Le dernier ouvrage de Roger Martelli, Communistes en 1968, le grand malentendu, restitue un moment clef de l'histoire communiste sur toute la période de 1968 face au printemps français et à la tragédie tchécoslovaque, deux crises essentielles « plus entremêlées que les acteurs n'en ont conscience sur le moment ».
L'auteur resitue l'évolution sociologique de l'appartenance au PCF et de son influence. Il montre comment le "malentendu" de l'organisation communiste en mai 68 repose sur des analyses et des pratiques liées à une période qui s'achève, avec l'accélération des mutations sociales : si mai-juin 68 marque l'apogée du mouvement ouvrier (et de la société industrielle), il est aussi le signe avant-coureur de son déclin. Le PCF veut encore incarner « l'ordre prolétarien » - ce qui a fait sa force - alors que monte « surtout dans les jeunes générations le refus des ordres installés [...] voire de l'allégeance à des organisations ».
Désarroi politique et incapacité à s'émanciper réellement de la tutelle du parti communiste de l'URSS fragilisent la même année les positions du PCF et ses relations avec les communistes tchécoslovaques et le rendent finalement impuissant dans son rôle de médiateur face à la menace puis la concrétisation de l'écrasement du Printemps de Prague par les chars soviétiques.
Ces deux phases d'évènements amèneront le PCF à un « toilettage » et une « adaptation par petites touches » de son « dispositif politique et mental, mais il le fait sans toucher à son ossature profonde ».
Aux 99 pages d’analyses s'ajoutent une chronologie (1966-1971) et 57 documents et archives et de très nombreuses notes, entre autres bibliographiques. Voir la table des matières ici.
Michèle Kiintz
Communistes en 1968, le grand malentendu, Les Éditions sociales, 304 p., 22 €.
* Expression empruntée par R. Martelli à Alban Bensa et Eric Fassin.
Paru dans Cerises n°347, 4 mai 2018