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Billet de blog 17 juin 2012

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Syrie : engrenage de la répression et de la militarisation ou solution politique et pacifique ?

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La répression massive par le régime syrien de toute forme d'opposition, la militarisation de certaines forces d'opposition semble faire obstacle à toute évolution politique et diplomatique pour une Syrie démocratique et indépendante. Après la tuerie récente de Houla réactivent l'idée d'une intervention militaire régionale ou internationale, tandis que de nombreuses voix alertent sur la spirale de la violence.

Une troisième voie pour la Syrie ?

Pour Cerises, Alain Gresh apporte un point de vue documenté (1).

Voici un discours qui tranche avec la pensée dominante, venant d’un pays qui compte sur la scène internationale et, de plus, démocratique. Dans un entretien au quotidien Le Monde, Antonio Patriota, le ministre des Relations extérieures du gouvernement brésilien de Dilma Rousseff, tente de faire entendre la voix de la raison ("Brasilia défend le dialogue avec Damas en vue d’une transition politique")(2).

Question : Avant sa venue à Brasilia, en février, Catherine Ashton, la haute représentante de l’Union européenne aux affaires étrangères, avait tenu des propos assez durs, vous demandant de choisir entre Assad et le peuple syrien...

« Nous choisissons toujours la diplomatie et la paix, les solutions qui entraînent le moins d’instabilité et le moins de danger pour les civils. C’est pourquoi nous avons lancé un débat au Conseil sur la “responsabilité en protégeant” (responsability while protecting) lors d’une action de protection. Même lorsque le Conseil autorise une intervention soi-disant pour protéger les civils, l’histoire n’est pas finie. Il faut que l’action menée sous ce mandat soit responsable et se tienne aux paramètres de la résolution du Conseil. »

Vous pensez à l’intervention en Libye ?

« Je pense à la crédibilité du Conseil de sécurité. Parce que si l’on ne respecte pas le mandat du Conseil, cela peut créer une situation où chacun fait ce qu’il veut. Ce n’est pas pour cela que les Nations unies ont été créées. »

Le Brésil, mais aussi l’Afrique du Sud ou l’Inde, tiennent à peu près le même discours. Et s’inquiètent des appels à une intervention étrangère, appels qui se sont multipliés après les massacres, notamment celui du village de Houla.

Bien sûr, il existe une guerre de propagande autour de la Syrie et on peut douter de certaines informations colportées par les médias occidentaux sans aucune vérification. Mais ces mensonges sont parfois utilisés pour présenter la politique du régime sous un jour favorable, pour nier les informations crédibles sur la répression de manifestants pacifiques, sur l’usage systématique de la torture, sur les milices confessionnelles ( lire As’ad AbuKhalil, "Some Questions on the Houla Massacre... and Beyond")(3).

L’aventure survenue au journaliste belge Pierre Piccinin, avec qui j’avais débattu des mensonges médiatiques sur la Syrie(4), est : lui qui critiquait la couverture de la crise syrienne par les médias occidentaux a été arrêté à Homs. Après avoir passé six jours dans les prisons du régime, où il a assisté à la torture de dizaines de prisonniers, il est revenu sur ses positions ("Un chercheur belge emprisonné en Syrie raconte 'l’Enfer sur Terre' ")(5).

Il est important d’insister sur le fait qu’il est possible de faire un bon travail de journaliste, y compris à partir de Damas : lire Patrick Cockburn, "Long War Looms. Syria After the Massacre"(6), ou les informations données par le correspondant de la BBC Paul Danahar. Mais elles pèsent peu dans le paysage global.

Quelques données doivent être rappelées sur ce conflit. La révolte en Syrie est née des trois mêmes causes qui ont provoqué, du Maroc à l’Irak, des mouvements de contestation : 


- le refus d’un régime autoritaire, de l’arbitraire total de l’État et de ses services de répression, de la banalisation de la torture ; 


- l’ampleur de la corruption - l’ouverture économique (largement encouragée par l’Occident) ayant abouti à l’accaparement des richesses nationales par une mafia autour du chef de l’État -, la richesse ostentatoire d’une petite caste contrastant avec une pauvreté qui accompagne le désengagement de l’État (voulu aussi par les conseillers occidentaux) ; 


- le poids de la jeunesse. La génération la plus nombreuse de l’histoire qui arrive à l’âge adulte dans les pays arabes et qui, bien que mieux éduquée, ne dispose pas des moyens d’une insertion sociale - du travail, mais pas seulement, également l’exercice des responsabilités - à la hauteur de ses aspirations.

La réponse du pouvoir a été une brutale répression contre des manifestants pour l’essentiel non-violents et qui avaient souvent surmonté les divisions confessionnelles et nationales (Arabes-Kurdes). Cette violence étatique a favorisé l’apparition d’un mouvement d’autodéfense, mais aussi la militarisation de certains pans de l’insurrection. En réponse à l’instrumentalisation des minorités par le pouvoir s’est développée une mobilisation communautaire sunnite, encouragée par l’infiltration de groupes armés venus du Liban et d’Irak, mais aussi de combattants d’Al-Qaida, comme le reconnaissent désormais même les pays occidentaux les plus hostiles au régime. Dans plusieurs régions, le conflit s’est transformé en lutte armée et en guérilla, prenant un tour confessionnel. Il est ironique de voir que les pays occidentaux qui condamnent régulièrement la violence palestinienne contre l’occupation israélienne défendent cette même violence en Syrie.

Parallèlement s’est développé, sur certaines chaînes satellitaires arabes (notamment saoudiennes), un discours anti-chiite et anti-alaouite, la minorité à laquelle appartient le président Bachar Al-Assad) radical, présentant le conflit comme une guerre théologique. Ce discours est encouragé par les dirigeants du Golfe, notamment ceux de l’Arabie saoudite, qui craignent la propagation du printemps arabe (et écrasent le soulèvement populaire au Bahreïn), voyant dans l’Iran la menace principale. Cette propagande est en phase avec la stratégie américaine et israélienne d’isolement de Téhéran, qui n’a rien à voir, bien sûr, avec l’instauration de la démocratie en Syrie.

La menace principale qui pèse désormais sur la Syrie, mais aussi sur la région - dont le Liban, et notamment le nord du pays et la ville de Tripoli -, est l’extension d’une guerre confessionnelle.

Dans ce contexte, que penser des appels à l’intervention militaire - dans le cadre de l’ONU, comme le souhaite le président François Hollande ou même en dehors, comme le suggère Susan Rice, la représentante des États-Unis à l’ONU ? Je n’évoquerai pas ici les palinodies de Bernard-Henri Lévy, l’homme qui est entré dans Gaza (7) en décembre 2008 sur un char israélien, la seule question étant de savoir pourquoi les responsables politiques (et les médias) continuent à le prendre au sérieux...

Mentionnons, tout d’abord, le fait que le bilan des interventions militaires étrangères est rarement positif. Celle des États-Unis en Irak en 2003 a durablement détruit le pays et il faudra des décennies pour le reconstruire (le 31 mai, de nouveaux attentats à Bagdad, à peine évoqués dans la presse internationale, ont tué 17 personnes). Celle des États-Unis en Afghanistan, cette fois sous l’égide des Nations unies, est un fiasco et le pays sera, lors du départ des Occidentaux, encore plus ravagé qu’après le retrait soviétique. Et ne parlons pas du Kosovo ou de la Somalie... Bien sûr, ce n’est pas une règle absolue et, pour remonter dans l’Histoire, on aurait pu soutenir une intervention française ou britannique aux côtés de la République espagnole en 1936. On peut aussi penser que le renversement du régime khmer rouge par l’armée vietnamienne en 1978 - bien que condamné par les Occidentaux, qui obtinrent pendant des années que les Khmers rouges gardent leur siège aux Nations unies - fut positif.

Donc, une règle générale - il ne faut pas ajouter la guerre à la guerre, comme disait un ancien président socialiste (François Mitterrand dans une interview au Point, en 1993) -, mais aussi parfois des exceptions.

Que faire en Syrie ? Est-il vraiment nécessaire d’expliquer à quel point une intervention militaire occidentale (même si elle obtenait l’aval de l’ONU, ce qui est peu probable) serait une catastrophe, entraînant une guerre confessionnelle à l’intérieur et sur le plan régional - l’Iran, mais aussi l’Irak et sans doute le Hezbollah libanais, se rangeant aux côtés de Damas ? Une telle issue aggraverait de surcroît les tensions entre chiites et sunnites dans toute la région - ces tensions ne sont pas, comme on peut le lire ici ou là, "naturelles" : les portraits de Hassan Nasrallah ornaient toutes les boutiques du monde arabe, toutes confessions religieuses confondues, après la résistance du Hezbollah face à l’armée israélienne en 2006(8).

Alors, ne rien faire ? Peut-on être contre l’intervention militaire tout en combattant la dictature (Bassam Haddad, "The idiot’s guide to fighting dictatorship in Syria while opposing military intervention ?",)(9) ?

Il est de bon ton de moquer la mission menée par l’ancien secrétaire général des Nations unies Kofi Annan, en la présentant comme un échec. Dès le départ, nombre de pays occidentaux (dont la France) et d’États du Golfe ont affirmé qu’elle ne pouvait pas réussir et n’ont rien fait, c’est le moins qu’on puisse dire, pour la soutenir. Ce qui a incité les groupes armés en Syrie - qui sont extrêmement divisés - à ne pas se conformer, eux non plus, aux demandes de cessez-le-feu (le régime a lui-même violé ses engagements). Au lieu de faire pression de concert sur Damas et sur les combattants rebelles, les Occidentaux et la Russie ont développé des stratégies contradictoires. Pourtant, le bilan n’est pas totalement négatif (lire l’entretien de l’opposant Haytham Manna au Figaro, 1er juin)(10).

Dans un entretien donné au quotidien Le Monde (28 mai), Robert Mood, chef de la mission de supervision des Nations unies en Syrie, explique que « seuls les Syriens ont la clé d’une issue pacifique »(11).

Il note toutefois : « A plusieurs endroits, nous avons enregistré des progrès au niveau local. Nous avons réussi à établir des liens entre les entités locales du gouvernement et de l’opposition, à faire respecter des cessez-le-feu et à résoudre des litiges entre les deux parties, notamment par des échanges de détenus. » Mais il précise : « En clair, l’outil politique que la mission des Nations unies représente dépend totalement de la bonne volonté de tous les acteurs syriens à cesser toute violence et à évoluer vers un dialogue politique. Ce qui ne semble pas se matérialiser pour l’instant. »

Et c’est là où il faut que les grandes puissances, pas seulement celles qui sont membres du Conseil de sécurité de l’ONU, mais aussi des pays comme le Brésil ou l’Inde (qui ont maintenu leurs relations diplomatiques avec le régime), puissent agir pour obtenir non seulement l’extension de la mission, mais aussi l’amorce d’un processus politique sans lequel il n’y a pas de sortie de crise possible. C’est une voie très étroite, mais toutes les autres précipiteraient le peuple syrien, et la région, vers l’abîme.

* Alain Gresh

___________

(1) Animateur du blog Nouvelles d’Orient (http://blog.mondediplo.net/-Nouvelles-d-Orient-), auteur, avec Dominique Vidal, des Cent clefs du Proche-Orient, Pluriel-Fayard, 2011.

(2) http://www.lemonde.fr/international/article/2012/05/30/brasilia-defend-le-dialogue-avec-damas-en-vue-d-une-transition-politique_1709442_3210.html

(3) Al-Akhbar English, 31 mai, http://english.al-akhbar.com/blogs/angry-corner/some-questions-houla-massacreand-beyond

(4) http://blog.mondediplo.net/2012-03-14-Syrie-medias-et-mensonges

(5) Franceinfo.fr. http://www.franceinfo.fr/monde/un-chercheur-belge-emprisonne-en-syrie-raconte-l-enfer-sur-terre-625547-2012-05-24

(6) Counterpunch, 28 mai 2012, http://www.counterpunch.org/2012/05/28/syria-after-the-massacre/,

(7) http://blog.mondediplo.net/2009-01-10-Liberer-les-Palestiniens-des-mensonges-de-Bernard

(8) Hassan Nasrallah , dirigeant libanais du Hezbollah

(9) Jadaliyya, 20 janvier 2012, http://www.jadaliyya.com/pages/index/4065/the-idiots-guide-to-fighting-dictatorship-in-syria

(10) http://www.lefigaro.fr/international/2012/05/31/01003-20120531ARTFIG00817-manna-pour-moscou-bachar-el-assad-n-est-pas-sacre.php

(11) http://www.lemonde.fr/proche-orient/article/2012/05/28/selon-m-mood-seuls-les-syriens-ont-la-cle-d-une-issue-pacifique_1708359_3218.html

Prendre la mesure d'une situation complexe

À partir d'extraits d'un entretien et d'un chat, deux autres points de vue complémentaires : celui de Georges Corm, économiste et historien libanais, qui présente l'intrication des causes de la situation syrienne, et celui de Rony Brauman qui explique pourquoi il considère que « L'expédition lybienne a ruiné la "responsabilité de protéger" ».

Dans l'entretien réalisé pour L'Humanité par Pierre Barbancey avec Georges Corm sur la Syrie(1), celui-ci revient d'abord sur les "printemps arabes", « qui se sont pratiquement déroulés d’Oman jusqu’à la Mauritanie, ont inspiré aussi différents mouvements européens contestant le néolibéralisme, les politiques d’austérité, la montée du chômage, la précarité de l’emploi des jeunes… On a eu là un très beau moment où les deux rives de la Méditerranée se sont mises à l’unisson pour contester des pouvoirs en place. » G. Corm évoque les causes locales de la situation syrienne, rejoignant les trois raisons citées par Alain Gresh dans l'article ci-dessus, auxquelles s'ajoute un niveau régional « avec des interventions extrêmement brutales de la part du Qatar, de la Turquie et de l’Arabie saoudite. Des pays qui entendent donner des leçons de démocratie au régime syrien ! Enfin, le niveau international où brusquement la Chine et la Russie se révoltent contre l’instrumentalisation du Conseil de sécurité de l’ONU par les États-Unis et leurs alliés. À ce moment-là, la bataille pour la Syrie devient emblématique d’une volonté de briser l’unilatéralisme américain, européen et des pays de l’Otan dans la gestion de la planète. Donc, la situation syrienne devient extrêmement compliquée », ce qui l'amène à considérer qu'il n'y a pas de solution en Syrie actuellement. 

A cette intrication de niveaux s'ajoute la disparité des forces d'opposition : d'une part « l’opposition dite de l’intérieur, qui est constituée de très nombreux militants de la première heure opposés au régime, qui ont pu faire parfois plus de dix ans, quinze ans ou vingt ans de prison, tel l’ancien dirigeant communiste Riad Al Turk qui a passé dix-huit ans en isolement. Cette opposition intérieure ne se laisse pas prendre dans les filets des diplomaties occidentales, comme le fait l’opposition de l’extérieur. » Opposition vis-à-vis de laquelle G. Corm est très critique : « L’opposition externe est composée de réfugiés politiques ou tout simplement de Syriens établis à l’étranger qui ne se sont pas – pour certains – directement frottés à la rugosité du régime puisqu’ils étaient dehors, et qui se sont tout de suite laissé prendre dans les filets, notamment de la diplomatie turque puis de la diplomatie française (…). Et vous avez des Frères musulmans et des personnalités très hétéroclites, dont souvent on entend parler pour la première fois, qui n’ont pas vraiment de passé politique. Vous avez un Observatoire des droits de l’homme qui s’est mis en place à Londres et qui n’est pas directement sur le terrain.  »

G. Corm replace la Syrie dans le carrefour stratégique qu'est le Moyen-Orient. Sur le plan économique, « le plus grand réservoir d'énergie du monde » est l'objet de l'affrontement d'intérêt de la Russie et de la Chine d'une part, des États-Unis et des Européens d'autre part. Sur le plan politique, G. Corm pointe l'importance géographique, politique, militaire de la région pour les Occidentaux par rapport à Israël, à l'Iran, entre autres, ainsi que pour des régimes tels que ceux de l'Arabie saoudite et du Qatar. Les uns et les autres convergent de fait pour « confisquer les révolutions », en instrumentalisant le religieux, et favorisant même les mouvances de type Frères musulmans et fondamentalistes qu'ils dénoncent par ailleurs, car ceux-ci « ont donné plus d’un signal aux gouvernements occidentaux sur le fait qu’ils n’étaient pas hostiles à l’Occident. Ils ne parlent pratiquement pas de la question palestinienne, de la souffrance des Palestiniens. Ils sont très souvent néolibéraux en matière de doctrine économique. » D'où « cette alliance qui est en train de se cimenter très fortement : Arabie saoudite-Qatar, États-Unis-Europe et forces islamiques diverses sur le terrain dans les pays qui ont connu des révolutions. » 

***

Rony Brauman a été de ceux qui ont émis le plus de réserves sur l'intervention étrangère en Lybie. En mars dernier, dans un chat du Monde en ligne(2), à propos de la Syrie, il se disait « convaincu qu'une telle intervention aggraverait la situation bien plus qu'elle ne l'arrangerait. »

Il préconisait de « maintenir de façon à la fois patiente et tenace une pression sur les dirigeants syriens, mais également une pression sur l'opposition armée, de façon à les conduire vers une autre phase du conflit, qui serait plus politique, c'est-à-dire faite de négociations et de compromis. Les premiers responsables des violences, ce sont évidemment Bachar Al-Assad et son entourage. Mais la militarisation de la rébellion a, je pense, aggravé les tensions, entraîné une spirale ascendante des affrontements et des violences, et c'est cela qu'il faut tenter de saper. Intervenir militairement ne serait que poursuivre cette spirale ascendante. Ce sont donc toutes les autres options qui doivent être retenues, c'est-à-dire condamnation politique, rétorsions économiques, envoi de délégations, et en particulier de délégations provenant de pays proches de la Syrie, comme la Russie et la Chine. Et d'ailleurs, il faut relever que ces deux derniers pays semblent évoluer dans leur position. Sans doute parce qu'ils sont embarrassés par l'image extrêmement négative que projette sur eux leur défense acharnée de ce régime indéfendable. » Rony Brauman revient ensuite sur ce qu'il intitule «la "facture diplomatique" de la Libye, c'est-à-dire l'utilisation abusive, voire humiliante, de la résolution 1973, autorisant l'usage de la force pour protéger la population de Benghazi. L'OTAN est passée du bouclier de Benghazi à l'attaque de Tripoli et au renversement du régime. Cette interprétation très extensive de la résolution 1973 a eu des conséquences, puisque ceux qui s'étaient abstenus se sont sentis, à juste titre, totalement floués. C'est le prix de cet abus qui est aussi réglé, d'une certaine manière, aujourd'hui.

La responsabilité de protéger, telle que cette formule a été adoptée par les Nations unies en 2005, a été à la base de la résolution 1973 dont je parlais précédemment. L'abus extravagant qui en a été fait me semble avoir durablement compromis toute possibilité de l'utiliser une deuxième fois. Donc il me semble que les avocats de la responsabilité de protéger l'ont menée à sa tombe dans leur expédition libyenne.

Une intervention étrangère justifierait de la part des autorités un surcroît de violence, l'usage d'armes plus lourdes, des arrestations plus massives, probablement une fuite en avant dans la violence, dont les Syriens seraient les premiers à payer le prix. Sur le plan politique, de plus, il me semble à peu près acquis que cela entraînerait une division du pays, un peu sur le mode libyen, que l'on constate depuis plusieurs mois et d'une manière qui s'approfondit semaine après semaine. Et la fragmentation d'un pays dans une région aussi sensible et explosive que le Proche-Orient aurait des conséquences sur le voisinage potentiellement extrêmement dangereuses. »

(1) http://www.humanite.fr/tribunes/498175

(2) http://www.lemonde.fr/proche-orient/chat/2012/03/14/syrie-quelle-intervention_1667843_3218.html

* dossier établi par Michèle Kiintz

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