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Billet de blog 27 janvier 2013

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Rapa Nui, l'Île de Pâques

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Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.

125 ans de colonisation chilienne, 50 ans d'invasion touristique, les Rapanui (les Pascuans), se battent pour récupérer les terres ancestrales, objets d'une lutte séculaire.

Le 9 septembre 1888 un traité est signé entre des natifs de l'île et le Chili. Rédigé en deux exemplaires, l'un, en espagnol, parle de cession des terres au Chili, l'autre, en tahitien et Rapanui, non. Aujourd'hui, l'État chilien dispose de plus de 90 % des terres.

Seuls 1 500 des 4 000 résidents permanents sont des Rapanui, un peuple en voie de disparition. Tous les autres ou presque sont militaires, policiers ou fonctionnaires chiliens. Les Pascuans ne peuvent habiter qu'au village de Hanga Roa(1), et n'exploiter leurs terres que sur autorisation chilienne. En 15 ans, le tourisme a explosé, plus de 70 000 voyageurs par an débarquent sur cette terre de 164 km², sans maîtrise ni contrôle des Pascuans.

Mai 2010, les manifestants bloquent l'aéroport de l'île, dénonçant l'afflux touristique destructeur du fragile équilibre écologique de Rapa Nui, dont la manne est captée par les grands groupes chiliens ou internationaux. Ils exigent le relèvement des moyens sanitaires et scolaires.

Juillet 2010, l'ancien maire démocrate-chrétien est nommé gouverneur de l'île. Il est de notoriété publique qu'il a partie liée au groupe investisseur visant, pour les privatiser, les terrains des édifices publics. (L'homme, prudent, a depuis déposé sa démission.)

Fin 2010 – 2011 : débarquement policier chilien massif pour "libérer" les bâtiments administratifs promis à devenir hôtels de grand luxe, les occupants sont brutalisés : 6 arrestations, 33 personnes blessées, parfois grièvement.

La suite est-elle grosse d'avenir ?

Le Parlement Rapanui (PRN), organisation indépendantiste de l'île, donne une place nouvelle, politique, à la lutte ancestrale pour la terre, celle d'un  conflit entre le peuple Rapanui et l'État chilien : interventions internationales, dénonciation des événements de 2010- 2011 comme violation des droits de l'homme, preuves d'une poursuite des violations. Enfin ce qui n'était que chuchoté il y a une dizaine d'années est aujourd'hui prononcé : Indépendance !

                                                                         Réunion du PRN

10 janvier 2013, Leviante Araki Araki, président du PRN, déclare que l'indépendance pourrait prendre la forme d'un rattachement à la Polynésie française, un traité est déjà signé avec l'Union Polynésienne(2).

L'idée d'un rattachement à la France n'a rien d'extravagant. Les liens historiques culturels et affectifs sont nombreux. Il y a aujourd'hui plus de Pascuans à Tahiti que sur l'Île de Pâques ! Malgré le triste épisode (1868-1876) du Roi de Pâques, le Français J-B.Dutrou-Bornier(3), nombre de Pascuans imaginent de se séparer du Chili pour intégrer la République française avec un statut comparable à celui de la Polynésie française. En effet, bien que le Chili ait ratifié en 2007 la Convention relative aux droits des peuples indigènes et tribaux et que l'île et ses Moaï soient classés au patrimoine mondial de l'humanité depuis 1995, le peuple Rapanui, sous présence militarisée chilienne depuis Pinochet, n'a d'autre voie que la lutte pour faire valoir ses droits sur ses terres dont la propriété revendiquée par Santiago résulte d'un tour de passe-passe colonial.

On trouvera sur saverapanui.org (en anglais) la pétition de Susana Hito qui attire l'attention internationale sur la situation de ce peuple qui se nomme lui-même te pito o te henua le nombril du monde.

Catherine Destom-Bottin, 25 janvier 2013

(1) Avant l’invasion européenne, la population était répartie tout autour de l’île. A la fin du XIXe siècle, les rares survivants des crimes coloniaux ont été regroupés de force dans la seule ville de l'île, Hanga Roa, avec interdiction pendant des décennies de vivre en dehors, le reste de l’île étant réservé aux moutons. 1890, l’île est louée à des industriels. 1903, la Williamson, Balfour and Company (GB) crée la Compañía Explotadora de la Isla de Pascua (CEIP). Contre loyer au gouvernement chilien, la CEIP privatise Rapa Nui et soumet sa population au travail forcé, la parque sous barbelés sur 10 % de son territoire.

(2) Union Polynésienne, parti autonomiste tahitien.

(3) Né en 1834, assassiné le 6 août 1876, ce capitaine de la Marine française s'est installé sur l'île en 1868. Il y introduisit le commerce de la laine et tenta de transformer l'île en un ranch de moutons. S'autoproclamant roi en 1870, il réduisit les Rapanui en esclavage.

Paru dans Cerises n°167

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