Madame, Monsieur,
Nous vous adressons ce courrier ce jour pour confirmer et abonder dans le sens des éléments aujourd'hui discutés, concernant les situations de harcèlement que l'administration refuse de traiter, amenant à une souffrance permanente des personnels délaissés, jusqu'à amener des collègues à renoncer à leur emploi, ou se suicider.
Ces situations extrêmes sont nombreuses, mais personne ne souhaite les décompter, puisqu'il faudrait alors en identifier les causes et en assumer une responsabilité.
L'effroyable suicide de Nicolas, dans l'académie de Versailles, a mis à jour ce que nous dénonçons depuis bien longtemps : l'indifférence des services des Rectorats dans la gestion de situations concernant aussi des enseignants du privé sous contrat rémunérés par l'État.
Il est désormais habituel, à la dénonciation de violences verbales ou physiques, d'imposition de valeurs anti-républicaines par directions du privé sous contrat, voire de délits de détournements de fonds publics, que les victimes et/ou lanceurs d'alerte soient les récipiendaires de courriers accusatoires, mettant en demeure de taire ces affaires, pointant la responsabilité vers ceux seuls tentant de chercher de l'aide pour faire cesser ces exactions. C'est somme toute ce qui est déjà dénoncé depuis plusieurs années par le mouvement #pasdevague, et à notre connaissance, aucune action n'a été prise pour y remédier.
Ainsi, et pour exemples, parmi tant d'autres :
- La situation dans l'établissement Jean-Paul II à Compiègne, qui vous est présentée ce jour. La réponse du Recteur, M. Muller au journaliste de France 3, à la question d'exiger un changement de direction a été « ce ne sont pas des choses qui relèvent de moi ».
- La situation de divers établissements privés de Versailles, comme Saint Charles à Athis Mons, ou encore l'institution Jeanne-d'Arc à Montrouge, dont les courriers répétés auprès des services du rectorat sous l'autorité de Mme Avenel, dénonçant des situations de harcèlement avérées à la suite d'une enquête RPS, n'ont obtenu aucune réponse.
- La situation du lycée Saint-Etienne à Cahors : la directrice a détourné des heures de DGH à son profit pendant des années. L'affaire a été classée sans suite, c'est le collègue lanceur d'alerte qui lui a été déclassé.
- L'ECAM de Morlaix : malgré de nombreuses alertes syndicales auprès des services rennais, le directeur échangeait des HSA/HSE et responsabilités rémunérées par des fonds publics contre des faveurs sexuelles. Depuis des années et auprès de divers établissements. Seule une pression médiatique a fini par le faire démissionner en juin 2022.
- Rennes - et sans doute l'ensemble des rectorats : la saisie de la cellule « stop-discrimination » est systématiquement vaine pour les enseignants du privé sous contrat. Les conclusions vides se justifient par « la commission d'instruction estime ne pas disposer de suffisamment d'éléments factuels » et clôt les saisines.
- Les demandes de protection fonctionnelle correspondant à des situations de harcèlement par directeurs du privé sous contrat, font l'objet d'un traitement de plus de 6 mois, même en situation de diffamation, dont la prescription légale est de 3 mois, et sont elles aussi refusées, ramenant le problème à l'agent seul.
- Notre blog rapport condense les situations qui nous ont été rapportées et médiatisées, c'est à dire un modeste échantillon de de la réalité du privé sous contrat sans que le Ministère, pourtant employeur des personnels enseignants, ne s'implique jamais :
Cette expérience au plus proche de nos élèves, à travers l'ensemble des régions françaises, et le partage de ces souffrances par de nombreux collègues, nous ont amené à formuler ces suggestions d'évolution de l'enseignement sous contrat avec l'État, dont les établissements sont désormais dirigés par des laïcs, et non des religieux comme il y a une vingtaine d'années encore. Nous vous en partageons ici les éléments, en espérant qu'ils puissent retenir votre attention, et tenter enfin de mettre fin aux agissements délictuels auprès des personnels enseignants, autant responsables que leurs collègues du public, à mener à bien les programmes nationaux.
1. Transparence et contrôle des budgets des établissements du privé sous contrat :
- Puisque la majeure partie du budget des écoles sous contrat dépend de fonds publics (salaire des enseignants, budget de fonctionnement, fonds informatique...), et que même la Cour des Comptes appelle à un meilleur contrôle de son utilisation, qu'une présentation publique et en toute transparence des comptes soit rendue obligatoire annuellement. En incluant les cotisations des établissements aux tutelles et DDEC. Présenter la répartition complète des DHG par école permettrait d'éviter les détournements trop fréquents, cesser de distribuer des heures qui ne sont pas dédiées in fine aux élèves, parvenir à assainir des situations des cours plus courts pour mener des contenus hors B.O, cours maintenus raccourcis pour parfois créer des classes complémentaires et alléger des salles surchargées.
- Comme énoncé par la Cour des Comptes en juin 2023, qu'un réel contrôle de ces fonds accordés au privé par l'État, fasse l'objet d'un suivi régulier.
- Dons des familles : qu'ils soient interdits. Ces dons proviennent de familles aisées, au programme politique souvent ancré à l'extrême droite, catholique puriste, proprement anti- républicain. Ces familles se permettent de diriger par proxy des programmes enseignés et se félicitent de censures exercées par "le caractère propre" du privé sous contrat. Le journal Franc-Tireur a, à juste titre, exposé la main mise des "Parents Vigilants", une mouvance liée à Zemmour et fortement présente dans les établissements catholiques sous contrat.
- APEL : redéfinir son rôle, spécifiquement dans le second degré. Les actions menées pour récolter des fonds dédiés aux activités pédagogiques ne sont que rarement discutées avec les enseignants. Ce qui leur donne, ici et là, des prérogatives sur le choix final des activités financées, comme prioriser, entre autres, des sorties pédagogiques à connotation proprement religieuses, comme de "méditation", sans lien avec les programmes au B.O.
- La direction des OGEC : très fréquemment des chefs d'entreprise, tant la charge de gestion de contrats de droit privé peut être lourde. Malheureusement, les chefs d'établissement sont aussi rémunérés par l'OGEC, et ce salaire comprend une part variable et négociable qui incite CDE et présidence d'OGEC à une proximité discutable. Cette fonction est sensée être bénévole, mais il est à noter que de nombreux projets dans les établissements ont été réalisés au bénéfice financier de ces présidents d'OGEC : constructions sans concertation, formations RH, services de cantine, etc.
2. Protection des lanceurs d'alerte et des victimes d'exaction des directions du privé sous contrat :
Les Comités Sociaux et Économiques, quand ils existent, sont minimisés, voire annihilés par les directions les plus fermement décidées à éliminer toute critique, en particulier si elle est d'ordre syndicale. Certains CSE sont utilisés comme un outil de division des équipes. Il n'existe pas de système de registre RSST.
Sous couvert d'une indépendance acquise d'établissement d'enseignement privé à caractère propre, toutes les exactions semblent permises, sans conséquence : harcèlements, agressions, déni syndical, aucune instance des Rectorats ne semble vouloir adresser ces dérives, plaidant l'autonomie des écoles privées, et n'exerçant pas leur rôle d'employeur et rémunérateur des personnels enseignants. La problématique de l'opposition des contrats publics et privés empêche l'identification d'une instance légale commune dans la reconnaissance de ces délits.
3. Embauche et statuts des directeurs des établissements privé sous contrat :
- Le système de recrutement des chefs d'établissement sous contrat est aujourd'hui inacceptable en République Française : les critères de choix sont inconnus, malléables et correspondent encore à une époque de gestion par les confréries religieuses - quand des prêtres formés dans des séminaires, étaient alors responsables de écoles. De nos jours, l'embauche, de laïques, se fait par cooptation : il faut convaincre un chef d'établissement de son envie de faire partie de la direction, et les moyens sont le plus souvent fort peu éthiques. Les compétences et diplômes à posséder ne sont pas évalués par un concours et sont rendues définitives par l'écriture d'une lettre de mission par un évêque. Les écoles sous contrat sont tenues, pourtant, d'accueillir tout élève, peu importe les convictions de sa famille.
Afin d'établir des standards de qualité de direction d'écoles financées majoritairement par fonds publics, il semble nécessaire que les valeurs de la République, le programme national, les lois en vigueur soient tous appliqués :
- Que l'obtention d'un concours ou d'examens républicains soient rendus obligatoires, avec l'obligation de possession d'un Master 2 dans une matière enseignée dans l'enseignement du 1er et 2nd degré.
- Que les CDE actuellement en poste aient l'obligation de les réussir sous trois années après promulgation d'une loi en ce sens.
- Qu'une année de stagiarisation, avec inspection, puis suivi par IPR, soit instituée.
- Que leur salaire, déjà financé majoritairement par le fond de fonctionnement octroyé par l'État, soit rémunéré par un contrat de droit public, qui les soumettraient alors, en cas de dérive, au jugement du tribunal administratif. Que les personnels OGEC s'en réfèrent, comme aujourd'hui, aux Prud'hommes, leur supérieur hiérarchique direct relevant uniquement de la présidence de l'OGEC.
En espérant que ce courrier obtienne une réponse, nous vous prions d'agréer, Madame, Monsieur, l'expression de nos salutations.
Le Collectif Stop Souffrances Établissements catholiques @StopsouffrancEC