Belle surprise que ce film réalisé par Karim Bensalah dont je n'ai vu jusqu'ici aucun de ses autres films, les acteurs sont crédibles et mention particulière au personnage principal, Sofiane, fort bien incarné par Hamza Meziani (31 ans).
C'est l'histoire d'un jeune homme paumé, sans travail fixe, qui échoua à l'université et qui est complètement perdu sur le plan identitaire entre son ascendance algérienne qu'il tente de gommer et sa religion héritée, l'islam. Il finit par décrocher finalement un travail dans des pompes funèbres "musulmanes", i.e. qui pratiquent les rites funéraires de personnes décédées conformément à cette tradition religieuse.
Tout d'abord, il s'agit avant tout d'un récit d'apprentissage multiple, le personnage principal va tenter de se réapproprier - dans la difficulté - ce que sa famille lui a légué, langue et religion, va-t-il y parvenir ? C'est tout l'enjeu du film. L'islam n'est pas le plus important ici, c'est surtout sa relation à cet héritage qui va être questionnée. Il faut saluer le regard pertinent posé par le réalisateur sur les personnages, jamais dans le jugement, il nous montre avec finesse et un esthétisme pudique les gestes des rites funéraires ou de la pratique ordinaire de l'islam observant, simplement.
Les dialogues ne taisent pas non plus les difficultés, je pense notamment à cette crise survenant au sein d'une famille musulmane dont l'épouse du défunt n'est ni de cette religion ni originaire du Maghreb et à qui la famille reproche d'avoir incinéré son mari (pratique contraire à la tradition majoritaire de l'islam traditionnel). Toutefois, elle l'a fait en respectant les derniers souhaits de son mari musulman, que faire donc ? Autre problème que montre le film, que faire des personnes décédées qui se sont suicidées, ce qui est réprouvé par la tradition religieuse de l'islam ? Sofiane adopte une position iconoclaste sur ce point délicat...
Les problèmes de ce type dans le monde réel sont légion, je repense à une amie imame qui me racontait les conflits rencontrés lors d'un décès où le défunt musulman était entouré de sa famille mais cette dernière se demandait qui était cet homme au chevet de leur proche, il était en fait son compagnon de vie, ils ne savaient pas que leur proche était homosexuel et vivait avec un homme.
Belle prestation de Kader Affak qui incarne un personnage taiseux et peu affable mais au grand cœur, qui repousse les personnes avec qui il ressent de l'amitié et qui transmet à Sofiane les règles de la toilette mortuaire. Mention spéciale pour le personnage joué par Mehdi Djaadi qui incarne un jeune homme très religieux et communautaire mais affable, il est en fait le négatif de Sofiane, il est tout ce que ce dernier n'est pas.
Enfin, la relation au père de Sofiane est touchante (sa mère est décédée depuis longtemps), elle commence par du dédain puis se transforme en quelque chose d'autre qui va évoluer vers davantage de sérénité.
C'est un film sans prétention mais bien plus pertinent et fin que d'autres films à grosse prétention ! Il est à voir lorsque l'on s'intéresse à la question de l'identité en France.