Certes ce n'est plus l'affluence d'août 2009, où le LKP tirait bilan de la grande grève de février, mais militants et sympathisants de Lyannaj kont pwofitasyon étaient, selon la presse caribéenne, autour du millier à se retrouver fin août dernier au 3ème rendez-vous annuel de la plage de Viard, sorte de forum où pendant une journée, les militants LKP animent des ateliers et débats en rapport avec les questions qui "mobilisent" l’attention des Guadeloupéens. On y a vu ainsi des ateliers sur des sujets sensibles, historiques et d’actualité, accord Bino (bonus sans charges accordés aux salariés), Solidarité Caraïbe, épandage aérien du chlordécone et ses effets catastrophiques sur la santé. Mais la forte nouveauté de cette année fut l’atelier KBM, Ka pou Bwè é Manjé.
Le LKP rassemblait en un même lieu, recettes culinaires inédites, nouveaux produits de l’agroalimentaire guadeloupéen mais aussi fruits et légumes traditionnels, certes, mais peu présents sur les tables du quotidien. Il y avait aussi des artisans et paysans producteurs de ces denrées. Un peu comme un exercice pratique collectif, qui viendrait après que, dixit Eli Domota, « Le mouvement de masse de 2009 a brutalement bousculé nos habitudes coloniales de consommation. »
L'autre initiative qui a marqué la journée LKP, c’est le lancement pour la circonstance de la monnaie inventée par le LKP : le YAL. Acronyme de Yonn A Lot qu'on peut traduire par : l'un vers l'autre. En fait le LKP proposait de remplacer, pour les achats à l’intérieur de l’espace LKP, les euros par des coupons de papier des YAL. La parité du Yal, remboursable, est adossée à celle de l’euro. Un YAL = 1 euro ! Là aussi exercice concret et collectif qui vise à installer dans la pratique des actions qui interrogent l'abitid que l'on traduira trop vite par l'habitude. Entendons plutôt le quotidien, ce qui va de soi, ce que l'histoire a installé dans des champs aussi symboliques, aussi structurants, aussi vecteurs d'aliénation que le boire, le manger et l'argent.
Ces initiatives ne sont pas sans faire écho à celles prises par le FKNG (Fὀs pou Konstwi Nasyon Gwadloup,une force pour construire la nation), membre du LKP, auquel donnait naissance Danik Zandwonis en 2010. Danik Zandwonis dirigeait jusqu'alors Les Nouvelles Étincelles, journal du Parti communiste guadeloupéen. À l'occasion de son premier congrès en avril 2011 le FKNG, clairement engagé dans le combat national, avait lui aussi proposé la naissance de la monnaie YAL et avait accompagné sa proposition de celle d'un drapeau national ainsi que d'une Kat Idantité Nasyonal Gwadloup. Monnaie, drapeau, manger et boire ce que l'on produit ici... Entre le travail sur ce qui aliène, la mise en mots et en choses de la nation qui se construit, faut-il voir sur les chemins qu'emprunte le LKP une marche plus assumée vers la souveraineté ?
Au travail sur ce terrain d'action, lors de la rencontre d'août, Elie Domota avait à ses côtés Raymond Gama du Mouvman Nonm, mouvement indépendantiste membre du LKP qui a choisi de s'appeler le Mouvement Homme. Celui-ci soulignait en fin de journée que les multiples initiatives créatrices d'agro-transformation autour des fruits à pain châtaignes, des patates douces et autres giraumons indiquaient que désormais « plus rien n'est comme avant. ». Domota pour sa part rappelait un mot d'ordre peu relayé par la presse métropolitaine : ARETE BOURE KADI, ANNOU CHANJE LA VI (assez de charger le caddy, changeons la vie).
* Catherine Destom-Bottin