Attention, attention, une vague de paganisme va s'abattre sur Paris !
Plus fort que les amulettes magiques, les saintes images, les marabouts qui vous offrent santé et retour de l'être aimé,
la préfecture de police veut installer 1000 caméras de vidéo-surveillance dans toute la ville.
Le maire de Paris Bertrand Delanoë y est favorable et paierait une partie des 85 à 90 millions que coûterait ce projet.
Big Bébert is watching you ! Big sarko, itoo !
La caméra de vidéo-surveillance, c'est vraiment le pire de l'esprit religieux - au sens superstitieux - de la société technicienne.
D'abord, c'est magique !
Toutes les études sérieuses montrent que ça ne sert à pas grand chose : ça n'est pas une baguette de magicien, ça ne transforme pas un méchant en gentil, ça ne donne pas un boulot bien payé à un voleur à la tire. Résultat, ça ne fait que déplacer la délinquance, de là où il y a une caméra à là où il n'y en a pas.
Mais la préfecture de police ne veut pas l'entendre, elle y croit. Vous connaissez l'oeil magique qu'ont les turcs, ce très beau bijou en verre bleu – j'en ai plusieurs chez moi – et qui est censé vous protéger ? Et bien, la caméra de vidéo-surveillance, c'est l'oeil magique moderne.
Sauf que les turcs n'y croient plus depuis longtemps mais Delanoë, Sarko et le préfet, si !
Ce n'est pas seulement le grande retour de la superstitution technique, cette religion irrationnelle que dénonçait Jacques Ellul, qui a pour croyance qu'il suffit de moyens techniques supplémentaires pour résoudre des problèmes économiques, politiques et sociaux.
C'est aussi autre chose.
Dans les imaginaires, qui est capable de tout voir, de savoir en permanence tout ce qui se passe, le moindre oiseau qui tombe au sol, qui peut compter chacun de vos cheveux, selon la Bible ?
C'est Dieu, lui qui est omniscient - des noms de Dieu dans l'Islam - qui voit tout, qui sait tout.
Cette volonté humaine de tout voir, en direct, d'être omniscient et omniprésent, c'est un sacré retour de l'esprit de la tour de Babel, de l'esprit de puissance, des hommes qui veulent être aussi puissants que Dieu.
Ce délire de puissance quasi-divine d'un pouvoir qui veut tout voir, tout savoir, dans l'histoire, ça n'a jamais donné des régimes politiques amis des libertés.
Pourtant, Dieu lui-même a renoncé à utiliser ce pouvoir de tout voir : quand Adam, après la chute, s'est aperçu qu'il était nu, il s'est caché. Et Dieu l'appelle : Adam où es-tu ?
Les commentateurs juifs – comme Martin Buber – l'avaient remarqué : Dieu sait tout, Dieu voit tout, il n'a pas besoin de demander à Adam où il est. Mais Dieu renonce à ce pouvoir.
Pourquoi ? Parce que la question, Adam où es-tu ? - est une manière d'interpeller Adam : sais-tu où tu en es ? Sais-tu où tu en es dans ta vie ? Que dis-tu de tes actes ?
C'est la base de la responsabilité individuelle et collective.
On n'agit plus parce qu'il y a un grand papa dans les cieux ou des big brother derrière les caméras, mais parce qu'on est responsable soi, de soi et les uns des autres.
Accepter la vidéo-surveillance, c'est accepter le délire du magique technique, de l'irrationnel technicien,
c'est accepter le délire de puissance quasi-divine d'un pouvoir qui veut tout voir et savoir et surtout, c'est renoncer à une société de responsabilité personnelle et collective pour une société de crainte généralisée qui ramène les citoyens à l'état d'enfant – et même de tout petits enfants - qui ne font pas les bétises uniquement parce qu'ils ont peur d'être pris la main dans le pot de confiture.
Dormez tranquille petits enfants, papa Sarkozy, papa Delanoë veillent sur vous.
Papa Dieu, lui, n'a pas renoncé à vous poser la question : Adam où es-tu ?