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Billet de blog 7 janvier 2012

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Les Palestiniens et la communauté internationale face au projet d’apartheid israélien

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Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.

Malgré l’adhésion de la Palestine à l’Organisation des Nations unies pour l'éducation, la science et la culture (UNESCO) et la libération récente de nombreux prisonniers palestiniens et de Salah Hamouri, le conflit israélo-palestinien est dans l’impasse.

En Israël, une résistance citoyenne se développe sur la question sociale, concrétisée par un fort mouvement des Indignés cet été. Et la dernière période a été marquée par le mouvement des femmes contre les régressions voulues par les religieux ultra, dont des manifestations extrémistes des derniers jours - utilisant des enfants portant des habits de prisonniers et l’étoile jaune - viennent de provoquer un scandale important.

Pendant ce temps, la population des territoires palestiniens continue d’être persécutée. Jean Brafman, de retour d’un séjour en Palestine au sein d’une délégation française, témoigne.

DJ’ai fait partie d’une délégation de l’Association des élus communistes etrépublicains de Seine-Saint-Denis et de l’association Aulnay-Palestine Solidarité(1. Cette association de solidarité en faveur du peuple palestinien a fait un travail remarquable de préparation, en associant en France des participants très divers, hors de son territoire d’animation habituel. Lors de ce voyage, j’ai été porteur à la fois de mon militantisme très ancien en faveur d’un État palestinien indépendant et viable, qui inclut bien sûr le soutien aux pacifistes israéliens, mais aussi de la parole des Communistes unitaires et des préoccupations, en matière de coopération, de Saint-Denis et de Plaine-Commune. On remarquera que j’emploie plus le terme de Palestine que celui de territoires occupés : « It’s the time »…« Yes, we can now ».

Notre confrontation au mur qui s’étend sur des centaines de kilomètres en grignotantla ligne verte des frontières de 1967 a également été un point fort de ce voyage. Nous l’avons dénoncé avec les Palestiniens à B’illin comme cela se fait tous les vendredis. Nous avons partagé avec eux gaz lacrymogènes et lance-jets de liquides malodorants. Bethléem, Ramallah, Al Ram, Jéricho, Mer Morte - une colonie touristique ! -, Tulkarem et ses villages voisins, Nazareth, Jénine, Naplouse, Samarie, ont été autant d’étapes où se sont combinés contacts avec la population, échanges avec des militant/e/s, réunions avec desorganisations et associations, visites et découvertes de structures d’artisanat, de paysages et de monuments attestant du potentiel palestinienqu’Israël s’évertue à contrecarrer quand elle ne peut pas s’en emparer.

Qu’est-ce qui t’a le plusmarqué ?

Tout ceci constitue un système global et cohérent visant à structurer l’appropriation de territoires, la relégation de la population et son enfermement - son stade ultime est en application à Gaza - ; tout en assurant une assistance minimale : UNRWA - Nations unies - pour les réfugiés de 1948 (dont nous avons visité des camps), USAIDS marquant les oboles américaines pour améliorer le paysage du quotidien sans rien enlever, bien aucontraire, de la logique du système que les Palestiniens nomment, à justetitre, apartheid2. Des documents sont disponibles qui décrivent parfaitement ce processus, relevant des similitudes du projet israélien en Palestine et celui, vaincu, del’ancien gouvernement d’Afrique du Sud : 12 % du territoire de la Palestine historique qui seraient sous autorité palestinienne, constitués de Gaza et de parcelles dispersées et reliées en Cisjordanie par des routes et tunnels "ethniques", soumis à une exploitation économique massive… et ayant vocation à regrouper, maintenant ou à terme, la population discriminée dont celle reléguée ou expulsée des 88 % sous administration israélienne.

Quelle est la situation concrète de la population ?

Ceux que nous avons rencontrés, simples citoyens ou représentants de différentesorganisations, nous ont dit : « Aidez-nous, intervenez partout pour que cesse tout de suite l’occupation et la colonisation ». Cela venait avant même la revendication de la reconnaissance de l’État palestinien, le 194ème à l’ONU, même si cette exigence est omniprésente dans un territoire dont moins de la moitié de la superficie est géré directement - mais sous regard israélien - par l’Autorité palestinienne. Le reste du territoire est un mélange de secteurs directement ou indirectement sous empreinte israélienne. Une situation ubuesque pouvant affecter des quartiers proches, entravant les déplacements – des check points fixes ou mobiles avec parfois des heures d’attente selon les caprices militaires. Travailler, étudier, visiter ses amis et familles, vaquer à des activités sociales et économiques relèvent, dans ces conditions, de l’exploit. Ainsi une rencontre fortuite au pied d’une installation de sécurité ayant englobé des villas palestiniennes : le directeur de l’université qui y habite, peut devoir attendre un quart d’heure ou cinq heures devant une barrière pour retourner chez lui. La dignité, c’est lui. L’indignité, ce sont les forces de répression, des jeunes souvent, ce qui interroge sur les conséquences dans la société israélienne.

Cependant, ce qui retient le plus l’attention, c’est un certain décollage des activités à Ramallah et dans quelques secteurs palestiniens, autour d’une multitude de constructions, de l’implantation de banques et de leurs publicités, de commerces flambants neufs. La révolution nationale palestinienne n’est pas - ou n’est plus - une révolution sociale, les inégalités se creusent, une classe moyenne se développe, ayant accès aux biens et produits alors que la misères’étend dans bien des territoires, et pas seulement sous le coup de l’occupation. C’est la contradiction de la société palestinienne actuelle, qui renvoie à la dynamique nécessaire des forces progressistes palestiniennes et à leur unité. Tout en considérant que l’unité nationale suite aux accords récents OLP- Hamas est saluée par tous, et pas seulement par les militants.

Je souligne enfin qu’aucun de nos interlocuteurs n’a exprimé de vision raciste, ni eu des propos antisémites, et que quasi tous - à l’exception de quelques acteurs de la société civile - sont pour deux États distincts : Palestine et Israël.

Quelle est la situation concernant lesprisonniers palestiniens ?

Nous avons reçu, pour une rencontre amicale et des échanges, les parents de Salah Hamouri, Denise et Abou. Nous avions également vu à plusieurs reprises son oncle Zyad qui est très engagé dans les luttes contre les expulsions de logements et pour le soutien aux prisonniers, notamment les enfants.Autant le dire, ce sont des personnes formidables, d’une rigueur absolue et dont le militantisme ne se départit jamais d’une humanité et d’un sens profond du collectif. Ils ne cèdent rien, ils ne lâchent rien ; lui-même, ils nous l’ont dit, a été inflexible sur le respect qui lui est dû de ses convictions, de son innocence. Malgré les conditions désastreuses et vexatoires de détention. Nous avions choisi la date de notre voyage pour l’accueillir à sa sortie de prison, Israël a joué avec savie et prolongé sa détention. Aujourd’hui, il est libéré, enfin ! Nicolas Sarkozy n’a pas fait grand-chose pour cela et cela rejoint la valse hésitation concernant l’admission de la Palestine : oui à l’UNESCO, non à l’ONU… les Palestiniens n’apprécient pas. Notons que Bertrand Delanoë, de passage à Jérusalem, a semblé découvrir cette situation : honteux… alors que Paris a tout fait pour Guilad Shalit !

Dans l’un des messages de votrejournal de bord sur le Net, votre délégation a évoqué le problème des crimes d’honneur. De quoi s’agit-il ?

Les femmes palestiniennes, en pointe dans les combats pour la liberté, l’indépendance et l’égalité, ne l’acceptent pas. Et cela fait l’objet detensions importantes au plan politique, notamment quand la question d’intégrer cette pratique dans la Constitution palestinienne en préparation a été avancée. Devant la levée de boucliers que cela a provoqué, une première victoire a été obtenue et l’article incriminé retiré. Le rassemblement sur la question nationale ne doit pas masquer les affrontements qui ont lieu sur les questions sociales et surtout sociétales.

Où en est le combat politique pour lapaix ?

L’effondrement du courant pacifiste en Israël n’est pas de bonne augure pour y parvenir mais l’action conjointe avec les organisations de la gauche radicale d’Israël -Hadash, Daam, Meretz, etc…- et leurs associations citoyennes se poursuit et se renforce. L’élargissement dépendra du rapport de forces en Israël où le glissement de l’État vers l’extrême droite est évident, entraînant dans son sillage droite et sociaux-libéraux. La situation n’est pas figée. Ainsi, une majorité desIsraéliens est pour un État palestinien, sans parler de l’explosion sociale, apparemment sans liens initiaux avec les questions de la paix, qui a eu lieu cet été avec les Indignés israéliens.

Avez-vous abordé la récente reconnaissance de la Palestine par l’Unesco ?

Un mélange de détermination et de résistance, de patience, de modération avec beaucoup d’interrogations et un peu de désespoir, notamment chez les jeunes. Mais surtout une attente générale : que s’arrêtent l’occupation et la colonisation israéliennes avec une urgence particulière pour Jérusalem Est. Et que tous les peuples, toutes les nations interviennent, fassent arrêter ces processus. Au-delà de notre solidarité morale, politique, matérielle, c’est de ce combat, le nôtre, dont ils ont le plus besoin aujourd’hui, avec son corollaire : l’exigence de la libération de tous les prisonniers, adultes et enfants.

Ceuxque nous avons rencontrés sont des Indignés, pour une part engagés dans les mouvements progressistes non sionistes, des dirigeants du PCI et des Palestiniens d’Israël associés au PCI dans la gestion de Nazareth. À des degrés divers, ils témoignent d’une dérive profonde de la société israélienne avec une crise économique, sociale et morale très profonde : l’ultralibéralisme, le chômage, un enfant sur trois sous le seuil de pauvreté et la concentration des richesses - 50 % entre les mains de 12 familles -, la montée incessante des idées d’extrême-droite et ultra-religieuses et de leur agressivité, les conséquences graves de l’occupation et de la colonisation - coût et dégradation morale. Des centaines de milliers d’Israéliens se sont mobilisés durant l’été 2011, mais pour la plupart sans lier l’ensemble de ces questions. Là aussi, il faut absolument entretenir des relations avec eux pour contribuer à cette prise de conscience, au besoin d’unité, de rassemblement et de perspectives alternatives.

Quelles sont les priorités à porter enFrance ?

Elles se poursuivent et on a pu en voir les résultats : jardin d’enfants dans un camp de réfugiés avec Stains, restauration de sites historiques avec Lyon… Mais les Palestiniens souhaitent renforcer des coopérations à intérêts partagés : un apport concret pour eux, un retour concret également pour les habitants des villes concernées. Dans ce sens, nous avons été témoins des préparatifs de tournées théâtrales palestiniennes en France et d’une aspiration pour un développement du commerce, en particulier alimentaire, avec la France. Il reste à imaginer encore bienplus à des niveaux de collectivités non explorés - communautés d’agglomération, districts palestiniens. Nous pouvons faire quelques propositions, notamment à partir des collectivités à gestion progressiste et communiste.

Où en est la mise en place d’échange de solidarité entre Palestiniens et Français dans les domaines différents ?

http://aps93600.blogspot.com/ Voir en particulier le témoignage de Françoise et Daniel.

(2) Pour étayer ce point, lire : http://fr.wikipedia.org/wiki/Apartheid

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