La Cour des comptes appelle à plus de contrôles de l'usage de fonds publics par l'enseignement privé. Que ces contrôles s'élargissent à l'application du droit du travail et du bulletin officiel (BO)!
Le jeudi 2 juin 2023, la Cour des comptes a déploré dans son rapport des manquements de contrôle par l'État des 8 milliards d'euros annuels dévolus à l'enseignement privé sous contrat français. Il était bien temps : l'utilisation même de ces fonds est maintenue, même hors d'appréciation des personnels des établissements. Ce n'est qu'une énième dérive dénoncée, parmi tant d'autres desquelles l'État se défausse pleinement, qui pourtant génèrent une immense souffrance pour les personnels enseignants rémunérés par l'État, ainsi que pour ceux de droit privé au sein des équipes.
Quel statut pour les directions de l'enseignement catholique ?
Le PERDIR [concours dédié au recrutement des personnels de direction] n'existe pas pour le privé sous contrat. Les directeurs des établissements catholiques le deviennent sans concours, par recommandation. L'article 75 des statuts de l'enseignement catholique stipule que « les responsables de l'enseignement catholique s'attachent à une gestion des ressources humaines éclairée et nourrie par la conception chrétienne de l'homme et de son développement ». Une gestion à vision fort malléable, avec un contrat à durée indéterminée délivré aux directeurs à l'issue de seulement quatre mois d'essai.
De l'application des règlementations dans les établissements catholiques
Les établissements privés emploient des personnels de droit privé pour des missions administratives, de vie scolaire, restauration et entretien. Les enseignants sont nommés et rémunérés par les rectorats. Le mélange des statuts des personnels fait des directeurs des chefs d'entreprise, où l'ensemble des règles du code du travail comme de l'éducation devraient s'appliquer.
Force est de constater pourtant que les abus sont trop courants : exigence de bénévolat, puisque faire « don de soi » parce que « c'est un établissement catholique » crée des situations de stigmatisations en cas de refus.
Couramment, les Portes Ouvertes se dupliquent sur plusieurs journées, la rentrée du personnel du privé se fait le plus souvent une journée avant celle, officielle, au B.O. Des activités religieuses, de remplacements de collègues, des heures de vie de classe hebdomadaire ne sont pas toutes rémunérées, parce que « vous avez fait le choix de l'enseignement catholique ». Nombreux sont les salariés de droit privé à porter leurs demandes de paiement ou plaintes de harcèlement auprès des tribunaux prud’homaux. Le plus souvent, ils gagnent après des années de lutte. Pour les enseignants de droit public, aucune instance ne semble vouloir entendre et admettre les abus.
Pourtant, ces employeurs ont une obligation de résultat concernant la sécurité et santé de ses personnels
La souffrance est palpable auprès d'un nombre toujours plus grand de personnels. Les syndicats s'entendent pour dire que les pratiques managériales des chefs d'établissement du privé sous contrat sont de plus en plus violentes voire illégales. Les témoignages de collègues broyés, victimes de pratiques d'une rare violence, comme des pratiques d'intimidations, humiliations, harcèlement, s'accumulent. Malgré des valeurs chrétiennes affichées et revendiquées, le management pratiqué est souvent délétère et contrevient pleinement aux règles du code du travail et de la fonction publique. L'enseignement catholique ne devrait pas être un monde à part, une zone de non-droit.
Qui contrôle et intervient alors en cas de dérives ?
Force est de constater que concernant la dénonciation de situations de pratiques managériales toxiques et de dérives religieuses, les instances du SGEC (Secrétariat Général de l'Enseignement Catholique), comme celles de l'État, via les rectorats, sont aux abonnés absents. Les victimes se heurtent à l'impressionnante surdité des instances qu'elles sollicitent et auxquelles elles demandent de l’aide, en vain : cellules Stop-discri, tutelles diocésaines, DDEC... comme une volonté avérée de ne pas faire de vagues. Il est tellement plus aisé de renvoyer le problème à la victime, forcément souffrante d'une pathologie mentale ou dont la souffrance n’aurait pas d'origine dans son emploi.
Lorsque les dénonciations proviennent des salariés de droit privé dont l’employeur est l’OGEC (Organisme de Gestion de l’Enseignement Catholique), la hiérarchie catholique se défausse en donnant la plupart du temps raison aux chefs d’établissements incriminés sans avoir connaissance de tous les éléments du dossier, ou pire, soutiennent ces derniers contre vents et marées. Une vraie loi du silence se met en place et dans certains cas, peu importe les nombreuses alertes, les appels au secours, l’état de santé physique et/ou psychologique des personnes, les autorités cléricales font le choix de fermer les yeux. Certains salariés OGEC, brisés par des chefs d’établissement peu respectueux de leur intégrité, ne sont pas reconnus comme victimes par leur employeur.
De la même façon, lorsque les agents de droit public alertent sur leur souffrance, l’enseignement catholique se défausse et leur rappelle que leur employeur est l’Etat alors que les chefs d’établissements de l’enseignement catholique ont une délégation de pouvoir d’une part et de responsabilité d’autre part en matière de santé et sécurité au travail ... de même que les OGEC qui les emploient. Cette loi du silence participe à donner à certains chefs d’établissement un sentimentde toute puissance.
Aucune statistique claire n'expose le nombre de drames, année après année, toujours plus nombreux. Il est quasi impossible d'être reconnu en tant que victime, tant la chape de plomb importe plus que tout, protégeant les chefs d'établissement tout puissants, et ainsi préserve l'ordre établi, vertical, impitoyable. Pourquoi remettraient-ils en question leurs pratiques managériales pourtant parfois toxiques, alors que quoiqu’il advienne, ces derniers sont soutenus, quitte à cacher et noyer les délits ou, s’il n’y a plus d’autre choix ultime, à déplacer le directeur problématique auprès d'un autre établissement. Aux suivants de se battre lorsqu'ils seront à leur tour victimes de ses agissements nocifs.
Et l'État dans tout ça ?
De son côté, l’État, pourtant employeur des enseignants sous contrat, botte en touche et répond qu’il n’a pas de moyens d’intervention étant donné que le recrutement des chefs d’établissements est sous la responsabilité des autorités cléricales. Il est plus aisé d'étouffer ces affaires en envoyant un psychologue mandaté par le Rectorat dans l'établissement et déclarer le problème clos.
Qui peut donc protéger la santé des personnels ? Doivent-ils accepter l'insondable et souffrir en silence ? Serait-ce un renoncement de l'État, pourtant le premier financeur de ce système éducatif, à contrôler l'enseignement catholique par la seule excuse du « caractère propre » ?
Qu'est-ce que le « caractère propre » ?
La loi Debré votée dans un hémicycle quasi vide le 31 décembre 1959, a associé, par contrat, les établissements catholiques au service public d'éducation nationale, tout en leur reconnaissant un « caractère propre ». Cet aspect a des contours si peu définis que d'une décennie à l'autre, les collègues en découvrent une application toujours plus variable, de plus en plus néfaste aux dépends des personnels et des élèves accueillis, correspondant toujours de moins en moins aux préceptes du « caractère propre qui se fonde la plupart du temps sur le souci de l’humanité de l’homme à travers certaines valeurs comme la charité et la solidarité. »
Ce blog recense les dérives connues et permet aux victimes ou leurs proches, de témoigner librement et espérer pouvoir enfin défier l'omerta du fonctionnement des écoles catholiques.