« La plupart des occasions des troubles de ce monde sont grammairiennes. » (Montaigne)
Les mots engendrent les maux au lieu de les résoudre. Certains propos sur les mâles blancs -métaphore et métonymie (volontaires ?) d’hommes de pouvoir machistes et néocolonialistes dirigeant des indigènes non plus au-delà des vastes océans mais des périph’- sont révélateurs d’une forme de pensée qui consiste à critiquer une façon de faire que l’on va ensuite valoriser. Cette prétérition permet de se démarquer tout en restant le même. Le changement dans la continuité. Seule la forme importe. Avant tout, se mettre à part ou plutôt au-dessus. Et puis on rafle la vedette à la principale actrice des actions sociales et culturelles sur le terrain. Or la femme est l’avenir de la banlieue.
Et cette attitude génère une aporie qu’aucun plan n’a pu et ne pourra résoudre.
Puisqu’on reconnait, enfin, que les mêmes choses produisent les mêmes effets négatifs, on devrait en toute logique abandonner cette stratégie. Ne pas dire : on va mettre en place un nouveau plan pour résoudre vos difficultés, mais : que devons-nous faire pour être avec vous dans vos actions ? Supprimer plans, zones qui stigmatisent au lieu de valoriser, qui figent au lieu d’éliminer. Cesser de faire apparaître certaines villes, certains quartiers comme ne faisant plus parti du territoire national. Ce ne sont pas les gens qui se sont retranchés, c’est la république qui a toujours manifesté sa présence par son absence depuis la première cité d’urgence et de transit des années 6O.
Une avancée cependant : le mâle blanc sait qu’il ne sait pas concrètement, et reconnait qu’aucun de ses plans n’a pu changer la situation. Mais ce qu’il ne sait pas reconnaître, en toute humilité, c’est que c’est lui qui doit changer ; que d’autres, les acteurs sur le terrain, peuvent lui proposer des solutions. Et d’ailleurs c’est ce qu’ils font au quotidien : maires, professeurs, vie associative et culturelle. Eux savent ce qu’il faut faire. Il suffit de les rencontrer, les accompagner, les valoriser. Nul besoin de plan.
Prenez Pierre Bourdieu et son équipe. Ils n’ont pu recueillir de précieuses informations, connaissances, sur les difficultés sociales de la population dans sa plus grande diversité, malgré et aussi grâce à leur savoir, qu’en allant rencontrer les gens sur le terrain. Et, du SDF au magistrat, tous témoignaient, sans se plaindre, de leurs conditions de vie et proposaient les solutions. Les vraies. On peut rouvrir l’ouvrage La misère du monde paru il y a un quart de siècle et ne pas en changer un mot. Tout y est : maux et remèdes. Tous se plaignaient d’une seule et même chose : ils sont oubliés, voire méprisés par le pouvoir, la hiérarchie. C’est là que git le mal blanc omniscient et transcendent, vieux comme le monde : la division. Le dire n’ouvrira pas leur réflexion. Ils ne peuvent y voir que jalousie, aigreur là où il n’y a qu’un désir de rencontre et d’échange. Et de réel changement.
Xavier Marcheschi
Comédien-animateur, dramaturge