Chartres de Bretagne, près de Rennes, sur 240 hectares : l'usine PSA. 900 véhicules produits chaque jour, jusqu'en juin 2012. 6 000 salariés, 5 200 CDI, 800 CDD ou intérimaires. 76 % sont des ouvriers, 17,5 % des techniciens et agents de maîtrise, 6,5 % des cadres.
Sous un hagard immense, la chaîne de montage se déploie comme un serpent qui monte et descend. Dans les allées circulent sans cesse des petits trains avec des wagons de caisses de pièces détachées. Leurs conducteurs s'arrêtent, déchargent les caisses sur les étagères, approvisionnant ainsi les opérateurs de la chaîne. Logistique et chaîne de montage sont organisées en flux synchronisés.
La chaîne fonctionnait quasiment 24h sur 24h, 7 jours sur 7. L'équipe de nuit a été supprimée.
L'usine ne fabrique que des voitures commandées et ne dispose d’aucun stock : "flux tendu", donc rythme soutenu de travail. Des tableaux lumineux au-dessus de la chaîne, mis à jour toutes les 14 secondes, affichent le rythme des opérations et la fluidité du circuit. Ils sont reliés au poste de contrôle des responsables d'unité qui surveillent l'ensemble, prêts à intervenir en cas de difficultés. C’est le management visuel...
Une grande partie des opérations de montage est automatisée avec des robots 4 axes, 5 axes... tout au long de la chaîne.
Ce hangar étonnamment peu bruyant, très propre et coloré ressemble à un immense jeu de légo ou de mécano.
Dans l'atelier de mise au point, changement d'ambiance : le hangar est plus bruyant. D’énormes machines sont alignées dont certaines ne fonctionnent plus. Après plusieurs dizaines d'années de bons et loyaux services, on n'a pas envie de les voir partir... Et pas facile de déménager 40 tonnes d'acier ! D'autres néanmoins ont été transportées en Chine.
Ici on fabrique les outils destinés à l’atelier d'emboutissage qui produit les pièces de carrosserie. L’atelier a une enveloppe globale indépendante des autres ateliers: il vend sa production aux ateliers de montage. Pour "équilibrer son budget", le responsable commande certains outils en Chine ! L’atelier conserve la fabrication des outils les plus complexes permettant la fabrication des portes, des ouvrants, des ailes. 9 mois sont nécessaires entre le projet de nouveau modèle, conçu dans les bureaux d'étude, et la création des outils nécessaires à la fabrication. Les 300 salariés de l’atelier ont un niveau de qualification plus important : alors que les opérateurs de la chaîne de montage ont une formation de 3 à 15 jours dans l'entreprise, aucune qualification initiale requise, la qualification minimale à la MAP (Mise au point) est le bac professionnel technicien d’usinage.
Dans l’atelier de la MAP sont produits des outils extrêmement précis. Imaginez un moule de presse travaillé au 5/100ème de millimètre près : du travail d'horloger sur des machines de 40 tonnes... Si les pièces fabriquées sont finies à la main, l'essentiel du travail des ouvriers et des techniciens consiste à programmer des machines à partir de plans conçus dans les bureaux d'étude. Conception/réalisation, rien à voir avec le travail des opérateurs de la chaîne de montage. L'autonomie y est plus grande.
Intégration des référentiels du Lean Management, optimisation des chaînes de montage, nouveau management visuel, création de nouveaux standards (meilleurs modes opératoires sur un poste de travail), les salariés ont fait face aux nouvelles exigences pour améliorer la rentabilité du site.
Ainsi, des femmes et des hommes consacrent des millions d'heures de travail à la construction de voituresqui nous rendent autonomes dans nos déplacements. Ce sont eux les producteurs, les créateurs de richesse. Cessons de laisser aux seuls actionnaires, employeurs et prêteurs, le pouvoir de décider ce qu'on produit, où on le produit, avec quels investissements, quelles formations, quels emplois, pour quels besoins ...
* Sylvie Larue
Paru dans la rubrique "Cuisine alternative" de Cerises n° 151 - 14 septembre 2012