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Billet de blog 25 mars 2013

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Beppe Grillo, la crise et nous

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Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.

Beppe Grillo populiste : épithète rapidement attribué à quiconque sort des clous de la normalité institutionnelle. Lors de "C dans l’air", un expert explique ce qualificatif par le caractère hors cadre (sic) du personnage. Pour ne pas être populiste, il faut donc respecter une règle du jeu faite pour que les exploités soient perdants. Toute velléité de dépasser le cadre imposé serait hors propos.  Ne pas faire du personnage le prophète de la Révolution, ne pas gommer une réelle confusion idéologique, n’empêche pas de s’interroger sur ce qui motive son électorat. On dit qu’il mêle des électeurs de gauche et de Berlusconi. Pourquoi des électeurs de Berlusconi au moment où celui-ci avait le vent en poupe ?

                Les Monti incubateurs des Grillo

Tous les partis traditionnels et au-delà le système actuel sont perçus comme  faisant passer les peuples par les fourches caudines des exigences du capital. Tous les pays d’Europe sont confrontés non pas à l’impuissance des forces traditionnelles, ce serait dire qu’elles essaient, mais à un système politique qui sépare le citoyen de tout pouvoir sur son sort au moment où les réseaux sociaux témoignent d’une soif de s’en mêler. Même les partis les plus à gauche se sont enlisés dans la puissance absorbante des institutions.

 Entre les Indignés, la mise en coopérative de Sea-France - au fait Sea-France marche bien -, la colère des Goodyear, la persévérance des Fralib, l’impact de Notre-Dame-des-Landes ou du mariage pour tous, c’est l’entrée en scène du hors-norme.  En Italie, le hors norme s’est invité au moment électoral. Comme il l’avait fait au Venezuela.

Cette exigence de pouvoir sur soi est une vague de fond qui rend obsolète toutes les conceptions et méthodes politiques traditionnelles. Cette vague n’est pas limitée au seul fait que les promesses ne soient jamais tenues. Toute l’époque suinte de phénomènes d’individualisation : exigence d’égalité des femmes, des homosexuels, les Jeux olympiques des handicapés, droit de vote des étrangers… quant au management, il cherche à mieux capturer l’individu. Et la politique serait la seule pratique collective à ne pas changer ? Cette exigence de démocratie, de reconnaissance de soi, de maîtrise de son sort commence à dessiner la quête d’une communauté nouvelle. C’est ce qui a produit Beppe Grillo et a attiré des électeurs hier captés par les provocations de Berlusconi.

Le hors cadre peut donc mener à des lieux biens différents ou à des impasses. Que manque-t-il aux Indignés ou aux électeurs de Beppe Grillo ? À être hors cadre aussi dans le contenu.

Un sondage de l’IFOP vient à point : « Le capitalisme est-il un système efficace ? » OUI pour seulement 20 % des sondés. « Ce système doit-il être abandonné ? », oui : 26 %  (ah si le résultat du Front de Gauche avait été à ce niveau !). « Le système est mauvais mais il n’y en a pas d’autre »,  disent 54 % des interrogés. Belle base de départ pour situer où doit se porter l’effort. Mais qui met cela en débat au cœur des luttes ? Si on en reste au refus des décisions des actionnaires de son entreprise, on s’en tient aux "abus" du capitalisme. Sarkozy les avait dénoncés à Toulon. Si vient la question du système et de son pouvoir, d’autres objectifs de luttes se dessinent. Le PDG de Renault annonce l’envoi de productions au Maroc : « au Maroc ou nulle part », dit-il. Lui contester cette décision ou lui disputer en actes son pouvoir de décision ne donnent pas les mêmes luttes. "Tous ensemble" est nécessaire mais ne dit pas tout. Ces luttes ont besoin de produire leur propre pensée. Ce n’est pas du temps perdu.

Pierre Zarka, 22 mars 2013

Paru dans Cerises n° 172

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