On aurait pu imaginer un âpre débat, et même un rude combat. La France s’apprête en effet à ratifier un traité qui la prive d’une partie de ses prérogatives économiques et budgétaires. Et, pour la première fois dans son histoire, du moins en temps de paix, elle envisage de se soumettre à une autorité administrative extérieure qui aura le pouvoir de la sanctionner. Ce qui n’est pas rien.
Mais il n’y a pas d’âpre débat. Et s’il y a un combat, c’est en quelque sorte une guerre asymétrique. D’un côté, une gauche antilibérale rassemblée principalement sous la bannière du Front de gauche, mais aussi des syndicats, des associations, qui analysent le texte, soulignent la gravité de l’enjeu, demandent un référendum, appellent à manifester ; de l’autre, un ventre mou.
Un président de la République qui, en trente minutes d’intervention télévisée, ne dit pas un mot du traité, deux ministres qui militent pour l’abstention, des dirigeants socialistes qui suggèrent que tout ça n’a pas grande importance, et qu’au fond, ce pacte budgétaire ne changera pas grand chose. Pas de quoi en faire une histoire ! Elisabeth Guigou, ancienne ministre de Lionel Jospin, avoue même qu’elle « n’aime pas ce traité » et qu’on aurait dû « se mettre en situation de l’éviter ». Moyennant quoi, elle va le voter. On n’imagine guère plaidoyer moins ardent… Dans un autre registre, le ministre délégué aux Affaires européennes et la conseillère économique de François Hollande font valoir qu’un rejet affaiblirait la position de Président français. Pitié pour François Hollande ! Laissons croire à Angela Merkel qu’il maîtrise la situation.
De la résignation, et des arguments de basse politique, mais rien sur le texte lui-même. Les défenseurs du traité ne sont pas fiers. Ils prient en chœur pour que l’affaire se fasse dans l’indifférence générale. Comme si l’adoption du cadre budgétaire qui risque pour longtemps de structurer la vie de nos concitoyens et de limiter toute politique sociale, était une chose anodine.
En soi, cette tactique de la honte est un problème démocratique. C’est une bonne raison de manifester le 30 septembre. Il faut imposer un débat auquel le gouvernement se dérobe.
* Denis Sieffert, Directeur de Politis
Editorial du n°152 de Cerises