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Billet de blog 11 octobre 2016

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Jusqu'à quand allons-nous regarder ailleurs?

Réactions et réflexions personnelles sur la destruction annoncée du camp des migrant.e.s de Calais.

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Petit guide pratique pour déguiser la destruction d’un camp de migrant.e.s en une opération humanitaire © S.Téphano

Voilà donc la destruction du camp de Calais programmée par nos petits chefs... De nouveau, ils s’apprêtent à détruite les habitats, les lieux de vie, à disséminer, à rendre invisible, à renvoyer des êtres humains après avoir contribué, par leur décision, l'action de leur bras armé ou leur non-décision, à leur exil vers nos pays.

Pendant qu'il laisse bombarder et massacrer Alep (http://fr.euronews.com/2016/09/27/alep-s-enfonce-dans-l-horreur), pendant qu'il cautionneles agissements de Bachar El Assad, d'Erdogan, d'El Béchir et consorts, pendant qu'il bombarde lui-même certains territoires syriens après avoir causé le chao en Lybie, notre gouvernement va donc prendre l'irresponsabilité et l'inhumanité de jeter à la rue, dans les champs, les bois, dans le froid, plus de 10000 migrant.e.s dont plus de 1000 mineurs. Et ils osent se targuer d'humanité en mettant en avant leur placement dans des Centres d’Accueil et d'Orientation CAO. Des centres qui, pour beaucoup, ne sont pas adaptés à ces populations, qui ne sont que des solutions temporaires et surtout qui n'ont pas été ouverts dans la concertation avec les populations, entraînant, comme à Allex (près de chez moi) dans la Drôme, des tensions, des fantasmes et des peurs sur lesquels les fachos se jettent. Des CAO où les migrant.e.s seront parfois surveillés par des caméras, des CAO où ils/elles devront être accompagné.e.s pour en sortir (voir l'émission de La Nouvelle Edition du 27 septembre dernier http://www.c8.fr/c8-info/c8-la-nouvelle-edition/pid6850-emission.html?vid=1417607).

Face à cette situation qui rappelle les heures les plus sombres de notre histoire, allons-nous nous contenter de nous indigner verbalement, de liker telle ou telle publication sur Facebook, de signer des pétitions ou allons-nous réagir individuellement, collectivement à ce déni d'humanité nauséabond qui touche les migrant.e.s ?
Sommes-nous d'accord pour que des murs soient construits dans notre pays comme dans de nombreux autres ? (http://www.franceculture.fr/geopolitique/le-monde-se-referme-la-carte-des-murs-aux-frontieres#),
Allons-nous laisser l'état organiser de véritables rafles de migrant.e.s, à Calais, à Vintimille, à Paris (https://vimeo.com/185036977 http://ldh49.over-blog.org/2016/10/scenes-de-chasse-aux-refugies-dans-les-alpes-maritimes.html & http://www.streetpress.com/sujet/1475499643-calais-police-consigne-arreter-80-migrants) .
Allons-nous cautionner, par notre silence, cette dérive autoritaire et fasciste du pouvoir ? Jusqu'à quel point les laisserons-nous faire ?
Pouvons-nous accepter que l'état, pendant qu'il donne carte blanche aux partisans de la destruction du camp, empêche les solidarités de s'exprimer, sous couvert d'état d'urgence, comme hier à Calais où la manifestation en solidarité aux migrants a été interdite et violemment réprimée, gazée, où des bus venus de Paris à la rencontre des migrant.e.s se sont fait bloquer par la police avant d'arriver sur place ? (vidéo sur https://www.youtube.com/watch?v=iequ5u9Outc&feature=youtu.be, communiqué sur https://paris.demosphere.eu/files/docs/f-20c407e086-empty-filename.pdf)

J'ai passé pas mal de temps sur Calais, d'abord pour mes études, pour la famille puis, plus récemment avec ma caméra, notamment lors de la destruction de la partie Sud du camp. J'ai vu ce qu'étaient prêtes à faire les forces de l'ordre pour dégager les migrant.e.s, mensonges, injures, coups, incendies et j'en passe et c'est exactement ce qui va se reproduire. Toutes ces personnes ne sont pas venues par plaisir ou hasard à Calais, ce qu'elles veulent, c'est rejoindre l’Angleterre et ce n'est pas le traitement policier et institutionnel sur place qui va les inciter à rester en France. Ça n'est pas non-plus le flou, le manque d'information, l'inorganisation des départs proposés dans les CAO. Il va se passer lors de la destruction de la partie Nord du camp ce qui s'est passé lors de la précédente, celle du Sud. Quelques un.e.s vont effectivement rejoindre les CAO mais la grande majorité ne partira pas et sera forcée à errer (Sur 3450 migrant.e.s recencé.e.s dans la partie sud, avant l'expulsion, seul 600 à 700 ont rejoint les CAO).

Certes, le camp de Calais n'est pas la solution mais au moins, dans ce camp, les migrant.e.s sont au contact des associations, s'auto-organisent, partagent le quotidien si difficile de cet espace inhospitalier qu'ils ont rejoint, faut-il le rappeler, sur proposition des autorités pour les éloigner des nombreux squats du centre ville.

Alors j'entends certaines connaissances habitant à Calais ou dans les environs qui pestent contre ce camp, contre les réfugiés et qui demandent sa fermeture, accusant, comme nombres de politichiens locaux, les migrant.e.s des maux de la ville, de l'insécurité, des difficultés économiques.
Je ne nie pas que certaines tensions existent, notamment sur la rocade proche du camp ou des barrages sont montés par les migrant.e.s pour stopper les véhiculent parfois de manière violente. Comment cela pourrait-il être autrement quand on met en pression autant de personnes sur un si petit territoire, dans de telles conditions de survie, à quelques kilomètres de leur but, après des milliers d'autres sur les routes, dans des bateaux, dans le désert en perdant bien souvent des parents, des ami.e.s, des voisin.e.s sur le trajet.

Parlons maintenant du discours martelé par les politiques, qui consistent à mettre sur le dos des migrant.e.s les difficultés économiques de la ville, à répandre l'idée qu'ils/elles nous couterait cher. Bien avant qu'ils soient sur place, depuis la fermeture dans la région de Calais des industries, de la dentelle notamment, la ville est en proie, comme nombre d'autres à un chômage élevé et à des difficultés sociales que les politiques nationales ont engendré et auxquelles les collectivités locales, mairie, conseil général, régional, n'ont pas répondu. Ils essaient maintenant, vis à vis de leurs électeurs/trices de trouver des boucs émissaires. Les migrant.e.s en sont.
La venue de ces migrant.e.s a au contraire développé une véritable économie avec l'approvisionnement du camps en vivre, avec l'approvisionnement des bénévoles, leurs achats sur place, les nuitées réservées mais aussi avec le matériel achetés pour la construction des abris, des lieux collectifs...
Plus globalement, des études sérieuses, comme celle de 30 parlementaires en 2011, montrent que les immigrés rapportent plus qu’ils ne coûtent à l’économie française (https://issuu.com/smazetier/docs/rapport_de_l_audit_de_la_politique_d_immigration__). Et même si c'était inverse, j'estime que ca doit faire partie des dépenses normales d'un état démocratique et humain. Un minimum même!

Ce que je dis de mon côté c'est : Qui a créé cette situation ? Qui laisse ces migrant.e.s livré.e.s à eux-mêmes, qui les chasse, les poursuit, ferme les frontières ? Qui fait tout pour pourrir la situation et rendre la survie de ces personnes pénible ? Franchement, attaquons-nous aux vraies causes, attaquons-nous aux politiques, à ce système mortifère, inhumain qui tente de nous monter les uns contre les autres, nous les petites gens alors que c'est vers nos oligarques assoiffés de pouvoir et d'argent qu'il faudrait faire front commun. Et pourquoi pas en pas envisager, à la manière du collectif PEROU, de faire de cette présence massive de migrants un atout pour Calais, la faire passer de ville la plus sécurisée à la ville de l'accueil, des solidarités ? (Voir à ce sujet le site « réinventer Calais » réalisé par le collectif. Une sacré piste de réflexion et d'action selon moi, bien loin de l'action et des réactions des plus grosses associations qui agissent sur le camp, Secours Catholique –Caritas France, Emmaüs France, L’Auberge des Migrants, FNARS, Médecins du Monde, qui, dans un communiqué récent, soutiennent et proposent leur accompagnement à l'opération de destruction, comme elles l'ont fait lors de précédentes expulsions, faisant croire ou croyant naïvement que l'état ferait cette fois preuve d'humanité... voir communiqué sur http://www.secours-catholique.org/sites/scinternet/files/comm_presse/lettre_ouverte_au_president_de_la_republique_29_09_2016.pdf)

Comment agir me direz-vous ?

  1. Et bien vous pouvez rejoindre par exemple les réseaux de citoyens qui se constituent dans toute la France autour des CAO, les « Centres d’Accueil et d’Orientation » des réfugiés. Pour toute information, contacter la page FB "Info CAO" ou à l’adresse mail contact.infocao@gmail.com
  2. Vous pouvez également vous rendre directement sur le camp pour apporter votre aide, rencontrer les migrant.e.s, vous faire une idée par vous même de ce qui s'y joue. Durant la prochaine et problable destruction, il est également important qu'il y ait des témoins sur place avec appareil photo et caméra.
  3. Vous pouvez organiser tout type de mobilisation qui ciblerait les entreprises et associations complices de la politique de l'état. Vous trouverez une réflexion à ce sujet et une liste sur https://expansive.info/Calais-Appel-a-represailles-contre-la-politique-concentrationnaire-142
  4. Vous pouvez interpeller vos élus, maires, députés (http://www.assemblee-nationale.fr/qui/), interpeller la préfecture du Pas-de-Calais aux numéros 0321212002 et 0321212003.
  5. Vous pouvez relayer les infos libres et alternatives comme Passeurs d'Hospitalités (https://passeursdhospitalites.wordpress.com/), loin des merdias aux ordres du pouvoir.
  6. Vous pouvez organiser des projections de films avec vos ami.e.s, vos voisin.e.s, votre famille pour les informer, les sensibiliser avec par exemple:

Ne les laissons pas faire, regardons la situation de face, sans détourner le regard, sans chercher des excuses, ne laissons pas le racisme, la haine, le rejet de l'autre, du différent, de l'étranger s’immiscer dans notre société ni dans nos âmes.

Ensemble, on est plusieurs et on va loin ! Il y a urgence, Adelante!

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