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Billet de blog 30 septembre 2012

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Redressement : l’antichambre du renoncement ?

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Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.

Réalisme nécessaire ou renoncement calamiteux, le nouveau ‘’volontarisme’’ de François Hollande tourne le dos aux ambitions sociales et écologiques précédemment affichées, sur fond de fuite en avant antidémocratique dans l’Union européenne.

Un remake du tournant de la rigueur, trente ans après 1983 ? A moins qu’il ne faille envisager un scénario pire. Au cours de son entretien sur Bouygues Télévision, dimanche 9 septembre, François Hollande a annoncé, selon Le Monde, « un plan de rigueur historique ». Le président a souligné que l’effort serait, cette fois, équitablement réparti, mais tout le monde a compris le signal : c’est parti pour deux ans de misères et de larmes avant d’hypothétiques jours meilleurs.

Au menu, donc, une profusion de réformes et de mesures, destinées au total à provoquer un « choc budgétaire », dont les résultats sont ainsi programmés : « redresser » le pays d’ici 2014, et dès 2013, ramener le déficit public à moins de 3 %. Pour cela, il s’agit d’urgence d’un côté de tailler massivement dans les dépenses publiques (à hauteur de 10 milliards d’euros), de l’autre de trouver de nouvelles recettes (20 milliards d’euros).

Tailler dans les dépenses publiques ? La recette est connue depuis… tant d’années. Certains sont pressés de faire l’exercice, telle Aurélie Filippetti, qui vient de détailler avec force précisions le coup de frein brutal à donner aux projets du ministère de la Culture. C’est une méthode de pilotage quand on ne sait pas quelle politique mener sans moyens : on voit beaucoup de projets arrêtés ou retardés, quelques-uns maintenus, mais on ne voit pas d’ambition culturelle. Surtout, en matière de dépenses, l’adversaire sera l’emploi public : comprimer la masse salariale de la Fonction publique est la condition de toute politique d’austérité, vu ce qu’elle représente dans la dépense publique globale. La Fonction publique territoriale, alors que les élus attendent des actes du nouveau gouvernement après des années de gels des dotations d’État, et la Fonction publique hospitalière, dont les besoins de financement sont immenses et augmenteront dans les prochaines années, seront en ligne de mire. On imagine ce que cela signifie pour les politiques locales et la qualité des soins.

La peur du pouvoir face à la finance

Du côté des recettes aussi, le gouvernement entend faire feu de tout bois, à partir du principe selon lequel ménages et entreprises devraient contribuer à « égalité ». L’égalité affichée pour appeler les ménages à de nouveaux sacrifices, le procédé n’est-il pas cynique ? Le projet de mettre en place, pour deux ans, une taxe à 75 % pour les revenus dépassant un million d’euros devrait concerner entre 2 000 et 3 000 personnes. Mais François Hollande a voulu rassurer (les riches) : « Il ne s'agit pas de chercher des ressources supplémentaires. Il s'agit de donner valeur d'exemple, de faire que ceux qui ont le plus peuvent dire à un moment : "Nous faisons un acte civique" ». Ces mots disent crument la peur du pouvoir face à la finance.

Par contre, le Président de la République a d’ores et déjà annoncé le prolongement du gel des barèmes de l’impôt sur le revenu, alors qu’il déclarait il y a quelques mois qu’il n’existe pas de disposition plus injuste. Ainsi, un contribuable dont le revenu a simplement suivi le niveau de l’inflation peut se retrouver dans le barème d’impôt supérieur car celui-ci ne suit plus le rythme d’évolution des prix. Loin d’être seulement une opération technique, cette décision rapporterait à l’État 3,4 milliards d’euros en 2013. Enfin, concernant le financement de la protection sociale, le Président de la République a indiqué qu’une hausse de la CSG n’était pas écartée, tandis que la Cour des comptes, elle, vient de proposer de taxer les retraités... On redoute le pire dans les prochains mois.

Plusieurs économistes, non des plus radicaux, se sont inquiétés au cours des derniers jours des effets délétères pour "la croissance" d’une telle politique budgétaire. D’autres, tel Jérôme Gleize, d’EELV, soulignent non seulement que les pays qui ont mené des politiques d’austérité ont souvent doublé ou triplé leur niveau de chômage sans avoir fortement réduit leur endettement, mais aussi que cette politique risque de tourner le dos aux exigences écologiques.

Les positions dures choisies par François Hollande sont annoncées alors même que se confirme la dégradation de la conjoncture nationale, européenne et mondiale. Tout semble se passer comme si les premiers responsables politiques, qui connaissent nécessairement les avertissements des économistes sur le risque d’aggraver la récession par les mesures d’austérité et la course aux 3 %, étaient convaincus de la nécessité d’une purge sociale. Mais n’est-il pas opportun, au contraire, d’envisager que la baisse des hypothèses de croissance ait un impact sur la politique gouvernementale ? N’est-ce pas le bon moment pour réinterroger les objectifs de baisse du déficit, leur ampleur et leur programmation, et - soyons fous - la priorité à la réduction de l’endettement sur toute autre ? Force est de constater qu’au contraire, l’exécutif semble à ce jour de plus en plus fermé à l’idée de desserrer l’étau de l’austérité. Ce qui conduit à interroger la légitimité même de la politique gouvernementale.Si gouverner, c’est prévoir, est-ce que gouverner en démocratie peut être ignorer l’amplification des déchirures sociales ?

PSA : capitulation du gouvernement

L’affaire PSA aura peut-être refroidi les illusions sur les intentions du gouvernement. Il a en effet agi comme si, en cette rentrée, il avait fallu tuer dans l’œuf l’espoir d’une résistance conjointe des salariés et de l’État aux décisions d’une entreprise. Ainsi le terme de redressement prend un sens précis : Arnaud Montebourg a souligné, lors de la remise du rapport de l’expert nommé par le gouvernement, Emmanuel Sartorius, la nécessité d’une « restructuration de Peugeot ». Le redressement n'est en l’occurrence rien d’autre que l’aménagement (peut-être) négocié d’un plan de licenciements. Sommes-nous ainsi dans une logique d’ajustement structurel, comme ceux qui furent mis en oeuvre dans les pays d’Amérique latine dans les années 80 ? Et voilà l’État réduit à demander à négocier pour limiter la casse sociale.(1)

Autre exemple emblématique, celui de Sanofi, géant français du médicament numéro 5 mondial des entreprises pharmaceutiques) dont un plan de structuration poursuit le laminage, avec cette fois le sacrifice des sites de Toulouse et Montpellier. Les salariés viennent une nouvelle fois d’exprimer massivement leur colère devant la politique du groupe, qui sacrifie parmi les dernières capacités importantes de la France dans la branche. Le délégué central de la CGT, Thierry Bodin, a souligné que si le gouvernement n’intervient pas dans un cas pareil, « il n’a plus qu’à aller se coucher », exigeant la tenue d'une table ronde tripartite - État, entreprise, acteurs sociaux - pour mesurer ensemble « la distribution des dividendes et les soi-disant problèmes de production ». Car le groupe Sanofi a réalisé, en 2011, 9 milliards d'euros de bénéfices. Si le gouvernement n’intervient pas au titre de la santé publique, c’est bel et bien que le souci de l’intérêt général est désormais un ‘‘programme’’ hors des logiciels gouvernementaux.

Et voilà les questions qui fâchent, celles qui passent sous la table derrière les polémiques sur le diagnostic ou sur telles et telles mesures… Avec une telle orientation économique de fond, que devient la possibilité de mener des politiques en faveur de l’égalité ? Quid des politiques qui devraient, par exemple, rompre avec l’abandon des quartiers populaires, avec la déshérence du monde rural ? De l’effort nécessaire pour la transition énergétique ? De la lutte contre les inégalités abyssales et les fractures territoriales qui bousillent la société ? Des ambitions pour une société donnant une autre place aux handicapés et aux vieux ? Des investissements dans la recherche fondamentale et l’innovation, ces "priorités" du gouvernement ?

Reste un versant à relier au mouvement d’ensemble : le problème de la démocratie dans l’Union européenne. La volonté d’imposer l’adoption du nouveau traité européen par la voie parlementaire, dès le mois d’octobre, est confirmée en France. Or, ce traité fait l’objet d’un débat contradictoire dans la société, et des forces sociales et politiques significatives considèrent qu’il ne doit pas être adopté. Certains journaux, comme Le Monde, s’amusent à regarder qui, favorable au non au Traité constitutionnel européen en 2005 est aujourd’hui favorable au TCSG, et inversement. Mais ils minimisent que la Confédération européenne des syndicats (CES), favorable aux précédents traités, est opposé à celui-ci, que les parlementaires socialistes sont nombreux à y être opposés, que les parlementaires écologistes le sont majoritairement aussi, de même que tous ceux du Front de gauche. Ils passent rapidement sur les enquêtes d’opinion qui indiquent un souhait majoritaire d’être consulté par référendum. Or, là aussi, le pouvoir s’apprête à imposer le point de vue libéral à la société. Encore une confirmation que l’actualité politique pose le problème global d’un autre avenir.

* Gilles Alfonsi

 (1). Voir la déclaration de François Asensi, député de Seine-Saint-Denis sur le site www.communistesunitaires.net


Le Front de gauche face à de nouvelles responsabilités

**Dégagée des contradictions d’une participation gouvernementale, la coalition est appelée à approfondir sa stratégie et à se fortifier en s’ouvrant à la participation des citoyens.**

Si le Front de gauche avait décidé, en juin dernier, de participer au gouvernement Ayrault, ses ministres et députés auraient actuellement le choix entre supporter les annonces du Président Hollande - un « plan de rigueur historique », selon Le Monde - ou en claquer la porte, ce qui serait assez piteux. Les représentants d’Europe Ecologie les Verts se frottent déjà à ce léger problème de posture politique. Nous verrons d’ailleurs si la conférence écologique des 14 et 15 septembre leur donne du grain à moudre, ou si les épisodes des dernières semaines - propos de Valls sur le nucléaire, de Montebourg sur les gaz de schiste, etc. - annonçaient la couleur durable de la politique gouvernementale : grise comme une centrale nucléaire, plutôt que verte. Pour mémoire : le débat sur la transition énergétique a été repoussé à 2013.

Mais le Front de gauche a fait le choix raisonnable de se tenir en dehors d’un engagement aux côtés du Parti socialiste, et il se trouve de ce fait dans une position toute différente de celle qu’a connue le Parti communiste en 1983-1984, avec ses dilemmes et ses crises face au tournant de la rigueur. Cette fois, pas de contradictions intenables ni de couleuvres à avaler, comme ce fut aussi le cas du PCF durant le gouvernement Jospin, entre 1997 et 2002.

Pour autant, il ne s’agit nullement pour le Front de gauche de se frotter les mains tandis qu’est mise en œuvre une politique dite d’ « austérité de gauche », c’est-à-dire une orientation libérale matinée de quelques mesures défavorables aux plus riches et de quelques projets positifs (dont les périmètres et les moyens de mises en œuvre fondent actuellement comme neige au soleil… vivement l’hiver !). Au contraire, un échec, fort possible sinon probable, d’une politique qui ne fait que réemployer les mêmes solutions que celles mises en œuvre depuis des années, qui ont échoué, en France, en Europe et dans de nombreux pays, rapproche le pays d’une alternative de droite extrême.

Une alternative à construire

C’est donc plutôt en terme de responsabilité, considérable, du Front de gauche, que les questions se posent. Il s’agit bien sûr de s’opposer aux politiques austéritaires et sécuritaires. Mais il s’agit surtout d’imposer l’idée qu’une rupture avec les solutions libérales est nécessaire, faute de quoi la crise financière ouverte en 2008 va se prolonger, une nouvelle déflagration financière mondiale étant considérée comme possible. Le débat sur l’appartenance ou non des députés du Front de gauche à la majorité est bien loin. En cette rentrée calamiteuse pour les classes moyennes et populaires, c’est la capacité à dessiner une alternative globale, et à signifier qu’elle ne pourra s’imposer que par un mouvement et des luttes qui seules comptent. Ou, mieux : seule une alternative issue d’un mouvement de la société peut être capable, aujourd’hui, de peser suffisamment pour bouleverser l’agenda politique et sortir de l’actuelle course aux abîmes. D’une certaine manière, l’éditorialiste du Monde, Françoise Fressoz, a raison : reprenant le sentiment d’Olivier Besancenot à propos des mobilisations sur les retraites en 2012, « on était des milliers dans la rue et cela n'a servi à rien », il faut donc « des grèves, des occupations de place publique », elle dit crument : «  Très bien mais qui suivra ? Les salariés, tétanisés par la crise ? La CGT, qui revendique par ailleurs d'être à la table des négociations sur la compétitivité ? Le PCF et les Verts, qui ne doivent leur représentation au Parlement qu'au bon vouloir des socialistes ? La gauche au pouvoir pose un redoutable problème à la gauche radicale ». Si l’on met de côté la mauvaise foi de l’auteur concernant les députés PCF et le « bon vouloir des socialistes », l’enjeu de la période est réel : il ne s’agit pas seulement d’obtenir une mobilisation ponctuelle, même massive, mais de construire un rapport de force dans la durée.

Contrairement à ce que susurrent certains commentateurs, il ne s’agit pas pour le Front de gauche de se revigorer dans l’opposition, avec une posture uniquement protestataire destinée à tirer profit des effets sociaux de la situation économique et sociale générale. La politique du Front de gauche est déjà beaucoup plus que cela : elle se situe en rupture avec l’acceptation des solutions libérales, avec la logique de seule compensation à la marge des effets sociaux de la crise ; elle porte les exigences d’égalité ; elle parle d’un nouveau mode de développement, destiné à concilier les objectifs sociaux et environnementaux, au lieu de les opposer comme y conduit, dans le contexte actuel, la logique libérale ; elle conteste les objectifs fondamentaux de l’Union européenne concernant le rétrécissement du rôle des États, la marchandisation des services publics.

Des questions fondamentales peuvent ainsi être posées par lui, dans des termes simples. Par exemple concernant le rôle des banques. Ont-elles comme finalité de « faire de l’argent grâce à la spéculation ou par la manipulation des marchés », comme le dénonce le prix le prix Nobel d’économie 2001 Joseph Stiglitz  (L’Humanité du 11 septembre) ? Ou le métier d’une banque est-il plutôt de « prendre l’épargne des citoyens et de la traduire en investissements qui vont créer de l’emploi et améliorer la situation économique » (nous ajouterions : de financer le développement humain, social et écologique) ?

Le Front de gauche est aussi plus qu’une seule force de protestation lorsqu’il s’apprête à défiler, le dimanche 30 septembre à Paris, aux côtés de nombreuses forces sociales et citoyennes (cf. l’encadré). Mais, au-delà des soutiens aux luttes et résistances sectorielles, au-delà même de la bataille engagée contre la ratification du nouveau traité européen et pour un référendum, la difficulté consiste à dégager un autre horizon politique.

Reste, pour qu’il devienne une force solide, permanente et durable, à ce que le Front de gauche mette enfin en place les conditions d’une participation active des citoyens. Maintenant : prenez le pouvoir, écrit Pierre Laurent, le secrétaire national du PCF dans son nouveau livre : cela ne concerne-t-il pas aussi bien la lutte politique en général que la participation au Front de gauche, si l’on veut qu’il devienne une authentique force de transformation ? Dans la situation de crise que nous connaissons, tout le monde est au pied du mur.

* Gilles Alfonsi

Grande manifestation unitaire le 30 septembre

Soumis à ratification tel qu’il a été signé par Nicolas Sarkozy, le "pacte budgétaire" est un véritable Traité d’austérité qui aggrave davantage les politiques néolibérales. Nous demandons qu’un large débat démocratique ait lieu afin que les citoyen-es puissent se prononcer à sur ce sujet décisif.

Une grande manifestation unitaire à Paris le dimanche 30 septembre, 13h30 à Nation

A l’appel de : Aitec-IPAM, AC !, ANECR, Attac, CADTM, Cedetim-IPAM, CDDSP, CGT FINANCES, CNDF, Les Économistes Atterrés, Fondation Copernic, Front de gauche (Parti communiste français, Parti de gauche, Gauche unitaire, FASE, République et Socialisme, PCOF, Convergence et Alternative, Gauche anticapitaliste), Jeunes Communistes, Les Alternatifs, Mémoire des luttes, M’PEP, Marches Européennes, NPA, Réseau Éducation Populaire, Résistance Sociale, SNESUP-FSU, Sud BPCE, Transform!, UD CGT 93, 94, 75, 77, Union Syndicale de la Psychiatrie, Union syndicale Solidaires.

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