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Billet de blog 4 mars 2023

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Retraites : un choix de société

La mobilisation contre la « réforme » est à la fois importante et belle. Importante par le nombre de participant·e·s aux grèves et aux manifestations et par l’ampleur du soutien au mouvement, cela dans la durée. La presse évoque une « giletjaunisation » du mouvement mais est-ce que cela ne va pas maintenant plus loin ?

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Retraites : un choix de société

La mobilisation contre la « réforme » est à la fois importante et belle.

Importante par le nombre de participant·e·s aux grèves et aux manifestations et par l’ampleur du soutien au mouvement, cela dans la durée.

Belle parce que toute la France participe ; des grandes métropoles aux villages, tous les âges, des plus jeunes aux plus vieux, toutes les corporations, le public et le privé, au-delà des sphères syndicales ou politiques. La presse évoque une « giletjaunisation » du mouvement mais est-ce que cela ne va pas maintenant plus loin ?

Les manifestations sont porteuses de mots d’ordre exprimant l’envie d’une autre société, plus humaine : «  je veux vivre à taux plein, je veux profiter de mes enfants, de mes petits-enfants, de mes grands-parents, je ne veux pas perdre ma vie à la gagner… ». Mais aussi de l’envie de vivre l’activité humaine autrement, revendiquant l'émancipation du concept capitaliste de salariat comme seule activité reconnue, avec des slogans tels que : « ni Patron ni Patrie ni Macron ni Mari, un corps c'est précieux, libérez-moi du boulot... ».

Sourds à ces aspirations le pouvoir veut imposer sa « réforme » coûte que coûte, pourquoi ?

Au-delà de l’orgueil jupitérien, c’est une constante pour les forces du capital de remettre en cause les acquis sociaux et en particulier ceux de la sécurité sociale et de sa branche retraite… Il leur est insupportable de ne pas avoir la main sur les revenus et les activités sociales des retraités. Pour eux, les revenus des retraités sont des coûts qui grèvent leurs supers profits et dividendes.

Depuis la création de la sécurité sociale, le capitalisme cherche à saper ses principes de reconnaissance des individus, de solidarité et l'autonomie des travailleurs. Tellement préoccupés à garantir la croissance et les bénéfices, nos « grands dirigeants » sont incapables de comprendre l’importance sociétale et macro-économique de l’activité des retraités et de leurs revenus réinjectés dans l’économie.

Ce sont, en définitive, deux visions de l'être humain et du travail qui s'opposent, avec, d'un côté l'idée d'une gouvernance dominatrice à laquelle chaque individu doit être soumis au capital à tout moment de sa vie, et de l'autre, la promotion d'un individu émancipé, reconnu pour ce qu'il est et ce qu'il fait.

Cette volonté de prioriser la rentabilité et la pérennisation du capital, sous prétexte de ruissellement dont on sait qu’il n’existe pas, marque l’ensemble des « réformes » dont la constante est de réduire les coûts sociaux pour favoriser les profits. C’est le cas des lois travail et chômage très cohérentes avec celle pour les retraites, les trois étant complémentaires, voir indissociables. Pour eux, nous ne sommes plus des êtres humains, mais des données économiques au service des plus puissants.

Les sondages sont édifiants, 70% des citoyens, 90% des salariés sont contre le projet de loi ainsi que l’ensemble des syndicats de salarié·e·s, et même certains syndicats patronaux. Où est, à l’assemblée nationale, la représentation de cette opposition massive ? Il y a un divorce profond entre des millions de gens qui bougent et le parlement incapable de prendre en compte, dans la loi, cette volonté populaire largement majoritaire. Certes, les batailles de procédure ont fait que la loi n’a pas été votée en première lecture mais, à la fin, le gouvernement, seul contre tous, pourrait avec l’utilisation du 47-1 ou des combinaisons politiciennes, imposer une loi aussi massivement rejetée.

La démonstration est édifiante : le système représentatif ne fonctionne pas. Pour muscler le rapport de force, avoir encore plus de monde dans l’action, pour accroître encore le soutien de l’opinion au mouvement, il faut maintenant ouvrir des perspectives d’alternative politique.

Les manifestants expriment de multiples motivations et aspirations : dénonciation des dividendes, des super profits, des revenus financiers et spéculatifs. Ces ressources confisquées qu’il serait plus juste et utile de consacrer à la satisfaction des besoins sociaux et à l’urgence climatique.

Le fossé se creuse entre le peuple et une classe dirigeante décomplexée, aveuglée par l'accumulation de milliards avec notamment leurs fonds d'investissement, véritable machine à cash engendrant gaspillage, corruption et évasion fiscale. Dans le même temps, refusant de prendre la mesure du danger climatique, le capitalisme tente de sauver son modèle en espérant des solutions miracles de dernière minute tout en nous détournant de l'urgence climatique par des solutions capitalistes inadaptées (greenwaching…), culpabilisantes et largement insuffisantes. La sobriété, en fait l’austérité, c’est pour le peuple mais l’opulence des nantis est sacrée.

L’objectif ne peut se limiter à combattre les inégalités, disputer aux ultras riches leur enrichissement mais, au-delà, de remettre en cause ce qui fait système : le moteur de la reproduction du capital érigeant le profit comme objectif central de l’activité économique. Et c’est en fonction de cet objectif que l’actionnariat décide des choix de production, exige toujours plus de productivité, souvent en ne tenant pas compte des besoins des humains et de leur environnement. Ces choix génèrent la souffrance au travail, la perte de sens pour les salariés, y compris pour les plus qualifiés, nourrit trop souvent le phénomène de grande démission et menace l'existence même de l'humanité.

Cette centralité de la recherche du profit implique la remise en cause de la baisse du temps de travail (32h, retraite à 60 ans) alors même qu’il serait possible de réduire le temps de travail en le partageant entre tous les actifs de moins de 60 ans, voir plus jeunes. Ainsi l'argument démographie et la solution nataliste machiste ne tiennent pas et vont dramatiquement à contre-sens des impératifs écologiques .

Prendre en compte l'aspiration de la population suppose de virer les actionnaires qui ne produisent aucune richesse, reprendre la main sur le travail afin d’utiliser sa valeur ajoutée pour alimenter nos caisses de sécurité sociale, dégager des moyens au service de tous et financer la transition énergétique.

Les cotisations retraites appartiennent aux salariés, à eux de gérer leurs caisses de retraites, inutile de passer par l’État. Cela vaut aussi pour tous les autres organismes servant l'intérêt général.

Plus globalement, n’est-ce pas l’occasion de poser la question d'une véritable démocratie marquée par l’exercice populaire du pouvoir dans la cité comme dans l’entreprise ?

Association des Communistes Unitaires

Le 03 mars 2023

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