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Billet de blog 12 avril 2013

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Face aux scénarios de l’austérité et de la crise politique, le mouvement, c’est maintenant !

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Loin d’être à la hauteur des enjeux, les annonces de François Hollande et Jean-Marc Ayraud concernant la « moralisation de la vie politique » témoignent d’un aveuglement persistant sur la gravité de la crise politique, tandis que l’austérité reste leur boussole économique. Quels scénarios pour la suite et quels leviers pour agir ?

En quelques semaines, le climat politique s’est (encore) fortement détérioré. L’affaire Cahuzac a été un déclencheur, mais le gouvernement est confronté à plusieurs crises. Il est en panne face à la crise économique et dans l’impasse de l’austérité. Il subit une confrontation virulente sur le mariage pour tous sans tirer aucun bénéfice du soutien d’une majorité de citoyens au projet de loi. Il est perdant face à la lutte contre l’aéroport Notre-Dame-des-Landes et déficitaire sur la transition énergétique. Il perd des plumes à gauche en se situant dans la continuité des politiques répressives de Claude Guéant. Il subit de front la  crise (anti-)démocratique, dans ses dimensions multiples : incapacité du politique à reprendre du pouvoir sur la finance, crise de la représentation par les élus et les partis, affaires multiples qui démasquent la connivence étroite entre une partie conséquente du monde politique (du Parti socialiste au Front national) et les intérêts dominants du côté de la finance.

Ce qui se révèle, c’est que le discours en faveur de l’austérité et l’existence de la fraude fiscale ne s’opposent pas. Ils s’entremêlent dans une conception cynique de la vie politique, économique et sociale ; et ils ont partie liée dans la mesure où l’idée que la vie économique n’a pas à être régulée ou administrée va parfaitement avec l’absence d’objectifs et d’outils pour lutter contre l’évasion fiscale.

Ainsi, le système politique n’est pas gangrené par hasard ni par accident, mais au contraire il obéit à la domination du libéralisme économique. Nous sommes dans les faits rentrés au plus haut niveau de l’État dans un discours hypocrite : comme l’écrit Francis Wurtz, « il est malheureusement inexact d’imaginer - comme un certain nombre d’électeurs de gauche continuent de le faire… - que François Hollande "fait ce qu’il peut" dans les cercles dirigeants européens ! Il n’a ni cherché à renégocier le traité budgétaire ni contesté les directives et règlements inspirés par Mme Merkel qui font de l’austérité la "règle d’or" européenne ». Opposer - comme le fait le Président de la République - rigueur, ou redressement, et austérité relève d’un baratin.

Au total, des mots nouveaux sont entrés en  force au journal télévisé depuis quelques jours ; "crise politique", "crise de régime", "crise de la République"… La concomitance entre la mise en cause de l’austérité et le débat sur la lutte contre la fraude fiscale saute aux yeux. Entre auto-persuasion et obligation de fidélité, Arnaud Montebourg, ministre du Redressement productif, répondant à une question sur l’existence ou non d’une crise de régime, explique : « Il y a crise de régime quand le système institutionnel est incapable de répondre à la perte de confiance. Je ne crois pas que nous en soyons là, car les décisions que le gouvernement s'apprête à prendre sont de nature à rétablir la confiance ». Certes, en la matière, nous verrons bien ce qui se passera dans les prochaines semaines… Mais rien n’indique un authentique changement de cap, aussi bien sur la question démocratique que sur la question économique. En effet, son conditionnement idéologique amène le gouvernement à ne pas (pouvoir) envisager qu’une réorientation soit possible. Dès lors, seule une puissante vague citoyenne, très exigeante et ambitieuse, pourrait changer les choses.

Évoquons maintenant les différents scénarios envisageables pour l’année qui vient, avant d’esquisser quelques propositions de leviers pour la prochaine période.

Le scénario du pire

C’est le plus simple à envisager. François Hollande s’entête dans sa politique d’austérité. Craignant de mettre l’Union européenne en crise, apeuré par un rebond de la crise financière (sur fond d’une perte de confiance des marchés et d’alertes des agences de notation), il confirme l’essentiel de ses orientations. Même si les députés ont largement déserté les bancs de l’Assemblée nationale lors du débat et du vote en première lecture du 9 avril, l’Accord national interprofessionnel (ANI) est adopté sans ajustements significatifs, obéissant à l’injonction du Medef et de la CFDT.

Un nouveau plan d’austérité est décidé courant 2013 et la préparation de la loi de finances pour 2014 est lancée avec l’objectif d’une nouvelle compression des dépenses publiques. La droite, de son côté, continue dans sa logique de plus en plus agressive, dont l’extrême droite, comme à son habitude, profite. Le Front de gauche est marginalisé, faute de structurer son activité et de relations de confiance avec ceux qu’il pourrait contribuer à fédérer, cela d’autant plus que les mouvements sociaux restent sporadiques et parcellaires. Les écologistes continuent d’être des partenaires "loyaux", c’est-à-dire - en l’absence de rapports de force - soumis au Parti socialiste, malgré les départs de militants. À côté de la multiplication des immolations devant les portes de services publics de plus en plus exsangues, des émeutes ponctuelles se font jour, justifiant des mesures de répression de Manuel Valls, toujours insuffisantes selon la droite et l’extrême droite.

Le scénario du "sursaut mou"

C’est le scénario qui ne change rien à l’essentiel de la crise politique et de la politique austéritaire. François Hollande fait un petit pas à gauche, offrant à son électorat quelques repères. Son flan gauche, vite satisfait, rentre dans le rang, s’attachant du coup à casser du Mélenchon (il a déjà commencé). Dans le même temps, il propose une réforme "consensuelle" des institutions, tentant - sans aucune chance de succès, mais ce n’est qu’un jeu d’apparences de plus ! - de désarmer l’opposition.

Même François Bayrou rechigne à soutenir cette réforme, vu que le bateau gouvernemental semble tel le Titanic dans la nuit du 14 au 15 avril 1912. Certains, au PCF, profitent du timide pas de gauche du Président de la République pour tenter de se raccrocher à l’ancienne stratégie de l’Union de la gauche. Ils pensent ainsi sauver des sièges d’élus, oubliant quelque peu le risque d’une raclée électorale du Parti socialiste et de ses alliés en 2014. Côté droit, le flan le plus dur se renforce, et l’extrême droite tente comme à son habitude de récupérer les mécontents. Du côté d’Europe Ecologie les Verts, les "réalistes" considèrent être déjà dans la seringue des élections de 2014 (« on fera les comptes après ! »), aux côtés du Parti socialiste ; une partie des militants se résigne à subir les évènements, tandis qu’une autre ne supporte plus la politique menée en leur nom.

Le scénario du "beaucoup mieux"

Bien que préparée en quelques semaines, la marche citoyenne du 5 mai est un succès. Comme lors de l’initiative du 18 mars 2012 à la Bastille, pendant la campagne des présidentielles, des dizaines de milliers de personnes défilent, balais à la main destinés à signifier le besoin d’en finir avec la Ve République et d’ouvrir un processus constituant. On note une vraie diversité de participants, de toutes générations et origines. Conforté par ce succès, le Front de gauche renforce sa stratégie : développer un mouvement intense pour un changement de politique et proposer de lui donner force politique dans la rue et dans les urnes en 2014.

Pour contenir la pression qui s’amorce, le Parti socialiste amende à la marge sa politique d’austérité, mais il en conserve l’essentiel pour les raisons que nous avons évoquées : il est pour lui hors du champ du possible de procéder à une réorientation globale de sa politique économique, et par ailleurs il ne pense pas nécessaire de lancer un processus constituant en vue d’une nouvelle République. Les Verts sont de plus en plus tentés de quitter le gouvernement, et certains dirigeants se dissocient de la ligne d’union avec le PS. La droite et l’extrême droite sont mises en difficulté par le nouvel élan de la question sociale, qui met en cause la puissance des thèmes sécuritaires et affaiblit les propositions économiques libérales.

Pour ne pas s’en remettre au hasard, et si l’on veut se rapprocher du scénario du "beaucoup mieux", évoquons quelques leviers pour l’action.

Ouvrir la manifestation du 5 mai

Voilà une idée qui chemine vite ! Lancée initialement par Jean-Luc Mélenchon, la proposition de manifester le 5 mai est devenue le bien commun du Front de gauche et un appel à ce que d’autres forces se mobilisent. Un enjeu essentiel sera que la manifestation dépasse les cercles des militants du Front de gauche, ceux des syndicalistes et des plus engagés. Il se trouve que le thème de la 6e République est tout à fait apte à fédérer la diversité des mouvements, des résistances, mais aussi des aspirations et des espoirs. Reste à réussir l’événement, c’est-à-dire à la fois à être nombreux le jour J et à ce que les exigences qui seront portées soient à la hauteur des enjeux contemporains d’une nouvelle République (1).

Installer le mouvement dans la durée

Dès à présent et au lendemain du 5 mai, une question clef sera de faire percevoir le besoin d’une mobilisation durable, de l’organiser, et finalement celui de structurer une force politique pour porter le fer de l’alternative. La question n’est pas, ou plus, de "faire réussir la gauche" après l’avoir fait gagner électoralement, ni d’amender un peu la politique socialiste ou de la faire "bouger". Elle est de faire émerger durablement une alternative, appuyée sur des rapports de force sociaux beaucoup plus solides qu’aujourd’hui.

Mettre un nouvel horizon à l’ordre du jour

Le Front de gauche pourrait prendre à bras-le-corps le besoin d’ouvrir un nouvel horizon, au-delà du besoin d’un coup de balai face aux affaires, et même de la mise en cause de la politique d’austérité. L’enjeu est de décrocher de l’espoir vain d’une réussite de la gauche ou d’une réorientation politique majeure, vu l’état des rapports de force. Pour cela, il faut faire le deuil de la défunte union de la gauche ou de la gauche plurielle, sortir vraiment de la domination du PS à gauche, et de la dépendance à son égard. À ces conditions, pour la première fois depuis des lustres, la question du pouvoir et celle des relations entre les forces de gauche se poseront d’une nouvelle façon. Mais elles seront conditionnées par ceux qui bougent dans la société.

Gilles Alfonsi, 12 avril 2013

(1) Lire sur ce sujet, Roger Martelli, "Une République nouvelle", www.regards.fr/journee-cahuzac/une-republique-nouvelle,6489

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Appel du Front de gauche pour une marche citoyenne le 5 mai

La gauche sens dessus dessous

Dossier de Cerises n°175

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