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Billet de blog 23 juin 2015

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Lettre envoyée à divers médias

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Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.

Voici une lettre que j'ai adressée à différents quotidiens nationaux, de même qu'à François Hollande. C'est dans cette dernière que j'ai envoyé ma carte d'électeur découpée.

Je ne sais si cela sert à quelque chose (la réponse du Cabinet Présidentiel était plutôt creuse), mais peut-être que si quelques milliers de citoyens faisaient la même chose, cela aurait un impact plus singulier.

A bon entendeur !

Aujourd’hui, j’ai choisi de découper et de rendre ma carte d’électeur à François Hollande.

J’ai cru au Socialisme. Le discours du Bourget de François Hollande a été un moment charnière dans sa course à la Présidentielle. Tout comme la France se trouvait dans un moment charnière, de son Histoire. J’étais comme tous ces français ; las de la Crise financière, du système capitaliste, triste de voir la société se fragmenter sous les assauts répétés d’un dirigeant prêt à tout pour régner. Usé par l’omniprésence d’un seul, par l’odeur diffuse de corruption globalisée, persuadé que nous vivions là, la fin d’un système absurde : la recherche perpétuelle de croissance, l’enrichissement obscène de quelques-uns au détriment de la quasi-totalité des autres par exemple. Alors que l’Europe semblait dans l’impasse, la France avait une nouvelle fois l’occasion de briller en exportant ses valeurs historiques humanistes sur une Europe aux aguets.  Hollande, semblait alors incarner cet idéal d’égalité, de renouveau politique, de justice, œuvrant déjà pour la réconciliation sociale. Fût-elle entre le peuple et le Pouvoir, ou fût-elle simplement entre la société et elle-même. Au-delà de l’aspect social, il y avait dans ce moment historique particulier, une place suffisante pour une véritable Révolution (je ne parle pas d’une révolte qui semble être un sursaut violent, sans but et sans idée, mais d’une véritable révolution bâtie sur une réflexion, et qui amène une transition vers un lendemain meilleur) : un développement sociétal français rationnel modéré et fédérateur. A mon sens, même si cela y a contribué, ce n’est pas l’anti-sarkozysme primaire, viscéral qui a fait élire François Hollande, mais bel et bien une jeunesse mue par ces valeurs, oubliée depuis bien trop longtemps par l’ensemble de la classe politique.

La violence du réveil fut à la hauteur des espérances. Je ne parlerai là que de ma propre perception : je n’ai jamais vu un parti politique autant légiférer sur « la pensée » ou la « morale ». C’est comme si la Gauche se réservait ontologiquement le droit de prescrire de la morale et s’en trouvait la garante exclusive. Tout ce qui ne pense pas comme elle, n’est pas républicain. Au lieu de promouvoir le vivre-ensemble  par des actions d’éducation, d’échange culturel, de dialogue etc, la gauche préfère stigmatiser les personnes par la culpabilisation de masse, par des lois communautaires (un plan antiracisme sans prémisse éducatif encouragera la surenchère communautariste, et confinera durant un temps seulement, une hostilité qui s’exprimera tôt ou tard dans les extrêmes). C’est comme cela que l’on créé un mal qui n’est présent que dans une fraction infime de la population.

Le Socialisme s’évertue à créer des sortes de « totems de malfaisance » (Zemmour, Dieudonné, Le Pen pour ne citer qu’eux) empêchant toute forme de réflexion et relayant à longueur de médias, une France raciste, proche de son image collaborationniste et cela m’est insupportable que l’on insulte mon Pays comme cela. Chaque pensée ou réflexion dissidente est immédiatement criminalisée. Pourtant, ce n’est pas le peuple français qui a choisi de renvoyer les roms comme des malpropres, dans un pays qui a l’élégance de garder leur misère loin de nos yeux... La distinction communautaire devient insupportable : musulmans, juifs, issus de l’immigration, catholique... Nous sommes français, et laïcs. Point. La Gauche aura finalement réussi durablement là où la Droite avait échoué avec son débat sur l’identité nationale : cristalliser la peur de l’autre et fragmenter durablement la société. L’angle de la citoyenneté n’était pas assez efficace. La morale (qui a des fondements religieux) ; voilà l’arme socialiste !

D’autre part, et c’est peut-être le point le plus important : Je n’irai pas sur le terrain de la Liberté d’Expression à géométrie variable. Je ne m’étalerai pas non plus sur la faible représentativité de la gente politique, par rapport à la population réelle. Je n’écrirai rien sur l’absence de référendum. Ni même sur l’impossibilité de révoquer un élu (même avec un casier judiciaire !). Je ne me prononcerai pas sur certaines indemnités ou salaires indécents, ni sur l’absentéisme non sanctionné, encore moins sur certaines nominations loin des scrutins, ni sur le bien-fondé de ces nominations sur des postes parfois obscurs. Je ne traiterai pas non plus le fait que le paysage politique soit, à quelques exceptions près, le même qu’à l’époque à laquelle je suis né. Je ne m’attarderai pas sur cette verticalité monarchique qui permet à un individu seul, de prendre à contre-pied tout un électorat, sans devoir se justifier ni en référer à quiconque. Je n’aborderai pas le Front Républicain ; ces alliances faites après scrutin qui permettent aux battus de passer outre le choix populaire. Je ne parlerai pas non plus du Référendum de 2005 avalé de force. Je n’aborderai même pas le fameux 49-3. Pas plus que je ne m’attarderai sur la résistance molle des « frondeurs », qui ne le sont, qu’à un certain point seulement. Ni sur cette question indécente et plutôt atroce qui a été posée, de savoir s’il fallait sanctionner les opinions dissidentes au sein d’un parti...

Mais tout de même ; l’idée qui en découle est la suivante : la France a perdu de sa superbe, en termes d’Etat démocratique et en termes de probité politique également.

De fait, il y a cette chose que l’on ne nomme pas, et qui « n’existe pas ». Ainsi, aucune personnalité politique, aucun grand parti n’utilisera les termes ou n’abordera frontalement la question de « corruption ». Le digne héritage orwellien ; la novlangue semble ainsi faire son travail. Dans les débuts des années 90, a eue lieu en Italie, la fameuse « Opération Mains Propres ». Un grand plan de lutte contre la corruption, dans lequel les citoyens ont pu s’impliquer, notamment en soutenant la justice pour qu’elle puisse garder son indépendance. Cette opération a révélé une corruption politique dans des proportions dantesques et faisant chuter dans son sillage, d’éminentes personnalités politiques. Et il serait de bon ton, de s’en inspirer. Même si l’Histoire de l’Italie est différente (bâtie sur les l’histoire des mafias), la France semble elle, s’accommoder des nombreuses « affaires » qui fleurissent depuis une vingtaine d’années. Des mécanismes étranges, uniques au monde (verrou de Bercy, délais de prescription courts, procédures interminables, amendes payées par la collectivité plutôt que par un coupable avéré, regards des personnes incriminées sur des dossiers en cours...) semblent protéger la délinquance financière, infatigable moteur de la corruption. Des alertes graves, jalonnent pourtant depuis des années, le parcours politique. Et ce sans parler de porosité discutable de cette classe avec le monde des affaires, soulevant de temps en temps l’indignation quant aux questions de conflits d’intérêts manifestes. Et chaque citoyen de se dire : « si c’était moi, je serais déjà à l’ombre pour un moment ». Ce qui laisse un sentiment diffus et très amer, qu’il existe une impunité manifeste de la classe politique, de cette classe dirigeante en général, du fait d’une grande mansuétude du « système » face à d’éventuelles sanctions.

Enfin, tout semble se passer de transparence. Tout semble caché. Hors de portée du citoyen. La moindre décision, le moindre débat, la moindre tractation avec des partis tiers, ont été confisqués. L’un des derniers exemples en date : le Traité Transatlantique TAFTA, dont les textes sont très difficiles à trouver, et dont les termes mettent la France et l’Europe face à des dangers économiques et sanitaires considérables. La souveraineté populaire s’est évanouie. Elle n’existe plus. Tout au plus ai-je le sentiment en votant, au mieux d’être artisan de mes propres chaines, au pire ; de devoir choisir entre la Peste et le Choléra.

La pierre de rosette du vote FN est ici : défaut de probité, opacité systémique, absence de perméabilité entre Pouvoir et citoyens. Non le supposé racisme. Même lorsque nos politiques (tous partis confondus), parlent du vote FN,  ils parleront de « désespoir », de « populisme », mais AUCUN ne lancera l’idée qu’il faut lutter contre la corruption politique en incluant dans l’équation, les idées citoyennes. C’est la culture de l’entre soi qui exclus d’emblée chaque citoyen, qui doit faire face seul, au délitement de sa souveraineté. Je pense, mais je peux me tromper, que la sensibilité politique à Droite, de la majeure partie de la population française, ne l’est non pas par goût libéral et mondialiste, mais parce que la Droite représente de façon tacite, le refuge des personnes qui recherchent les valeurs morales chrétiennes (respect, honnêteté etc). A mon sens, le libéralisme non jugulé a fait voler ces valeurs en éclat, cassant du même coup le « Contrat Social » qui repose  principalement sur la souveraineté populaire et l’intérêt général, sous peine de voir la société se désintégrer.

C’est pourquoi je pense que le vote seul pour élire certains représentants, ce n’est pas suffisant pour s’enorgueillir d’être la meilleure démocratie au monde.

Rendre le vote obligatoire étant à l’ordre du jour, tout ceci me semble intolérable. Et c’est pourquoi, j’ai décidé de découper et de rendre ma carte d’électeur au Président de la République.

Je ne me sens ni représenté, ni écouté, ni entendu. Je ne suis plus en accord avec les pratiques politiques actuelles. Notre devise « Liberté, Egalité, Fraternité » n’a plus de sens. Je ne prétends pas détenir la vérité. Encore une fois il ne s’agit que de ma propre perception, dont je peux cependant trouver l’écho ci et là.

Je n’ai aucune sorte d’affinité avec un quelconque parti. Ni grand, ni petit. Je n’y vois que des combats de postures, et cultes de personnalités. Les partis politiques actuels, en voulant « incarner » une idée, un thème, les vident de tout sens et en proposent une caricature, manichéenne parfois, tout en interdisant à l’adversaire de se l’approprier. Au mieux, on peut être pour ou contre ou se disputer le bout de gras sémantique. Ce refus de compromis et de dialogue limite la réflexion. Tout relais médiatique de la parole politique, semble vouloir faire appel à l’instinct de la population, aux affects, suscitant la réaction, la sur-réaction, fragmentant toujours un peu plus, des liens sociaux de plus en plus ténus.

Quant au vote pour le parti de Marine Le Pen... Je l’ai envisagé, mais c’est l’une des raisons qui me font rendre ma carte aujourd’hui. Le Front National a adopté un discours social. Pour ne pas dire National Socialiste (dans le sens « léniniste ») séduisant. La culpabilisation médiatique des électeurs, l’acharnement politique pour ériger le FN comme objet de détestation, et tout ce que j’ai pu écrire plus haut, participent à me tenter. Mais il faut être clair avec soi. Le FN, c’est avant tout une dynastie. On ne peut aspirer à la véritable démocratie et voter (si cela sert encore à quelque chose), pour un parti qui n’accepte à sa tête, que des membres de la même lignée. Cela en dit long sur la conception du pouvoir. Et dans le fond, ce n’est pas si éloigné de ce que j’essaye de dénoncer. D’autre part, je sais d’où part ce mouvement.

Cet écrit est aussi une digue de sécurité face au vote facile.

Voilà. Ce sera là mon dernier point : à travers cette initiative personnelle d’écrire à différents journaux, c’est le souhait d’ouverture qui s’exprime. Il ne s’agit pas d’un acte colérique. Cette lettre n’est pas le soubresaut  d’un énième pseudo révolté, mais c’est le geste d’une personne qui souhaite pouvoir relancer en toute simplicité, le débat sur la question démocratique, à son niveau. Parce que le rôle de la Presse c’est aussi ça : devenir relais de la parole citoyenne. Faire le lien. En tout temps. Comme une bouteille à la mer, je souhaite que cette lettre soit ouverte par quelqu’un qui en fera quelque chose. Il faut, je crois, que le débat sur le pacte social et républicain soit relancé d’une manière ou d’une autre, et ce par la base de la société : les petites-gens. Le fait d’écrire à la presse se justifie ainsi : des journalistes, dont c’est le métier, seront bien plus doués que moi pour ce travail ; le souci de la synthèse, la science des mots qui font mouche, la maitrise de ces éléments qui font qu’un débat est audible ou non, le tout sans couleur politique, sans militantisme prosélyte. Juste un acte citoyen, mû par la force des convictions raisonnées et raisonnables.

Je vous remercie sincèrement de m’avoir lu jusqu’au bout.

(mail)

Cordialement

                                                                                                                             Un citoyen concerné

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