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Billet de blog 22 juin 2009

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Présumés coupables

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Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.

PRESUMES COUPABLES : 10 ANS APRES

Mis en examen à la fin de l’année 2006 après six années d’instruction et d’enquête sans qu’ait pu être produit aucun élément susceptible de nourrir la thèse de l’accusation (avis positif du Rectorat, de La brigade de protection des mineurs), après qu’en mars 2008 le Procureur de la République de Bordeaux a requis un non-lieu, Marie-Laure Bernadac, Henry-Claude Cousseau, Stéphanie Moisdon font aujourd’hui l’objet d’un renvoi en correctionnelle par le Juge d’instruction Jean-Louis Croizier. Il leur est reproché d’avoir, dans le cadre de l’exposition intitulée « Présumés innocents, l’art contemporain et l’enfance », organisée en 2000 au CapcMusée d’art contemporain de Bordeaux et vue par plus de 40000 visiteurs, présenté des œuvres à « caractère pornographique et violent ».

Avec cette décision, qui, fait rarissime, passe outre les réquisitions du Parquet de Bordeaux, c’est toute la communauté artistique et professionnelle, nationale et internationale, et l’image culturelle de la France qui se voient offensées et discréditées.

Pour la première fois en France deux directeurs de musée et un commissaire d’exposition comparaîtront en Justice pour avoir montré des œuvres d’art déjà diffusées partout dans le monde ou vues depuis dans des manifestations sans susciter la moindre réaction du public. Ils seront jugés pour l’avoir fait dans le cadre d’une réflexion collégiale, mûrie, partagée avec leurs autorités de tutelle.

Ce procès d’un autre siècle, témoin d’un obscurantisme menaçant, instruit avec un acharnement irrationnel par un seul juge, au mépris de la création artistique et du droit des individus à accéder librement à toutes les formes de l’art, se déroulera à Bordeaux sous la pression d’une association locale de protection de l’enfance, La Mouette, soutenue par une presse extrémiste condamnée pour diffamation à l’encontre de l’un des accusés.

Peut-on imaginer que ce qui est regardable, acceptable partout ailleurs, ne le soit pas à Bordeaux ?

Dans quelques mois, devant le tribunal correctionnel de Bordeaux, seront jugés le travail et la conviction de servir l’art et la culture de trois personnalités unanimement reconnues dans le monde de l’art pour leur engagement et qui ont déjà reçu des milliers de soutiens venus de tous les horizons.

La tentative de “criminalisation” qui touche aujourd’hui les artistes, les acteurs et les lieux culturels qui les diffusent, doit appeler à la plus grande vigilance à l’égard d’une censure toujours prompte à instrumentaliser les causes les plus nobles, comme la protection de l’enfance, à des fins autoritaires et liberticides.

MARIE-LAURE BERNADAC, HENRY-CLAUDE COUSSEAU, STEPHANIE MOISDON

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