Sorti le 13 mars, Notre monde n’a pas à ce jour l’écho qu’on peut espérer. Est-ce parce qu’il relève du genre documentaire, qui reste un parent pauvre de la programmation des salles obscures ? Ou parce que la succession de témoignages portant une « commune pensée sur la civilisation qui est en train de s’achever » paraît difficile d’accès au plus grand nombre ?
Toujours est-il que le film et le site internet qui va avec (notremonde-lefilm.com) sont une expérience intéressante de « faire de la politique, et si possible autrement ». La démarche agence des paroles singulières appelées à contribuer au pot commun du film : on y constate à la fois la puissance de la critique du libéralisme, des limites de la démocratie actuelle, des surenchères nationalistes. Et on y entend des réflexions substantielles sur les valeurs communes qui méritent d’être défendues et promues. « Notre monde parle de l’insupportable du présent, du jusqu’où et du jusqu’à quand… ? De l’insoutenable et du souhaitable… et de la nécessité de cette commune pensée qui doit nous sortir des croyances collectives et nous réapprendre à voir », souligne le réalisateur Thomas Lacoste.
Cependant, l’appel à agir reste un peu (trop) sur le seuil de la porte ouverte par les 35 intervenants. Et s’il vaut le coup de voir le film, c’est aussi pour s’intéresser à ce qui lui manque. En premier lieu, peut-être, une part de débat pluraliste, et pourquoi pas contradictoire. Le parti-pris de faire émerger un monde autre ne nécessite-t-il pas quelques confrontations d’idées, pour dépasser la juxtaposition des apports et dégager vraiment du global ? Et aussi pour traiter de questions où les propos peuvent être divergents (exemple : l’un propose de demander à l’État d’agir sur lui-même pour résoudre ses crises internes, tandis que d’autres sont sur un horizon de dépassement de l'État ; l’un appelle à plus d’universalisme tandis que l’autre en formule une critique radicale.)
En second lieu, il manque une réflexion sur la structuration et l’organisation des rapports de force, sur les modalités de l’action. N’aurait-il pas été bénéfique, dans ce but, de croiser les regards intellectuels et les expériences d’acteurs de terrain, ce qui au passage aurait désarmé la critique d’élitisme. Quoi qu’il en soit, ce film nécessaire souligne bien le problème des lieux de la politique, destinés à « l’appropriation de tous et de chacun des possibles de dire, d’imaginer, de projeter ».
Gilles Alfonsi, 4 avril 2013
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Dossier de Cerises n° 174