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Billet de blog 12 février 2011

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Prophylaxie révolutionnaire

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« Quand il s'est agi de combattre un vulgaire avatar de la grippe né quelque part, paraît-il, dans une ferme mexicaine, on a dépensé des millions d'euro, on a acheté 100 millions de doses de vaccin, on nous a bombardés quotidiennement de spots pour nous inciter à nous laver les mains. Jamais les Français n'ont eu les mains aussi propres. Avec mes collègues, on se disait bonjour de loin. Je me moquais des femmes et de leurs sacs à main, je me suis retrouvé avec un sac banane pour mon savon liquide, pour ma solution hydroalcoolique, un jeu de masques hygiéniques et mes lingettes ! Aujourd'hui, le danger est à nos portes, la contagion avérée et les porteurs du virus parmi nous. Elle est où la Bachelot ? »

C'est un tonnerre d'applaudissement qui a salué hier cette intervention de Roger lors de l'émission hebdomadaire « Paroles de français » sur TF1. Le président de la République a eu beau alors mettre en avant l'augmentation du budget du ministère de l'intérieur, le nouveau matériel anti-virus et la création de la nouvelle brigade spéciale de « rétiaires » pour l'interpellation et la neutralisation des agents porteurs du virus, on a bien senti le public peu convaincu.

Comme Roger, ils sont de plus en plus nombreux les Français qui s'expriment tous les jours sur Internet, en appelant les radios, voire en envoyant des pétitions à leurs députés. Il faut dire que le spectacle quotidien que leur offrent les média n'est pas pour les rassurer. Les dispositifs spéciaux mis en place par les radios telles que France Info, la large couverture et les nombreux envoyés spéciaux lors des révolutions tunisienne et égyptienne ont contribué à alimenter cette inquiétude de plus en plus palpable. D'où les voix qui s'élèvent pour demander plus de retenue et une plus grande responsabilité de la part des média. Le ministre de la culture et de la communication semble les avoir entendus, qui a déclaré ce matin avoir donné des instructions au CSA pour redoubler de vigilance.

« La solution ne passera pas par des mesures répressives ni par des interdictions, mais par un travail sur les mots ». Cette opinion iconoclaste, on la doit à Alix martin, chercheur au CNIR (Centre national d'information raisonnée) et spécialiste des stratégies médiatiques. « Pendant des années, des gouvernements comme le gouvernement israélien ou le gouvernement chinois se sont battus pour empêcher que les média n'utilisent tels ou tels mots. Ils avaient compris que la guerre était avant tout une guerre des mots. Nous devrions nous en inspirer. »

Pour Alix Martin, il ne s'agit pas d'un problème de quantité, mais de qualité de la couverture média : « il faut populariser des expressions telles que ‘printemps arabe', ‘réveil de la conscience arabe', ‘fin des dictatures arabes', etc. La performativité des mots, notamment sur les agents infectieux eux-mêmes, est telle qu'elle créera une réalité nouvelle et empêchera toute véritable contagion révolutionnaire. Ou du moins, en réduira la propagation. ».

En l'absence d'une véritable stratégie prophylactique face à la contagion, il n'est sans doute pas inutile d'expérimenter des solutions originales, en attendant que la recherche nous livre enfin une connaissance plus claire de ce nouveau virus. Car les mêmes questions se posent encore : ce virus est-il capable de sauter la barrière des espèces ? Et partant, est-il dangereux de garder parmi nous un nombre tellement élevé d'agents porteurs d'infection ? Quelle prévention, notamment pour la frange la plus fragile de notre population : les gauchistes, les intellectuels critiques, les indignés, les cosmopolites et autres altermondialistes ?

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