Stupéfaction et consternation. Mais où sont les féministes et les gens de gauche engagés pour une société plus solidaire, égalitaire et démocratique, dans ce débat autour du mariage pour tous? Depuis quand le mariage est-il une institution progressiste? Qui peut croire qu’en faisant entrer tout le monde, toutes orientations sexuelles confondues, dans un moule aussi conservateur et inégalitaire, nous pouvons revendiquer une victoire pour l’égalité?
Rappel : le mariage n’est pas un projet de gauche, mais une institution reproductrice d’inégalités de sexe et de classe. C’est un statut qui donne des privilèges et il ne s’agit pas de se battre pour faire partie du club, mais bien de les faire disparaître. Que le frileux Hollande ait voulu à peu de frais s’offrir une image de progressiste en lançant son «mariage pour tous» en constitue presque une preuve. Malheureusement pour lui, ce qui devait être une simple formalité pour la majorité de gauche a réveillé les ardeurs d’une partie de la droite et de ses ami·e·s catholiques nouvellement militant·e·s.
Résultat des courses: pour soutenir un projet flambyste attaqué par l’arrière-garde des chrétien·ne·s fondamentalistes et des psychanalystes, quelques gens de gauche sont sortis du bois. Mais que répondent-ils dans leur tribune (publiée sur le site de Mediapart le 27.11.12), ces cent «engagés pour l’égalité des droits»[1], à ce discours naturalisant qui ne conçoit les personnes que comme un sexe (surtout les femmes) et le couple reproducteur comme finalité de l’humanité? Mais qu’il ne faut pas s’inquiéter, pardi! On l’a vu ailleurs: cela ne change rien et les enfants vont bien! Mais néanmoins les mêmes pensent que cette réforme, qui sera débattue fin janvier 2013, est «une étape dans la marche du progrès» et qu’elle «laissera l’empreinte de l’égalité sur le mandat de François Hollande».
Sans minimiser les discriminations dont sont victimes les couples non hétérosexuels, il est nécessaire de rappeler que les problèmes dignes d’être soulevés par la gauche peuvent et doivent être réglés autrement. Par exemple, la succession n’est pas un droit dans un projet de gauche, juste un moyen de reproduire les inégalités sociales, et les visites à l’hôpital peuvent et doivent être réglementées autrement. La lutte pour l’égalité pour toutes et tous s’inscrit dans un projet politique égalitaire et démocratique. Ne voit-on pas qu'il est ainsi aussi contestable de penser que l’on progresse en la matière en donnant à tou·te·s le droit de se marier, que si l'on établissait l'égalité des salaires entre les sexes en baissant ceux des hommes?
[1] Mais pas pour l’égalité des sexes, du moins de la langue, l’appellation, ni le texte n’étant féminisé, comme le « mariage pour tous » d’ailleurs…