la médecine peut bien tracer le trait qui marque son impuissance, elle ne se trouve que d’un côté de la ligne : ce qui va au-delà n’est plus son domaine. Autrement dit, les aides à mourir, en tant qu’elles dépendent des limites de la médecine, ne sont pas qu’une question médicale. Au-delà de la médecine, il y a d’autres formes d’interventions et d’autres formes de liberté que les interventions médicales et, si un soin médical atteint sa limite, autre chose que le soin médical peut lui succéder. C’est une des raisons pour lesquelles les patients peuvent arrêter les soins médicaux, ce qui doit être inclus ou répété dans toute loi au sujet de la fin de vie ; et c’est la raison, politique et éthique, pour laquelle rien n’empêche de faire de l’euthanasie ou des suicides assistés des actes non médicaux. La limite des soins n’est que partiellement médicale, les médecins doivent en juger en partie, mais n’ont pas d’obligation de les faire, et d’autres qu’eux le peuvent.

La notion de soin doit, deuxièmement, être elle-même précisée. En effet, si un type de soin peut échouer et être arrêté, il n’est pas sûr que cela soit vrai des soins, et donc du soin en général. Les soins pourraient se transformer sans jamais cesser. Après les thérapies, les soins palliatifs, l’aide à mourir qui soulage peuvent être un soin, et même la mort une fois advenue n’empêche pas celui-ci, par le soin donné aux cadavres et aux endeuillés. Ces idées ne tiennent cependant qu’à un usage de la signification la plus large, qui est aussi la plus ancienne, du terme de « soin », qui permet de l’assimiler à un souci ou à une maintenance - comme on peut prendre soin de sa voiture ou de son ordinateur30. Soigner, c’est maintenir les choses en l’état et en s’en souciant, et on peut toujours le faire, en passant d’une chose à l’autre31. Par rapport à cette idée générale et fort vague, le soin médical est cependant un soin particulier, par ses procédés et ses objets. Il s’occupe de la vie, de la santé et de l’absence de souffrance, ce dont la distinction entre médical et paramédical est une expression32. Les limites de la médecine sont atteintes lorsqu’elle ne peut plus garantir l’une de ces trois choses, mais d’autres choses, dans les existences humaines, peuvent être à maintenir, qui ne sont cependant pas ses objets directs : les relations à autrui, la dignité, un emploi, etc.

Les limites tracées par la médecine ne disent en elles-mêmes rien de ce qui se trouve de l’autre côté et qui contribue également au tracé, et le soin médical n’est qu’un soin possible, qui doit s’articuler avec d’autres choses.

Autrement dit, et même si cela peut paraître complètement paradoxal, il serait complètement absurde et illogique de demander à la seule médecine d’être comptable de ce que sont les limites des soins, médicaux et non-médicaux. Une partie de la réponse doit venir d’en dehors d’elle. Elle ne peut pas du tout les fixer objectivement, et ces limites s’inscrivent nécessairement dans des relations entre du médical et du non médical.

En arriver là n’est pas revenir au problème de la conciliation entre expertise objective et liberté individuelle, dont l’articulation est au fondement du projet de loi actuel. Pourquoi ? Parce que, pour en reprendre les termes clés et leur appliquer les analyses précédentes, il n’y a pas et il ne peut pas y avoir que de l’objectivité dans la définition de l’ « incurable » et il ne peut pas y avoir que de la liberté dans la définition de l’« insupportable ».

L’incurable, bien sûr, se définit par relation entre une pathologie et une technique médicale, où celle-ci se révèle impuissante. Mais si, objectivement, le propre d’une pathologie incurable est de rester présente malgré les traitements, elle n’est quelque chose qui appelle une cure que si elle fait également souffrir - pathologie. On peut ne pas soigner ce qui, médicalement, est en tout ou partie incurable, si on ne juge pas important comme, suivant les personnes, les rides, la faiblesse musculaire ou le daltonisme.

L’insupportable paraît, quant à lui, indéfinissable sans subjectivité : certains supportent ce que d’autres ne supportent pas. Mais il n’a lui même sa nature particulière que si on ne peut pas s’en débarrasser : si l’on ne peut pas porter l’insupportable, c’est qu’on ne peut pas non plus le jeter. Il ne peut donc pas y en avoir sans une part d’objectivité de celui-ci.

Point de relativisme infini ici, qui serait causé par un rapport entre subjectivité et objectivité, liberté et science, et que l’on ne pourrait donc accompagner que par une régulation ou des discussions politiques sans cesse à reprendre, sans qu’on puisse savoir ni comment et ni pourquoi. Il y a une relation permanente et à tous les niveaux entre le subjectif et l’objectif, au sein de l’objectif et du subjectif eux-mêmes, ce qui n’est pas du tout la même chose et ne produit pas du tout la même relativité : où de l’objectif se trouve toujours dans le subjectif et inversement. Une souffrance insupportable a une source objectivable, identifiable et partageable, même si cette source ne suffit pas à la rendre insupportable. Un processus biologique n’est incurable que parce que et si on décide de le soigner, et pas seulement parce qu’il est irréversible ou non modifiable33.

Il n’y a pas ainsi dans l’établissement des limites du soin médical de constat scientifique qui contraigne à certaines réactions ou de vécu dont on ne puisse discuter de la teneur et de ses causes, pas de discussion que l’on devrait pouvoir réduire à un affrontement des libertés (devoir de soin versus droit au suicide) ou à des effets d’expertise (efficacité des remèdes possibles versus réalité de l’incurabilité). Il y a une liaison qui doit être faite entre les vécus et les savoirs, par les personnes en souffrance comme par les soignants, sur des bases communes où, imparfaitement mais rigoureusement, le vécu peut être lié aux choses, et ce qui est tenu pour établi peut être lié à ce qui est vécu. Lorsque ce qui est jugé incurable se lie à ce qui est établi comme insupportable, alors c’est que les limites d’un soin médical sont atteintes, ouvrant à d’autres soins, médicaux ou non. Dans l’établissement de ces limites, on ne peut jamais séparer l’objectif du subjectif, le savoir du vécu, on ne peut en faire séparément des parts dont ensuite on pourrait discuter de l’unité. On ne peut que tomber d’accord, à tâtons et progressivement sur la teneur et la réalité de leur liaison, du côté des soignants comme des malades. Sur l’établissement de limites des soins médicaux, les médecins ne tâtonnent pas nécessairement parce qu’ils sont précautionneux et valoriseraient implicitement la cure, et les patients n’hésitent pas fatalement parce qu’ils sont ignorants et plus ou moins attachés à la vie. Il faut que tous fassent l’expérience là de quelque chose qui n’est ni subjectif, ni objectif, mais qui, parce qu’il repose sur la stabilité d’une relation entre ces deux pôles qui les fixe l’un à l’autre, devrait être appelé « absolu », à condition de ne pas voir dans ce terme quelque chose d’intuitif et de simple, mais de comprendre que cet absolu des limites du soin est atteint petit à petit, par des discussions. Absolues, ces limites le sont aussi en pratique, parce qu’elles obligent les soignants comme les malades à envisager autre chose que ce qu’ils faisaient auparavant.

En pratique en effet, qu’en-est-il ? Caractériser de la sorte les limites du soin médical comme un absolu n’est pas un exercice d’éclaircissement du vocabulaire. On y arrive à partir de la nécessité de fixer une forme à ce type de limites, si l’on veut légaliser des aides à mourir sans se perdre par l’absence de normes pour les politiques de santé publique, ni se trouver pris dans l’affrontement sans fin des libertés, ou dans le cercle vicieux des protections et des libertés.

Cet absolu des limites du soin est aussi une expérience réelle, par laquelle elles apparaissent et existent, que l’on pourrait peut-être résumer par l’idée d’impuissance, à laquelle on finit par arriver et par se résoudre. « C’est ainsi ».

Et c’est aussi une norme : on peut ne pas la rechercher. Du côté des soignants, une lutte technique contre la pathologie au sens réduit de biologique reste toujours possible, déraisonnable peut-être, mais pas irrationnelle : il y a toujours des probabilités pour que quelque chose fasse effet sur un processus biologique. Du côté des malades, la présence de la souffrance peut ne pas ou ne plus être questionnée : la seule variation possible peut paraître être celle de la mort. Face à cela, la norme est ce qui doit rechercher à être respectée. Il est question de droit. Parler des limites du soin médical comme absolues n’est ni croire que tout le monde va s’en soucier, ni que tout le monde va tomber d’accord au sujet de chaque situation. C’est affirmer qu’il faut les rechercher sous cette forme-là, identifier et régler les conflits à partir de cette forme-là, si l’on veut établir des règles de l’aide à mourir qui soient garanties, égales et également accessibles entre les personnes, entre les médecins, dans le temps et l’espace, à partir d’un droit, solidement établi, opposable, parce qu’il est bien défini, donc limité.

En pratique toujours, mais aussi en théorie, de telles limites du soin ne justifient cependant pas, à elles seules, la légalisation d’aides à mourir. Elles justifient le passage d’un soin médical à un autre soin médical, l’arrêt de ce type de soin, mais rien d’autre en dehors de cela, c’est-à-dire en dehors des soins palliatifs. Faut-il aller jusqu’aux aides à mourir, pourquoi et comment ?

6 Souffrance et absence d’autonomie : de l’une à l’autre dans l’aide à mourir

Les idées précédentes amènent à des positions proches de celles de la loi française actuelle sur la fin de vie, la loi dite Claeys Leonetti telle que révisée en 201634. On peut identifier plus particulièrement deux éléments de proximité, où le second soulève également des difficultés importantes, à partir desquelles on pourrait souhaiter et proposer une transformation profonde de cette loi.

Parmi les éléments de proximité avec les analyses précédentes, le premier touche à la collégialité imposée par la loi Leonetti pour les décisions de limitation ou d’arrêt des traitements qui concernent des patients incapables de s’exprimer, où doivent être impliquées des équipes de soignants, et des proches de ces derniers. Cette collégialité semble absolument nécessaire, certes à des fins de prudence et de contrôle, mais avant tout parce que les limites des traitements et les impuissances qui en sont les conséquences ouvrent sur des considérations non médicales, où la pluri-disciplinarité des soignants est donc requise, tout comme la pluralité plus générale des regards. On peut déplorer, une fois de plus, que le projet de loi actuel n’ait ni cette prudence, ni cette intelligence. Il fait reposer les procédures d’aide à mourir sur des échanges peu nombreux entre individus eux-mêmes peu nombreux, et non plus entre collectifs, en autorisant également les consultations en visioconférence35. Certes, le patient, dans le projet de loi actuel, peut être conscient, ce qui peut justifier de ne pas multiplier les consultations. Mais deux choses sont, encore une fois, à distinguer : le droit de refuser un soin, établi depuis la loi Kouchner de 2002 et qui ne fait donc pas juridiquement problème ; l’affirmation de limites des soins telles qu’une aide à mourir puisse être justifiée face à l’incurable et à l’insupportable. De telles limites ne peuvent être établies qu’au croisement de différentes perspectives, dont celles des patients et celles des médecins. On peut craindre que, sans collégialité, l’arbitraire, l’opposition et la partialité possibles de ces perspectives puissent plus facilement apparaître, et plus difficilement être résolus ou dénoncés.

Le second élément de la loi Claeys Leonetti que l’on peut trouver très pertinent, et en même temps trop limité, concerne les critères retenus afin que puissent être mis en œuvre une limitation et un arrêt des traitements pour les malades incapables de s’exprimer. Parmi eux, l’inutilité de ceux-ci (leur inefficacité) et leur disproportion (l’écart défavorable entre leurs bénéfices et leurs inconvénients). Ces deux points de repère ne sont ni tout à fait objectifs, ni tout à fait subjectifs : ils correspondent à la recherche de ce qu’on pu appeler plus haut une limite « absolue » des soins médicaux.

Mais un autre critère est également présent dans cette loi, celui qui peut faire difficulté : celui de l’imminence de la mort, lorsque « le pronostic vital est engagé à court terme »36. Ce critère doit être considéré lorsque le patient peut exprimer sa volonté et que peut être envisagée une sédation profonde et continue jusqu’au décès, qui ne soit pas seulement un arrêt des soins ou la mise en œuvre de soins palliatifs. Il faut d’abord souligner que la signification vague de sa formulation - « court terme »est une qualité et pas un défaut. Tout en étant sans équivoque, elle requiert également un jugement qualitatif, qui empêche les décalages incessants des critères temporels, jour par jour, ou semaine après semaine, que provoquerait toute formulation juridique explicitement quantitative. Chacun sait ce qu’est le court terme, et ce court terme peut varier en fonction des cas. Ainsi, là encore, la loi Claeys-Leonetti implique qu’il faille élaborer, pour chaque cas, une jonction entre le subjectif et l’objectif, sans que l’un ou l’autre ait la priorité ou qu’ils puissent être opposés dans un face à face sans fin. A contrario, le projet de loi actuel s’expose à une variabilité illimitée des critères temporels qui donneraient accès aux aides à mourir, non pas en ayant commis l’erreur de fixer des critères temporels quantitatifs, mais celle d’en proposer plusieurs de type qualitatifs, dont l’un ne peut faire l’objet d’aucun consensus minimal, ni médical, ni même sémantique, celui de « phase avancée ».

On peut déplorer l’étroitesse de ce critère de décès à court terme, tel qu’il est formulé dans la loi Claeys-Leonetti, et même dans le projet de loi actuel, malgré le caractère informe de ce dernier sur ce point. Des plaintes multiples, à l’origine des tentatives de réforme actuelles, se sont en effet élevées, alors que certaines souffrances insupportables et incurables peuvent être provoquées par des maladies chroniques ou invalidantes, sans cependant provoquer la mort à court terme, ni mettre les malades hors d’état d’exprimer leur volonté. Si des soins médicaux permettent d’arrêter le cours mortel d’une maladie sans que l’on en meure et bien que l’on en souffre, n’est-elle pas incurable et insupportable, incurable parce qu’insupportable, et insupportable parce qu’incurable ?

On trouvera peut-être étrange de poser précisément cette question à la fin d’un propos aussi long, alors qu’on pourrait la tenir comme étant la question principale à poser dès le début. La voilà qui semble dissoudre en effet, par sa seule énonciation, tous les raisonnements précédents sur le système de santé, les expertises, la liberté, l’insuffisance de la subjectivité, la possibilité de fixer des limites absolues aux soins médicaux, etc. La souffrance par rapport à une maladie n’est-elle pas toujours « absolue », sans qu’il soit besoin d’aller chercher plus loin et de ratiociner ?

Mais s’efforcer de fixer des limites définissables au soin, « absolues », n’a pour but ni de déposséder les personnes de leur définition, ni de rassurer, par une sorte de prudence, face aux aides à mourir, en permettant de les limiter au maximum. Car il ne s’agit pas de ne pas avoir peur, mais de permettre l’exercice des libertés en garantissant l’égalité de soin, de traitement, tout en protégeant les personnes vulnérables sans leur interdire au nom de cette vulnérabilité l’exercice de leurs droits. Et puisque la liberté est en jeu, l’attention à l’exercice de celle-ci doit aussi se porter sur ce qu’elle fait aux rapports ou dans les rapports entre maladie et souffrance - et cela, jusqu’aux limites de cet exercice de la liberté qui indiquent, simultanément, celles du soin, lorsque les choses deviennent « insupportables ». L’insupportable, qui permet de définir les limites de la médecine, est aussi une souffrance de (ou par) la liberté.

A prendre les choses par ce bout, il faut se demander si on a raison de discuter des aides à mourir en mettant en avant la souffrance et la manière dont elle lie incurable et insupportable. Le véritable intermédiaire, tout aussi sombre que la souffrance, pourrait bien être la perte de la liberté. Celle-ci pourrait aussi justifier les aides à mourir - dans le cas des maladies chroniques et invalidantes, et aussi plus généralement. Car, face à la souffrance, il y a le palliatif, le soulagement. Mais que peut-on face à la perte de liberté ? En quoi consisterait-elle ?

Il y a toujours plusieurs manières de supporter la souffrance. On peut rester, parfois, en sa présence, tenter, le plus souvent, de la chasser. Pour y réussir, les soins, y compris palliatifs, la médecine en général ne sont pas les seuls moyens. On peut aussi faire varier son attention sur elle - s’y concentrer ou l’oublier37 -, la mettre en balance avec ce qu’il est possible de faire malgré elle, malgré aussi ce qu’elle peut amener à faire pour qu’elle soit supportable et qui est aussi aménageable dans une certaine mesure (les effets secondaires des médicaments en sont l’exemple le plus simple). Beaucoup de manières d’exister en souffrance sont envisageables, que peuvent résumer le grand nombre de manières de dire comment l’on situe la souffrance que l’on vit : face à elle, malgré elle, contre elle, en elle, à côté d’elle, à ses côtés…

La souffrance insupportable est celle où aucune des réactions possibles face à elle ne la rend supportable ; où, comme on l’a déjà dit, on ne peut pas la porter parce qu’on ne peut pas non plus s’en débarrasser. C’est dire qu’il n’y a pas de souffrance de ce type qui ne soit, simultanément, pathologie objective du corps ou de l’esprit et pathologie de la liberté : souffrance absolue, là encore, où les soins, médicaux ou autres, peuvent rencontrer leurs limites, mais où la liberté rencontre les siennes également.

De là s’explique sans doute que l’attention portée à la liberté des personnes en souffrance puisse parfois rendre celle-ci à nouveau supportable. Le non-recours au suicide assisté, à l’euthanasie ou, en France, aux limitations et arrêts de traitement après que la demande en ait été formulée et acceptée en est un exemple frappant38. Suivant cette perspective, si la souffrance extrême semble être actuellement un problème de plus en plus récurrent, et que la mort semble être une solution dont la pertinence est de plus en plus reconnue, la raison n’est est sans doute pas uniquement dans les progrès de la médecine qui prolongerait excessivement les vies. C’est aussi parce que la liberté par rapport à la souffrance et à ses soins peut devenir faible voire inexistante, y compris et surtout dans les institutions de soin, régulièrement secouées par des scandales, qui parcourent les EPHAD, les hôpitaux psychiatriques et les centres pour personnes handicapées. L’aide à mourir, en tant qu’elle est liée à des souffrances insupportables, est liée plus largement aux libertés que permettent nos institutions de soins, et sans doute au-delà, aux libertés que nous permettent nos sociétés.

On peut se demander s’il ne conviendrait pas, à partir de là, de faire de la perte de la liberté le critère principal de tout droit à se faire aider à mourir, et non pas, directement, la souffrance, puisque ce n’est pas la souffrance, mais l’impuissance face à elle, donc l’impuissance de la liberté face à la souffrance, qui importe. Mais comment ne pas faire de la mort le seul pivot des aides à mourir ? N’est-ce pas faire à nouveau de celles-ci une sorte de liberté fondamentale, à laquelle on ne pourrait valablement s’opposer, tout en obligeant à la coopération ?

Ce qui gêne, c’est que l’on croit qu’il y aurait une différence entre souffrir par perte de sa liberté, et souffrir d’une perte de liberté causée par une douleur. Dans un cas, il y aurait subjectivité et arbitraire, dans l’autre une part minimale d’objectivité, permettant de poser des jugements, des règles, etc. Pourtant, l’autonomie est objectivée, souvent, par la médecine et par nos sociétés : pour les personnes handicapées, les personnes âgées, les enfants. La question qu’il faut se poser est alors la suivante : n’y aurait-il pas des pertes d’autonomie correspondant, elles aussi, à une limite de ce qu’il est possible de faire pour y remédier ? On perçoit la difficulté : des interventions sociales en faveur de l’autonomie paraissent toujours possibles, sinon par des rééducations, au moins par des prothèses et des aides - humaines ou robotiques. Il n’y aurait pas, en matière d’autonomie, le point de butée qu’est la mort biologique. Mais, si l’autonomie se définit par la capacité d’agir par ses propres moyens, donc corrélativement par la capacité d’initier une action, que penser de la liberté de celui ou de celle qui, pour faire comprendre jusqu’à ses intentions, doit passer par des appareils, la présence d’autrui et l’accord d’autrui pour agir, partout et tout le temps, pour tout faire (hormis manifester ses intentions…) ? On peut croire qu’il y a là une limite non pas seulement, objective, non pas seulement subjective, mais tout aussi absolue que celle de la souffrance provoquée par la quasi survenue de la mort, celle de la quasi absence de liberté.

Il y a là tout un chantier à ouvrir, mais qui nécessiterait de très amples développements, beaucoup de recherches, de discussions et d’attention. Alors qu’elles sont tout autant exposées à la vulnérabilité, à la faiblesse et aux défauts des institutions que les malades et les mourants, ce sont toutes les personnes dépendantes et handicapées qui seraient ici concernées par un tel droit, et l’exigence de le formuler avec la plus extrême rigueur. Alors que le problème de la perte d’autonomie fait partie de ceux qui ont poussé à la rédaction du projet de loi actuel, une réflexion poussée serait souhaitable.

Souhaitable, elle n’en devrait pas moins être très encadrée, sans jamais négliger l’extrême rigueur des principes à établir pour que soit codé un droit aux aides à mourir. Si celles-ci, notamment, pourraient être liées à une absence d’autonomie, c’est bien dans la mesure où cette absence ne saurait avoir aucun remède - où tout essai de liberté ne pourrait être initié sans le jugement et l’accord préalable des autres. De même, sur l’absoluité d’une souffrance physique ou psychique, il faut tenir à la connaissance médicale du caractère incurable de l’insupportable. Connaissance médicale du moment, certes, donc imparfaite et devant être collégiale et publique, mais connaissance tout de même, devant engager une forme de certitude et de responsabilité. Car, malheureusement, des souffrances durables, parfois longuement vécues comme étant totalement insupportables et de fermes désirs de mort peuvent cesser d’eux-mêmes ou par le temps du traitement. La psychiatrie en est familière, d’où l’incertitude qui devrait être quasiment de règle dans son domaine39. Car hélas, le temps est incertain : il ne dit rien de ce qui peut se passer, et il faut donc s’assurer que, dans l’état de ce que l’on sait, des causes précises font qu’il ne se passera plus rien ; que, aussi, ce qui entre de fatalité et d’inconnu dans un aide à mourir ne soit pas seulement le résultat d’un constat, mais comporte aussi une part de libre choix de la cessation - soit, au sens strict, un consentement, forme limite mais vraie de la liberté.

Que ces repères ne soit pas complètement objectivables n’est pas un problème, ni dans un sens, ni dans l’autre. Qu’ils soient aussi restrictifs est sans doute beaucoup plus grave. Mais, face à la mort, il serait dangereux de croire à de bonnes solutions, ou à une parfaite maîtrise individuelle ou collective. Il vaut mieux participer à ses œuvres contraints par elle, et donc rarement.

Il ne suffit pas en tous cas ni d’en appeler à la liberté face aux vertiges que provoquent ses jeux infinis face à la mort et à la souffrance, et ainsi de fuir ces vertiges, ni de croire en l’efficacité de définitions expertes révisables, face à l’impossibilité d’établir une science de ce qui ne peut-être que presque là, le moment de la mort ou la perte totale d’autonomie. Il faut, si l’on veut faire une loi à ce sujet et ne pas compter seulement sur l’éthique, garantir l’égalité de tout le monde dans l’usage d’un droit à mourir, en termes de protections et en termes de conditions. Cela passe par des normes claires pour la gouvernance des systèmes de santé publics et par une distinction tout aussi claire entre liberté au suicide et réglementation des suicides assistés. Les aides à mourir ne peuvent être qu’une limite des soins médicaux, voire des soins tout cours - elles sont un enjeu politique de liberté et d’égalité -, sous peine de nous égarer durablement.

Les idées ici exprimées n’engagent que leur auteur.

1Le projet de loi initial, « Proposition de loi relative à la fin de vie, n° 1100, déposée le mardi 11 mars 2025 » est consultable sur le site internet de l’Assemblée Nationale à l’adresse : < https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/17/textes/l17b1100_proposition-loi >

2Voir par exemple Louis-Charles Viossat, « Géopolitique de la mort : cartographier le débat sur la fin de vie », Le Grand Continent, 31 mars 2025 < https://legrandcontinent.eu/fr/2025/03/30/geopolitique-de-la-mort-cartographier-le-debat-sur-la-fin-de-vie/ >.

3Loi n° 2002-303 du 4 mars 2002 relative aux droits des malades et à la qualité du système de santé, article 11 < https://www.legifrance.gouv.fr/jorf/id/JORFTEXT000000227015/ >

4Voir notamment la Convention relative aux droits des personnes handicapées, adoptée par l’ONU en 2006, qui est une des origines et une des expressions de ces transformations légales, sociales et politiques < https://www.ohchr.org/fr/instruments-mechanisms/instruments/convention-rights-persons-disabilities >

5Voir la page dédiée, datant de mai 2024, mais dont les positions s’appliquent au projet de loi actuel : < https://cncph.fr/fin-de-vie/ >

6Voir la position du Collectif Handicaps qui regroupe ces associations et d’autres publiée le 31 mars 2025 : < https://www.collectifhandicaps.fr/nos-revendications/handicap-fin-de-vie-le-collectif-handicaps-adresse-ses-positions-et-propositions-actualisees-a-lassemblee-nationale/ >

7Voir leur publication du 5 mai 2025 : < https://clhee.org/2025/05/05/fin-de-vie-un-projet-de-loi-deletere-et-validiste/ >

8Voir leur communiqué de presse du 15 mai 2025 : < https://lesdevalideuses.org/projet-de-loi-aide-a-mourir-communique-de-presse/ >

9Le projet de loi n’ignore pas qu’il lève - ou qu’il affronte - cet interdit, puisqu’il ancre dans son article 2 la légalité de l’aide à mourir dans l’article du Code Pénal 122-4 qui pose l’irresponsabilité ou l’atténuation de la responsabilité.

10Voir par exemple, Irma H. Hein, Peter W. Troost, et al. « Why is it hard to make progress in assessing children’s decision-making competence? », BMC Medical Ethics, 16:1 2015 (< https://doi.org/10.1186/1472-6939-16-1 >

11Theo Boer, « L’euthanasie légale et l’argument de la pente glissante », Cahiers de l’Espace Éthique, Fin(s) de vie, s’approprier les enjeux d’un débat, Paris, Espace Ethique d’Ile de France, 2023, p. 84-85 < https://www.espace-ethique.org/sites/default/files/cahier_special_fdv_web_v2.pdf >

12Voir, notamment au sujet du Canada, les perspectives proposées dans Pascal Favre et Yves -Marie Doublet, « Les non-dits économiques et sociaux du débat sur la fin de vie », Paris, Fondapol, 2025 < https://www.fondapol.org/etude/les-non-dits-economiques-et-sociaux-du-debat-sur-la-fin-de-vie/ >.

13Giovanna Marsico, « Crainte de la pente glissante : le débat actuel sur la fin de vie mérite des arguments solides », Cahiers de l’Espace Ethique, Fin(s) de vie…, op. cit. p. 83 < https://www.espace-ethique.org/sites/default/files/cahier_special_fdv_web_v2.pdf >.

14Voir par exemple, Alain Supiot, La gouvernance par les nombres, cours au Collège de France (2012-2014), Paris, Fayard, 2015.

15« La loi est partie intégrante de la vie sociale d’une communauté et sa nature est éminemment évolutive, dans le respect des processus qui l’encadrent. Cela n’indique pas en soi le caractère nocif des évolutions dès lors qu’elles sont le fruit d’un processus démocratique. », Crainte de la pente glissante…, Cahiers de l’Espace Éthique, Fin(s) de vie…, op. cit. p. 84. 

16Il n’y a pas d’autres mentions des questions de discernement ailleurs que dans l’article 6 du projet de loi.

17Voir, entre autres, les articles L3211-2-2, L3212-1 et L3212-4 du Code de la Santé Publique.

18Voir sur cette question et sur bien d’autres, Vladimir Jankélévitch, La mort, Paris, Champs-Flammarion, 1977.

19Recommandation de bonne pratique de la Haute Autorité de Santé, « Pronostic vital engagé à moyen terme/phase avancée », mise à jour du 6 mai 2025 < https://www.has-sante.fr/jcms/p_3529685/en/pronostic-vital-engage-a-moyen-terme/phase-avancee >

20Voir par exemple Valérie Lefebvre des Noettes, « Fins de vies ou vies sans fin des personnes âgées en Soins de Longue Durée ? », Gérontologie et sociétés, 2021, p. Vol 43, n°164.

21Article 223-6 du Code Pénal.

22Les jugements sont constants à ce sujet, voir par exemple sur le site de l’APHP celui de la Cour administrative d’appel de Bordeaux, 20 octobre 2022, n° 20BX03081 (Transfusions sanguines, Consentement, Réitération, Patient conscient, Actes indispensables et proportionnés, Urgence). D’autres jugements peuvent y être consultés sur le même site < https://affairesjuridiques.aphp.fr/textes/cour-dappel-de-bordeaux-20-octobre-2022-n-20bx03081-transfusions-sanguine-consentement-reiteration-patient-conscient-actes-indispensables-et-proportionnes-urgence/ >

23Voir en particulier le droit Suisse, Alexandre Mauron, « L’assistance au suicide en Suisse : ses particularités éthiques et historiques », Droit et Culture, 2018, n°75 < https://doi.org/10.4000/droitcultures.4424 >

24Sur cette idée cruciale, Alain Supiot, Homo Juridicus, Essai sur la fonction anthropologique du droit, Paris, Seuil, 2005.

25Pour les perspectives sociologiques et ethnologiques sur la question, leurs apports et limites, voir Christian Baudelot et Roger Establet, Suicide, l’envers de notre monde, Paris, Seuil, 2006.

26Voir Kevin Peytral, Le suicide en Grèce ancienne. Thèse pour le doctorat en Histoire, Université Paris-Est, 2021 < https://theses.hal.science/tel-03648480v1 >

27C’est un point clé, dont on peut regretter que certains points de vue libéraux sur le suicide assisté ou l’euthanasie le prennent pour une évidence, ce qui leur permet de limiter immédiatement leur libéralisme aux personnes malades, sans plus d’explication. Par exemple : Ruwen Ogien, La vie, la mort, l’État, le débat bioéthique, Paris, Grasset, 2009.

28Anne Carol, Les médecins et la mort, XIXème-XXème siècle, Paris, Aubier, 2004, où il est fait référence l’archive d’un journal de guerre désormais publié, Lucien Laby, Les carnets de l’aspirant Laby, médecin dans les tranchées, 28 juillet 1914-14 juillet 1919, Paris, Fayard, 2013.

29L’attention portée à la signification et à la teneur des demandes de fin de vie, que l’on peut trouver beaucoup plus grande que pour les autres types d’intervention pour les malades, s’explique à la fois par l’irréversibilité irrémédiable qui les caractérise et par la nécessité d’y garantir une égalité de traitement. Les critiques qui sont faites de cette attention poussée, au nom de la liberté, et contre un moralisme sous-jacent, ignorent l’un et l’autre de ces points (Pour un exemple de ces critiques, Ruwen Ogien, Entretien, Bioéthique…, La Vie des idées, op. cit.

30Voir l’article « Soin » du Dictionnaire Historique de la Langue Française, Ed. Le Robert, Paris, 2007.

31C’est le fondement des analyses du soin qui prétendent en faire un fondement philosophique. Voir par exemple Frédéric Worms, Le moment du soin: à quoi tenons-nous ?, Paris, PUF, 2010, ou, en rapport avec les éthiques du care ou de l’attention, Marie Gaille, En soutien à la vie, éthique du care et médecine, Paris, Vrin, 2023.

32C’est notamment par l’introduction systématique d’autres notions comme le travail, l’habileté ou les performances sociales que sont différenciés les professions et les domaines médicaux et paramédicaux. Les ergothérapeutes sont, par exemple, considérés comme des soignants paramédicaux, et s’occupent fréquemment de personnes handicapées dont les problèmes ne sont pas que médicaux mais aussi médico-sociaux. Les handicaps touchent aux revenus, aux capacités d’action, et ni seulement, ni directement, à la vie et à la santé.

33Sur cette idée fondamentale, Georges Canguilhem, Le normal et le pathologique, Paris, PUF, 1984.

34Sur tous les points qui concernent dans ce qui suit la loi Claeys Leonetti, voir les analyses et commentaires sur le site du conseil de l’Ordre des Médecins de l’article (article R.4127-37-2 du Code de la Santé Publique) < https://www.conseil-national.medecin.fr/code-deontologie/devoirs-patients-art-32-55/article-37-2-limitation-arret-traitement >, ainsi que les modifications apportées par la loi n° 2016-87 du 2 février 2016 créant de nouveaux droits en faveur des malades et des personnes en fin de vie < https://www.legifrance.gouv.fr/jorf/id/JORFARTI000031970295 >

35Article 6 du projet de loi.

36Article 3 de la loi n° 2016-87 du 2 février 2016 créant de nouveaux droits en faveur des malades et des personnes en fin de vie.

37Sur ces deux techniques possibles de lutte contre la souffrance, voir Max Blecher, La tanière éclairée, Paris, Éditions Maurice Nadeau, 1973 et Suzanne Fouché, J’espérai d’un grand espoir, Paris, Éditions du Cerf, 1981.

38Pour une illustration simplement statistique, voir l’écart entre les prescriptions de substance létale et usage de celle-ci en Orégon, Oregon Death with Dignity Act, Data Summary, 2022 < https://www.oregon.gov/oha/PH/PROVIDERPARTNERRESOURCES/EVALUATIONRESEARCH/DEATHWITHDIGNITYACT/Documents/year25.pdf > Pour la présentation d’un cas, voir Margaux Frejoux. Peut-on ne plus vouloir vivre, sans vouloir mourir ? : ou comment accompagner les revirements d’une patiente en phase palliative. Médecine humaine et pathologie, Mémoire pour le DU Soins Palliatifs et Accompagnement, 2021 < https://dumas.ccsd.cnrs.fr/dumas-03409461v1 >

39Voir, directement en rapport avec les débats actuel sur la fin de vie Geert Hoornaert, « Euthanasie pour souffrance psychique, errance mortelle », Cahiers de l’Espace Éthique, Fin(s) de vie…, op. cit. 2023, et plus largement François Tosquelles, Le vécu de la fin du monde dans la folie, le témoignage de Gérard de Nerval, Paris, Jérôme Million, 2012.

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