Lundi 9 juillet, le GIEC publiait des éléments de son dernier rapport sur le climat, le premier datant de 1990.
Inutile de dire que les conclusions sont loin d’être optimistes et sont de plus en plus, non pas alarmistes, mais effrayantes. Le même matin, je tombe machinalement sur une partie de la matinale de BFMTV, au moment de la chronique économique d’Emmanuel Lechypre. La chronique fait justement référence à ce rapport du GIEC. Ma première réaction a été de me dire « tiens intéressant que la rubrique économie parle de ce rapport, c’est bon signe ! ». Il va de soi que j’ai fait preuve de naïveté. La chronique débute par des banalités et des poncifs sur le fait que des indicateurs montrent que lorsque la température monte d’un degré, la consommation de bière augmente de X%, ainsi que celle du gaspacho. On apprend aussi, bouche bée, que la fréquentation des cinémas et autres lieux climatisés augmente également. Finalement, le jour de la publication d’un rapport à la portée internationale dont l’importance est cruciale, l’analyse d’un économiste/éditorialiste se limite à ces conclusions inutiles pour ne pas dire déplacées. Quand je dis « se limite », je ne suis même pas tout à fait rigoureux puisque la chronique ne s’arrête pas là, M Lechypre nous offre ses précieux conseils boursiers en indiquant dans quel secteur il faudra investir à l’avenir, sous-entendu en période de crise climatique. Voilà, nous sommes à l’aube d’une des périodes les plus cruciales de l’humanité et tout ce que les économistes des médias trouvent à dire, c’est que la consommation de bières va augmenter et comment en tirer profit. Je suis resté triste et démoralisé par cette chronique.
Ne me faites pas dire ce que je n’ai pas dit, je ne pêche pas par naïveté au point de croire que le secteur économique se soucie particulièrement d’autre chose que de faire du profit, mais je ne m’attendais pas à tant d’insouciance assumée. Cela va d’ailleurs dans le sens de nombre de conversations que je peux avoir en famille ou entre amis. Loin d’être un modèle de comportement écologique, j’essaie d’apporter ma contribution et parle souvent de ces sujets. Je suis donc catalogué comme « l’écolo ». J’ai souvent droit à des sarcasmes ou des propos ironiques sur telle ou telle prise de position des verts (auxquelles je suis sensé adhérer à 100% à chaque fois apparemment). Ou alors, on me demande si on va bientôt devoir ranger les voitures au profit des charrettes ou comment allait se passer la décroissance. En 2021, beaucoup pense que nous sommes encore dans une période où on peut se payer le luxe d’être sarcastique et moqueur. Le temps viendra très vite où il ne sera plus possible d’en plaisanter, de faire semblant que nous avons le temps ou de dire, comme j’entends souvent que « les sociétés sauront s’adapter t’inquiète pas ». La situation va se dégrader et s’envenimer bien plus vite que beaucoup ne le pense. Pas forcément pour nos petites vies d’européens dans un premier temps. Mais des réfugiés climatiques par millions vont apparaître et il ne s’agira plus de discuter de la répartition à l’échelle européenne de quelques dizaines de milliers de réfugiés syriens ce qui a déjà mis mal à l’aise tant de personnes. Ce seront des millions de personnes qui n’auront pas d’autres choix que de fuir leur pays pas manque d’eau, de ressources etc.
Aurélien Barreau, cosmologiste et activiste écologiste (je ne sais pas s’il validerait cette qualification), est clair dans ses propos. Les personnes, comme ces économistes, qui défendent encore le modèle capitaliste tel qu’il est aujourd’hui sont des bouffons. Je pense qu’il a totalement raison. Le temps n’est plus à la demi-mesure. Malheureusement, je suis pessimiste car comme il n’existe pas d’instance internationale supérieure aux nations (pour le pire et le meilleur), un changement de modèle ne peut être effectif que si l’ensemble des principaux pays, pour ne pas dire tous les pays, abonderont dans ce nouveau modèle. Or il y aura toujours (jusqu’au point de rupture du système) de la concurrence ou la possibilité de s’enrichir plus que le pays voisin en ne respectant pas telle ou telle disposition. L’échéance pour moi ne peut être autre que le point de rupture, un évènement mondial cataclysmique qui forcera, aucun autre verbe ne peut convenir, les Etats à changer.
Je pense pour terminer, que nous, citoyens, avons bien sûr notre rôle à jouer, mais qu’il n’est que secondaire. Trier les déchets, poser des panneaux solaires sur son toit sont des gestes utiles mais tellement insuffisants. Même en parlant du rôle politique que les citoyens peuvent exercer par leur vote, la décision d’un changement de modèle économique n’est plus entre les mains des gouvernements. L’impulsion doit donc être systémique, venir « d’en haut », sans quoi, elle ne sera jamais suffisante.