"Je m’appelle Marion, j’ai 33 ans, j’ai passé une adolescence pourrie à tenter de refouler une homosexualité qui me culpabilisait et me terrorisait. J’ai compris qu’elle était au fond de moi, dans mes chromosomes, que si je n’acceptais pas de vivre avec, si je ne choisissais pas de l’assumer, car c’est bien le seul choix que j’avais, assumer ou non, alors jamais je ne serai vraiment moi. Et vivre dans quelles conditions alors… Je n’ai jamais rien revendiqué, je ne suis jamais allé crier sur les chars de la Gay Pride, je ne cotoie pas un réseau homosexuel exclusif, je ne vais pas dans les bars gays. J’ai juste mené ma vie au jour le jour, comme chacun mène la sienne… J’ai rencontré Gwen, j’ai eu 4 enfants.
Ce sont mes enfants, parce que je les aime, je m’en occupe tous les jours, je me réveille la nuit, je les conduis à l’école, je sais ce qu’ils aiment, ce qu’ils n’aiment pas, de quoi ils ont peur, je tiens leurs cheveux quand ils vomissent, je leur fais des câlins, je joue aux Pokémon, je me pose plein de questions sur comment les élever le mieux possible, comment les aimer le mieux possible. Je tente de les préparer au monde extérieur, à ses inégalités, ses injustices, ses intolérances... Ils ont l’air normaux, heureux peut-être…
Je ne juge pas la vie des autres, jamais, ni en privé, encore moins devant les autres. je n’étale pas ma vie sur les réseaux sociaux... Je ne revendique aucune opinion politique. Je ne manifeste pas dans la rue contre la vie de gens que je ne connais pas et qui n’ont rien demandé d’autres que de vivre juste correctement et dans l’amour. Pourtant quand j’écoute la radio, quand j’allume la télé, ou quand mon téléphone vibre sur une alerte facebook, j’entends des manifestants qui parlent de la famille, de la « vraie » famille, avec un papa et une maman, des militants qui sont « contre ». Ils sont « contre » moi, donc. « Contre » la vie que j’ai avec mes enfants et ma compagne... Ils disent leur peur. Je fais peur ? Mes enfants font peur ? Va t’on proliférer jusqu’à imposer notre homosexualité sur le monde ?? Qui impose quoi…? Je n’impose rien du tout, je ne cherche pas à foutre en l’air la famille traditionnelle.
Je suis d’une famille traditionnelle, que j’aime profondément. Mais j’en ai assez que tout le monde donne son avis sans que je ne demande rien à personne, alors pour une seule et unique fois, je vous fais part de ma peur à moi. Je respecte la religion, les religions, j’ai peur des fanatiques, et de l’intolérance de plus en plus marquée et affichée du front national, comme beaucoup d’entre nous j’espère … Je ne demande à personne d’aller voter qui que ce soit.
Dimanche je vais aller voter Juppé, pas parce que je suis de droite, pas parce que je suis de gauche, pas parce que j’aime son programme économique ou géopolitique, pas parce que j’ai une passion pour la politique. Mais parce qu’une mesure « de société »,dit-on… « de société », c’est tout le monde et personne à la fois, c’est anonyme, c’est tellement plus facile du coup, d’être « contre » et de le proclamer. Pourtant c’est bien de ma vie et de celle de mes enfants qu’il s’agit, directement.
Dimanche je vais voter Juppé parce que je veux pouvoir adopter mes 4 enfants que j’aime plus que tout, et que j’ai peur, j’ai peur de ne plus pouvoir le faire, si Fillon passe. Je ne peux pas emmener mes enfants aux urgences, je ne peux pas signer les papiers de l’école pour l’autorisation de la photo de classe… car légalement je ne suis personne. Mais pour mes enfants, je suis leur mamoune. j’irais donc voter en tant que mamoune."