Ce billet biblique ne sera pas reçu par les abonné-e-s de Témoignage Chrétien ce jeudi : il a été censuré par Bernard Stéphane, directeur du journal, directeur de la rédaction avec Jean-Pierre Mignard, l'ami du président et de Ségolène Royal, l'avocat d'EDF et Christine Pedotti. Ce alors que la direction du journal licencie un à un tous les membres de la rédaction (pigistes compris) et que celle-ci est en train de s'organiser avec les lecteurs, les amis et les collaborateurs pour tenter de sauver le journal. A deux, nous avions rencontré Bernard Stephan pour lui proposer une médiation qui arrête cette escalade fratricide, et ce billet appuyait cette idée. Le jour du rendez-vous, Bernard Stéphan envoyait la lettre de licenciement à Philippe Clanché, depuis 19 ans dans le journal, figure respectée de l'information religieuse française et refusait de prendre mon appel pour lui demander sa réponse à notre offre de médiation. "Suis-je le gardien de mon frère ?" répond Caïn à Dieu après qu'il ait tué Abel, appel lancé par la direction de TC il y a quelques temps. Prémonitoire. La lutte pour la résistance spirituelle vivante continue. Elle est née dans des périodes où l'ombre était bien plus forte. Des infos sur le Facebook : Pour que vive Témoignage Chrétien.
1 corinthiens 9, 19-23.
Car, bien que je sois libre à l’égard de tous, je me suis fait l’esclave de tous, afin de gagner le plus grand nombre. Avec les Juifs, j’ai été comme un Juif, afin de gagner les Juifs ; avec ceux qui sont sous la loi, comme quelqu’un qui est sous la loi, afin de gagner ceux qui sont sous la loi – et pourtant moi-même je ne suis pas sous la loi ; avec les sans-loi, comme un sans-loi, afin de gagner les sans-loi – et pourtant je ne suis pas un sans-loi pour Dieu, je suis lié par la loi du Christ. J’ai été faible avec les faibles, afin de gagner les faibles. Je me suis fait tout à tous, afin d’en sauver de toute manière quelques-uns. Et tout cela, je le fais à cause de la bonne nouvelle, afin d’y avoir part.
Faire ou pas la chronique biblique dans ce que vit TC ? Un réflexe pourrait être de se dire comme Paul au début que tout cela ne me regarde pas : je suis libre à l'égard de tous, je la fais normalement. Parler de l'importance de la prière pour soigner les orgelets et de la justice pour la Grèce, mais ignorer ce qui se passe ici. Pas mon genre...
Mon premier réflexe – qui m'a amené à relayer la chronique de l'AJSTC sur mon blog de Médiapart et à signer l'appel des anciens - fut de boycotter ou d'écrire une méchante fable qui aurait mis en scène un Pharaon Bernard et un Jean-Pierre Hérode. Utiliser cette chronique comme une tribune pour ceux avec qui spontanément je me solidarise : je me fais journaliste de TC, syndiqué du SNJ, moi qui le fut, en particulier avec ceux – Philippe, Benjamin...- qui de plus sont mes amis. Réflexe d'amitié, de classe, de génération... Et puis avec un peu de chance, elle aurait été censurée, ou mieux, il aurait été trouvé un homonyme – un Sylvain Lavignotte signant S. Lavignotte – et j'aurais pu crier au scandale, au martyr... ça c'est bon, ça donne de l'importance... J’entends déjà Paul se moquer de moi : « outre pleine de vent » !
Paul pourrait faire cela. Lui qui a abandonné la loi, qui la déteste désormais autant qu'il en a été le zélé thuriféraire pourrait ne se faire que sans-loi avec les sans-loi. Que c'est beau ce sans-loi ! Nous sommes avec Paul des hors-la loi. Pour la loi de Dieu, nous nous insoumettons à la loi des hommes : la justice, la solidarité, la parole libre contre tous les pouvoirs. N'est-ce pas ce que font les journalistes de TC quand ils défendent leur journal contre les ingérences et les connivences ?
Mais voilà, on ne fait pas ce qu'on veut d'un texte biblique. Paul, ne fait pas ce qu'il veut. Il est lié à la loi du Christ, et il ne se fait pas seulement ce qu'il est déjà avec ceux qu'il aime spontanément, mais tout à tous. Il se fait aussi Jean-Pierre Mignard et Bernard Stéphan. Il vit comme eux, il essaie de comprendre ce qui les motive, y compris dans un engagement depuis des années bien au-delà de l'intérêt que nous en retirons tous d'une manière ou d'une autre. Il se fait les uns et les autres pour leur apporter la Bonne nouvelle.
Une image me revient sans cesse depuis ces attentats à Charlie Hebdo et au SuperKasher : celle de Jésus et Lazare. Jésus ressuscite un mort qui a commencé à pourrir. Nous croyons à un mort ressuscité – scandale pour les musulmans, folie pour les athées – qui, même quand c'est pourri, peut ressusciter. Se faire tout à tous, n'est-ce pas demander à Jésus de s'adresser à ce qu'il y a de déjà putréfié, déjà mort en nous, déjà mort chez les différentes parties en conflit à TC pour y insuffler la vie et l'amour ? Choisir la pause plutôt que l'escalade, donner une chance à la parole plutôt qu'aux prochains coups, oser le doute plutôt que la certitude d'avoir raison, faire encore appel aux convictions chrétiennes ou humaines de notre ennemi, jouer l'espoir fou de la réconciliation plutôt que la mort de l'enfant. La Bonne Nouvelle de la Vie plus forte que la mort. Ce n'est pas une mièvrerie : il y a plus de courage – et surtout plus de loi du Christ - dans le fait de retenir ses prochains coups et de s'asseoir à une table pour discuter que de continuer dans l'évidence des positions. Il y a là, bien plus que quelques-uns à sauver.