Discussion:
Samuel Joshua relève « le surgissement de la question de l’individu. C’est le fil à partir duquel on peut comprendre beaucoup d’autres éléments ». Il insiste également sur la nécessité de ce qu'il appelle des « "gisements de communisme", du point de vue des pratiques, du point de vue des relations des uns avec les autres », « que ce soient l’autogestion des entreprises, les pratiques démocratiques, des pratiques égalitaires ». S'interrogeant sur libertés-droit-État, il pense que « dans une société communiste, il va rester un droit, un droit officiel, un droit juridique, un droit positif comme disent les juristes. (…) D’où la différence avec les anarchistes, par exemple. (...) Si la question des relations des gens entre eux, donc la politique, subsiste, si le droit subsiste, il y a un État. »
Rémi Jean, pour sa part est « très réservé sur l’idée qu’on puisse concevoir une société sans État. (…) parce que de toutes façons il faut bien des institutions qui règlent la vie collective des sociétés et que ces règles soient élaborées d’une certaine façon qui permette, en l’occurrence, qu’il y ait un maximum de libertés.(...) Dans toute notre histoire sociale par exemple, un certain nombre de droits, de libertés, ont pu être gravés dans le marbre et avoir force de loi, justement parce qu’elles ont été, à un moment donné, décidées au niveau de l’État. (…) » R. Jean mentionne la « série de questions de libertés qui se posent dans les débats parlementaires actuels » pour ajouter que « La condition du développement des libertés, c’est la démocratie. (…) Quels sont les processus organisés qui vont permettre aux délibérations collectives d’être le plus représentatives possible et d’aboutir à des décisions qui soient les plus représentatives de l’opinion de la majorité de la population ? »
Pour Nanie Bellan, il s'agit « de se mettre dans un processus qui vise au dépérissement de l’État : de façon progressive, et surtout avec une autonomisation des individus dans ce mouvement, tout en visant le communisme, c’est-à-dire le dépérissement de l’État. Il s’agit d’enclencher ce processus-là ». Pour elle, « la question du pouvoir est essentielle, au sens où ce qu’il faut viser aujourd’hui, c’est faire en sorte que les individus, dans ce processus, se sentent de plus en plus comme le lieu d’exercice du pouvoir, eux, et d’exercice de la démocratie, eux. »
Sylvie Pillé s'appuie sur l'histoire pour illustrer que « le problème n’est pas "la liberté" ou plutôt effectivement "les libertés", mais plutôt de "qui définit" les libertés » : « Entre la révolution de 89, qui met en avant justement la valeur de liberté, donc la liberté d’entreprendre, et la révolution de 93, où les sans-culottes, quand ils réclament la loi du maximum pour limiter la hausse des prix de première nécessité, réclament précisément une limitation des libertés. Et il me semble que dans un mouvement communiste, ce qu’on devrait mettre en avant justement, c’est ce problème d’égalité des hommes et d’égalité des droits de tous. Une société où l’on mettrait en avant un certain nombre de libertés, je crains que ce ne soit la définition d’un État libéral, finalement, où c’est la liberté des puissants qui l’emporte sur la liberté des pauvres. Donc, limiter un certain nombre de libertés, cela ne me gêne pas du tout. »
Jacques Lerichomme considère que « La question et de la démocratie et du parti sont des questions absolument fondamentales ». Il est un « problème qu’on devrait se poser maintenant à tout moment, et qui est : Quand on met un pouvoir en place, quel est le contre-pouvoir qui est immédiatement mis en place ? (…) Pluralisme "à l’intérieur du parti", mais pluralisme "des partis" dans la société. » Il rappelle ainsi l'expérience de la Révolution des oeillets où la Confédération syndicale des travailleurs portugais voulait interdire les journaux bourgeois hostile à la Révolution, contre d'autres avis au nom de la démocratie.
Bernard Calabuig souhaite que soit approfondie « la question du pouvoir d’État et de l'appareil d’État (...). L’État , ce n'est pas un arbitre, c’est un outil, l’appareil d’État, pour perpétuer les dominations dans une société. » Il ajoute que « ce qui a failli au XXe siècle, (ce sont) les deux variantes, le soviétisme et l’appareillage social-démocrate, pas le communisme. (…) avec une fausse conception de l’État, d'un État centralisateur qui obtient toute la puissance sociale de la société pour redistribuer, pour faire de la justice sociale. On ne règle pas les problèmes d’aliénation au travail, etc. On fait de l’égalitarisme, on ne fait pas de l’égalité. »
Laurent Lévy et Roger Martelli reviennent ensuite sur les questions soulevées.
dossier établi par Michèle Kiintz, 19 avril 2013
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