Dix décembre 2012, le tribunal administratif de Basse-Terre en Guadeloupe annule les dérogations préfectorales des 13/07 et 15/10 à l'interdiction de l'épandage aérien des bananes. Associations, militants écologistes, Lyannaj kont pwofitasyon (LKP) ont gagné.
Déboutés les “Producteurs de Guadeloupe”, résolus à continuer la pluie de fongicides sur les bananeraies, forts de l'argument qui tue : sauver la filière « qui emploie 700 planteurs et des milliers de personnes en Guadeloupe et en Martinique, plus de 50 % d’emplois permanents dans l’agriculture ».
Ils ajoutaient, menaçants : « Si une nouvelle dérogation n’est pas possible […], nous arrêterons la banane. Et vous assisterez aux Antilles à un drame social du niveau de ce qu’on voit chez PSA en France métropolitaine. »
Le chantage à l'emploi n'a pas pris !
La Guadeloupe n'a pas marché. Le syndicaliste Elie Domotat dans la lettre du LKP (juin 2012) au ministre de l’Agriculture et de l’Agroalimentaire, s'insurgeait de l' « autorisation accordée pour poursuivre l’empoisonnement de notre terre, de nos êtres, de nos vies ». Il concluait : « Il est plus que temps de repenser notre modèle de développement agricole pour produire et nourrir les Guadeloupéens en quantité, en qualité et préserver notre santé et notre environnement. »
En la matière, le peuple guadeloupéen sait. E. Domota, bataillant un an auparavant contre les dérogations toujours accordées, communiquait à la presse : « Ces pratiques dérogatoires nous rappellent étrangement l’empoisonnement au chloredécone. En effet, pour préserver les intérêts financiers des pwofitan, l’État français n’hésita pas à accorder pendant 20 ans toutes les autorisations et dérogations nécessaires pour nous empoisonner. »
1993. Après 20 ans d'épandage, le chlordécone, pesticide du bananier, est interdit. Mais son utilisation massive, sa persistance dans l’environnement ont durablement pollué les sols, contaminé la population et son alimentation. Le chlordécone est aujourd’hui déclaré perturbateur endocrinien, neurotoxique et classé cancérogène possible pour l’homme par l’OMS.
Effets négatifs sur le développement cognitif et moteur des bébés
Au mois de septembre dernier paraissaient les résultats d'une étude menée par des chercheurs de l’Inserm et leurs collègues québécois, belges et américains sur les effets d'une exposition précoce.
L’exposition prénatale au chlordécone est liée de manière significative à une réduction du score de préférence visuelle pour la nouveauté (1) ainsi qu’à un faible score sur l’échelle de développement de la motricité fine (2).
L’exposition postnatale, estimée par la consommation de denrées alimentaires contaminées, est associée à une réduction de la vitesse d’acquisition de la mémoire visuelle et à une réduction de la préférence visuelle pour la nouveauté.
Ces observations sont à rapprocher de particularités déja décrites chez des adultes exposés dans leur travail : appauvrissement de la mémoire à court terme et présence de tremblements d’intention.
Les chercheurs s’interrogent : ces associations chez les nourrissons à l’âge de 7 mois, sont-elles prédictives de troubles permanents à un âge plus avancé ?
Les hommes et leur descendance !
Encarté ou non, associatif ou syndicaliste, personne n'est en trop dans ce combat anthropologique.
Catherine Destom-Bottin, 14 décembre 2012
(1) Tendance du jeune enfant à regarder plus longuement un nouvel objet qu’un objet vu précédemment et devenu familier.
(2) À 7 mois, préhension des objets entre doigts et paume (capacité d’emploi de petits muscles en vue de mouvements précis pour atteindre, agripper, manipuler de petits objets).
Paru dans Cerises N° 163